Accommodements raisonnables: Québec recule

Laïcité — débat québécois




Jocelyne Richer - Tout indique que le projet de loi 16 sur les accommodements raisonnables sera tué dans l'oeuf par le gouvernement.
Lors des consultations sur le sujet, début octobre, le projet de loi piloté par la ministre de l'Immigration, Yolande James, avait soulevé de vives controverses.
Un mois plus tard, la pièce législative devant favoriser la diversité culturelle n'a franchi aucune nouvelle étape, et rien ne figure à l'horaire, a indiqué le cabinet de Mme James, lundi.
L'étape suivante normale, soit l'étude article par article, a été reportée sine die.
Officiellement, le projet figure toujours au feuilleton, mais le gouvernement ne se fixe plus aucune échéance pour hâter son adoption avant l'ajournement des Fêtes.
«Il faut prendre le temps qu'il faut», a indiqué l'attaché de presse de la ministre, Luc Fortin.
Rappelons que, le mois passé, le projet de loi avait suscité beaucoup de méfiance, en raison des menaces qu'il pourrait faire peser sur l'égalité entre les sexes, sous prétexte d'accommoder les immigrants et les membres des communautés culturelles.
Plusieurs organismes, dont le Conseil du statut de la femme (CSF) et le Syndicat de la fonction publique (SFPQ), avaient réclamé des amendements majeurs au projet, voire son retrait pur et simple.
L'intention de Québec était de forcer les ministères et organismes gouvernementaux à se doter de directives destinées à répondre favorablement aux demandes particulières des communautés culturelles, incluant celles d'ordre religieux.
L'opposition officielle conclut du silence gouvernemental, depuis la fin des consultations, que le projet de loi tombera aux oubliettes.
«On sent un malaise très, très clair» au gouvernement, commente, en entrevue téléphonique, le député péquiste responsable du dossier, Benoît Charette.
Encore récemment, à l'occasion d'une interpellation en Chambre, il dit avoir posé la question directement à la ministre quant à ses intentions futures, «et elle est restée très évasive».
Le cabinet de la ministre James reconnaît que tout le contenu du projet de loi fait présentement l'objet d'une «analyse».
Pressée de questions par l'opposition lors des consultations sur son projet de loi, Mme James, sur la défensive, avait refusé de donner explicitement préséance aux droits des femmes à l'égalité sur la liberté religieuse.
Pour calmer le jeu, elle avait cependant convenu, à la demande pressante du CSF, d'amender son projet dans le sens d'y énumérer trois grandes valeurs de la société québécoise, à savoir la séparation entre l'Eglise et l'Etat, la primauté du français et l'égalité entre les sexes.
Mais aux yeux de l'opposition, c'était trop peu, trop tard, car l'absence de directives claires du législateur aux tribunaux ouvrirait la porte à tous les dérapages, selon elle.
Le PQ se réjouit donc de voir le gouvernement reculer, mais du même souffle il lui reproche de ne pas agir de façon responsable pour éviter une nouvelle crise identitaire au Québec.
«Est-ce que je me réjouis que le projet de loi dans sa mouture actuelle soit mis de côté? Certainement. Est-ce que je me réjouis de l'inaction du gouvernement? Non, parce qu'elle est grave en conséquences», selon le député de Deux-Montagnes, qui appréhende «une nouvelle crise sociale», comme celle qui avait précédé la création de la commission Bouchard-Taylor.
C'est une décision rendue par la Commission des droits de la personne, donnant le feu vert à la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) pour procéder à des accommodements sur la base de la religion, qui avait mis le feu aux poudres, lors de l'étude du projet de loi 16.
Ainsi, des juifs hassidiques avaient obtenu de ne pas être évalués par une femme, lors de leur examen de conduite, tandis que des femmes musulmanes avaient gagné de ne pas être servies par un homme.


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