Anglicisation de Montréal : triomphalisme du ROC

On n’a donc pas besoin de scruter le contenu de ces trois textes pour apprendre que rien n’a changé en 34 ans

Anglicisation du Québec


On connait combien a été virulente la réaction de la communauté anglaise et du journal The Gazette en particulier quand, en 1977, le gouvernement Lévesque a présenté sa Charte de la langue française.
Trente-quatre ans ont passé. On aurait pu penser que la Gazette de 2011, ainsi qu’une forte majorité d’Anglo-québécois, avaient enfin accepté qu’un tel moyen ait été pris pour assurer la survie du seul État à majorité de parlants français en Amérique. Après tout, même Stéphane Dion s’est permis de louanger la loi 101. Nenni!
Il reste que, lors de la publication en juin dernier de la Proposition principale concoctée par le Conseil exécutif du Parti québécois en vue du Congrès d’avril, on n’a pas senti beaucoup d’effervescence dans la presse anglaise par rapport à l’article 3,1 dudit document, article qui stipule «(qu’un gouvernement souverainiste) étendra aux cégeps les dispositions de l’actuelle charte de la langue française appliquées aux écoles. »
Pas de quoi fouetter un chat ont semblé chuchoter nos Anglos, pensant peut-être que la population québécoise en général ne s’intéresse maintenant que très peu à la question linguistique et que, de ce fait, cet article 3,1 de la Proposition principale sera biffé par les bouchardistes au congrès d’avril.
Mais ce serait mal comprendre la communauté anglo-québécoise que de penser que ses principaux porte-parole allaient rester cois devant cet éventuel ajout au programme du PQ, surtout qu’il y a fort risque que «le parti séparatiste» déloge bientôt les libéraux.
Pourquoi alors jusqu’à il y a à peine quelques jours, est-on resté si silencieux? Peut-être parce que l’on croyait que cette idée ne semblait être que la lubie de quelques «purs et durs» du PQ, du député Pierre Curzi entre autres, ainsi que des « grandes gueules» de la Société Saint-Jean-Baptiste.
Mais la donne change quand, le 13 janvier, la Presse Canadienne annonce que « (la) popularité croissante des cégeps en anglais parmi les francophones et les allophones suscite l’inquiétude au sein de la Centrale des Syndicats du Québec (CSQ). » Une centrale de syndicat de profs qui se mouille ainsi… ? !
Le 14, donc au Jour 2 de la parution de cette «préoccupante nouvelle», Barbara Kay a été la première à monter aux créneaux. Comme ce n’est pas le jour prescrit pour sa chronique dans le National Post, elle s’est exécutée sur le site internet du journal, choisissant pour son texte un titre on ne peut plus ironique : [Francophones students choosing English-language schools, oh my->34145].
Le lendemain, parait dans le Post un éditorial au titre tout aussi persiffleur: « [Learn English, get ahead->34569] (Apprenez l’anglais et accéder au sommet). Et, toujours en ce Jour 3 de la déclaration de la CSQ, notre bonne vieille Gazette en remet. Réagit à son tour. Mais elle se fait moins sarcastique avec son [Linguistic freedom for students->34144] en titre éditorial.
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Donc, deux manchettes sarcastiques dans un quotidien torontois s’appuyant ainsi fortement sur le fait que, selon lui, «la bataille est gagnée», que le Québec est de moins en moins une société distingue, de moins en moins une nation. Que pour gagner sa vie à Montréal, tout citoyen doit exactement se comporter comme s’il résidait dans une autre grande ville canadienne : il se doit de parler anglais. Et de le bien parler.
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Mais revenons à notre bonne vieille Gazette. Compte tenu des circonstances, elle a décidé de se faire plus discrète, de moins jouer la carte triomphaliste, du moins dans sa façon de chapeauter cet éditorial du 15 janvier.
Il reste qu’elle revient quand même au vieil argument dont elle a tant usé, il y a 34 ans. contre le projet du docteur Laurin de faire du Québec une société où la langue française serait la langue commune. Elle nous revient avec le fallacieux argument qu’il existe un droit fondamental pour les parents de choisir la langue d’enseignement de leurs enfants.
On n’a donc pas besoin de scruter le contenu de ces trois textes pour apprendre que rien n’a changé en 34 ans. D’ailleurs, celui de The Gazette est de la même farine que les deux autres. En chœur, nos trois larrons font référence à l’étude commandée par la CSQ à l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IFRA), mais pas pour se poser la question à savoir s’il ne faudrait pas élargir la loi 101 aux cégeps, mais bien au contraire, pour laisser faire.
Mais, à trop montrer que la loi 101 a failli et qu’il faut absolument parler anglais pour réussir à Montréal, nos trois scribouilleurs risquent ici de provoquer un effet boomerang. Rappeler ainsi à la majorité qu’elle n’est pas allée assez loin en 1977, qu’elle a manqué son coup avec sa loi 101 devant «faire du Québec aussi français que l’Ontario est anglais», peut pousser bien d’autres groupes de pression à se mettre au diapason des préoccupations, non seulement de la CSQ, mais de la Société Saint-Jean-Baptiste, de Robert Laplante à L’Action nationale. Et de nous autres à l’aut’journal.
Continuer à tirer les premiers, messieurs les Anglais. Avant même que le Québec soit atteint du syndrome de Jérusalem-Est, c'est-à-dire que l’on en vienne à demander des cégeps anglais à Laval et à Brossard, les Québécoises et les Québécois auront compris que la seule solution qui leur reste, c’est l’indépendance.


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