Le désintérêt croissant envers la politique mène inévitablement à l’absence de projet de société. Plus le projet est imposant, plus il nécessite la participation et la confiance des citoyens.
Photo : Agence Reuters Christinne Muschi
«Le pouvoir est désirable comme moyen de réaliser un idéal de justice et de vérité. Il est méprisable s'il faut pour le conquérir fouler aux pieds ses principes et ses convictions.» — Henri Bourassa
La démission de quatre collègues du caucus du Parti québécois est un réel électrochoc! Bien qu'à première vue la situation touche particulièrement le PQ, c'est une grande partie de notre culture politique qui est à dénoncer. Si les membres des autres partis se réjouissent des dissidences péquistes de cette semaine, ils n'ont qu'à bien se tenir, car la population est de plus en plus déçue de la politique québécoise et nul élu n'est intouchable face à la grogne populaire. Les dernières élections fédérales nous l'ont bien démontré.
Le désintérêt croissant de la population envers la politique menace notre démocratie et anéantit nos rêves collectifs. La désillusion politique atteint de plus en plus de gens; même les rangs des plus farouches démocrates ne sont pas épargnés. Les causes de cette situation ne sont pourtant pas énigmatiques.
Un pion législatif
La période de questions flirte constamment avec la «politique-spectacle» quand les députés applaudissent à outrance des questions et des réponses opportunistes, parfois méprisantes et quasiment toujours partisanes. La ligne de parti transforme le rôle du député: alors qu'il devrait réfléchir à chacun de ses votes en Chambre, le député donne plutôt l'impression de devenir un pion législatif une fois qu'il est élu. On craint d'aborder des questions fondamentales de peur de perdre des votes. On insulte la démocratie quand on laisse un seul homme envoyer six millions d'électeurs aux urnes parce qu'il flaire ses chances de se faire réélire. On dirige constamment par sondage... Malheureusement, les exemples sont nombreux, trop nombreux!
Hélas, je partage le constat de tous ces citoyens déçus de la politique. Qu'en est-il du rêve et de l'espoir? Qu'en est-il de cette croyance qu'une société peut développer des projets porteurs? Ne reste-t-il plus rien de l'aspiration d'un peuple à se prendre en main, à saisir les occasions, à faire preuve d'audace?
La beauté de la politique
Lorsqu'elle est pratiquée pour les bonnes raisons, la politique peut être une activité belle et noble. Le député italien Niki Vendola l'expose parfaitement: «Le but de la politique est la recherche de la beauté. La beauté de faire le bien. La beauté de faire ce qui est juste. La beauté de faire ce qui est vrai. La beauté de la pudeur et du respect. La beauté de reconnaître la particularité de chaque être humain. La beauté de combattre un système dont la cruauté se cache derrière des statistiques de richesse qui n'ont rien à voir avec le bien-être de ceux et celles qui sont mis à la marge. La beauté d'une vie qui ne se marchande pas.» Malheureusement, la politique qui s'exerce présentement est loin d'être représentée par la noblesse et la beauté. Elle est plutôt synonyme de déception et de désillusion.
Les projets de société
Le désintérêt croissant envers la politique mène inévitablement à l'absence de projet de société. Plus le projet est imposant, plus il nécessite la participation et la confiance des citoyens. Sans nouvelle culture politique, les grands projets de société demeureront des utopies: oubliez la grande décentralisation vers les régions, la nécessaire révolution de notre système de santé, l'élaboration d'une économie verte ou encore la souveraineté du Québec! Sans nouvelle culture politique, on multipliera les programmes électoraux, études et rapports, mais on n'osera qu'appliquer ce qui est le plus populaire afin de ne pas déplaire, afin de feindre le changement.
À en écouter certains, on a l'impression que les Québécois se sont détournés de la politique, qu'ils ne sont plus ouverts aux grands projets de société, qu'ils sont trop individualistes. Pourtant, rien n'est plus faux! S'il existe une coupure entre la politique et les citoyens, c'est que la politique s'est détournée des citoyens. Lorsque Gérald Godin a gagné son élection contre Robert Bourassa en 1976, le poète affirmait que lorsqu'on «parle des choses vraies, les gens lâchent Yogi l'Ours. Et s'ils ont tellement écouté longtemps Yogi l'Ours, Serge Bélair et Tallibert, c'est qu'on ne leur parlait de rien dans ce maudit pays-là!» Le temps n'est-il pas venu de parler de ce qui mine vraiment notre démocratie?
Et maintenant?
Acquérir une nouvelle culture politique ne se fera pas sans rompre avec la manière dont nous la pratiquons actuellement. Porter un foulard blanc ne suffira pas, réclamer une enquête publique ne suffira pas, donner plus de pouvoir au DGE ou au Vérificateur général ne suffira pas non plus. La crise de confiance sera la même si le décor change, mais que le spectacle sonne encore faux. De nouvelles règles sont évidemment nécessaires, mais avant tout, nous devons changer notre comportement en tant qu'élus.
Pour redonner à notre démocratie ses lettres de noblesse, nous devons cesser notre attitude partisane à l'Assemblée nationale, adopter les réformes nécessaires à la revitalisation de notre système, faire confiance à la population et la faire participer davantage dans les décisions qui construisent notre avenir.
Il est impératif que la classe politique se remette en question, car les Québécois en ont assez de la partisanerie. La crise politique actuelle n'est pas créée par la démission des quatre députés péquistes, mais par la manière dont nous, politiciens, traitons les affaires publiques.
J'en appelle à tous les Québécois, citoyens comme députés de toutes allégeances, à réfléchir et à débattre sur ce que nous désirons de la politique. N'ayons plus peur des réformes nécessaires de nos règles et de nos comportements. Une nouvelle culture politique s'impose afin d'offrir à notre société le nouveau souffle dont elle a tant besoin. Courage, honnêteté, confiance et enthousiasme, voilà les mots clés pour revitaliser notre démocratie, pour assumer nos rêves et notre destinée.
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Sylvain Pagé - Député péquiste de Labelle
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