La réplique › des casseroles aux urnes

Le désir profond d’un Québec progressiste

Pacte électoral - gauche et souverainiste


Le 5 juin dernier, dans ce journal, Pierre Curzi, député de Borduas, appelait les forces souverainistes à s’unir pour empêcher la réélection du Parti libéral. Selon lui, seule cette approche, « tout sauf Charest », pourrait stimuler le vote des abstentionnistes et favoriser l’élection d’un gouvernement progressiste dirigé par le Parti québécois.


Québec solidaire salue les efforts du député de Borduas, qui témoignent de préoccupations légitimes et d’une volonté sincère de sortir le Québec d’un désastre politique qui perdure. D’autres que lui posent en ce moment la question d’une alliance souverainiste, seule capable à leurs yeux de « libérer le Québec des libéraux ». Mais quelle alliance, sur quelle base ? Devons-nous accorder foi à ceux et celles qui avancent que le Parti québécois est ce parti progressiste que plusieurs appellent de leurs vœux ?

La crise étudiante et sociale que nous vivons depuis plusieurs mois est une illustration éloquente des ambiguïtés et des contradictions dans lesquelles est enfermé le Parti québécois. Il aura fallu 11 semaines à Mme Marois pour enfin définir la politique de son parti en matière de droits de scolarité. Le PQ cherche depuis février à se concilier le mouvement étudiant tout en courtisant des électrices et électeurs potentiels au centre-droite. Rappelons-nous aussi la motion déposée par la députée péquiste Véronique Hivon pour inviter au respect des injonctions, au moment même où les étudiants et étudiantes résistaient aux tentatives individuelles de forcer les entrées dans des cégeps où la grève avait été démocratiquement votée !

Dans l’histoire de l’alternance entre le Parti libéral et le Parti québécois, ce dernier a joué un rôle actif dans le virage néolibéral imposé au Québec. L’instauration d’un réseau de centres de la petite enfance, la loi sur l’équité salariale ou la réforme de 2002 de la loi sur les normes du travail ne sauraient nous faire oublier les orientations plus fondamentales qu’a soutenues le Parti québécois depuis 1982 : loi spéciale contre les syndicats du secteur public en 1982, appui sans réserve aux accords de libre-échange nord-américain, coupes massives dans la santé et l’éducation pour atteindre l’équilibre budgétaire, réformes appauvrissantes de l’aide sociale, baisses d’impôt profitant surtout aux contribuables riches, refus de mettre en œuvre une réforme du mode de scrutin…

Si le passé est garant de l’avenir, comment ne pas s’inquiéter d’un parti qui trop souvent clignote à gauche avant une élection, pour tourner à droite une fois au pouvoir?

Les deux vieux partis partagent à des degrés divers la responsabilité du déclin politique qui nous afflige. Les trois manifestations de plus de 200 000 personnes, tout comme le mouvement étudiant, les professeurs, les juristes, les écologistes, les artistes, les intellectuels et les autres personnes qui ont marché dans la rue expriment un ardent désir de voir le Québec et la classe politique retrouver le sens du bien commun et se débarrasser une fois pour toutes d’une vieille culture politique qui permet la domination du 1 %.

Libérez-nous… du 1 % !

Le sens à donner à l’éveil politique et à la métamorphose sociale en cours réside à notre avis dans un rejet massif d’un système contrôlé par une minorité qui ne cesse de s’enrichir sur le dos des 99 %. Les élites politique et économique, main dans la main, ont accouché d’un monde plus que jamais inégalitaire. Elles ont aussi poussé la planète à ses dernières limites. Un bilan récent du GEO-5 affirme que les activités humaines exercent une telle pression sur les écosystèmes que les limites de la Terre ont quasiment été atteintes.

Dans sa chronique du Voir publiée le 31 mai dernier, « Et maintenant, on va où ? », Josée Legault interprète ainsi la mobilisation sociale actuelle : « Quant au problème de fond, je persiste et signe. À savoir que cette reprise de parole est surtout l’expression d’une colère montante contre la dilapidation du bien commun au nom d’une vision essentiellement néolibérale et affairiste. » À Québec solidaire, nous voyons les choses de la même manière.

Le pays à construire est progressiste

Comment pouvons-nous répondre aux aspirations légitimes du peuple québécois ? À l’heure où notre jeunesse se politise et se mobilise, où une large partie de la population a choisi la rue et entamé une marche du changement, nous avons le devoir de surmonter une lourde force d’inertie dans nos habitudes intellectuelles. Le temps est venu d’avoir le courage et le cran de sortir du périmètre intellectuel de l’orthodoxie souverainiste.

Le Québec n’est plus et ne sera plus jamais le même. Un nouvel ancrage électoral gauche-droite a émergé. L’enthousiasme pour le moins mitigé envers le Parti québécois, qui est perçu par les uns comme appartenant à l’élite au pouvoir autant que le Parti libéral et qui en désole d’autres par son refus d’engager résolument le nécessaire combat pour l’indépendance, change aussi la dynamique politique au Québec. Il est évident que le réalignement des forces politiques se poursuivra, qu’un ménage doit avoir lieu et qu’aucun parti n’est propriétaire du vote souverainiste. Quelle attitude les femmes et les hommes politiques souverainistes doivent-ils adopter ?

À Québec solidaire, nous avons l’intime conviction que les propositions politiques doivent être au diapason des mouvements sociaux progressistes. C’est ce que notre parti s’efforce de faire depuis sa fondation. Les membres de Québec solidaire, nombreuses et nombreux à être issus des mouvements sociaux, souhaitent sincèrement que ceux-ci gagnent, parce que leurs revendications expriment les préoccupations et les intérêts du peuple. Quand les mouvements sociaux font des gains, c’est le Québec entier qui est gagnant.

Québec solidaire est également convaincu que seul un projet social peut désormais porter le projet national. Que notre optimisme et des propositions emballantes et audacieuses, en rupture avec les dogmes du marché et l’austérité, fondées sur la recherche de l’intérêt collectif et sur les valeurs écologistes et féministes, sont les seuls antidotes possibles au cynisme que suscite le reste de la classe politique.

Le Parti québécois ne peut plus chercher à jouer un rôle hégémonique dans la construction du pays du Québec. Nous l’invitons à faire preuve d’un peu d’humilité. À être attentif aux partis politiques et ouvert aux mouvements sociaux qui veulent bâtir un pays novateur, chef de file aux plans de l’environnement, du partage des richesses, de l’égalité entre les sexes, des droits du travail, du développement local et régional. Un pays où la démocratie arrive enfin à maturité avec un mode de scrutin proportionnel faisant place au pluralisme des idées ; une démocratie de participation qui s’enrichit des projets et des actions transformatrices de la société au jour le jour et dans tous les milieux.

La crise étudiante et sociale actuelle nous fait redécouvrir collectivement une jeunesse intelligente, inspirée, qui ose affronter la droite. Les prochaines élections générales verront, nous n’en doutons pas, beaucoup de jeunes voter pour la première fois. Elles et ils n’accepteront certes pas des programmes politiques édulcorés, aseptisés, fondés sur les mêmes éternels paramètres idéologiques. Le Québec et les jeunes méritent mieux !

Nous avons le choix

L’état actuel des choses n’est pas une fatalité ou un phénomène naturel inéluctable. Il est l’épouvantable résultat de choix et de gestes posés par les gouvernements dans les dernières décennies, au Québec comme ailleurs, en faveur du 1 % qui se croit tout permis.

Le peuple a le choix. Les femmes et les hommes politiques ont le choix. Tout est une question de volonté citoyenne et de volonté politique. Tout peut changer. Depuis plusieurs années, maintenant, le Québec a retrouvé le goût de rêver et d’agir. Contre les gaz de schiste et pour un développement vraiment viable. Contre les inégalités et pour le partage de la richesse. Contre la corruption des milieux politiques et pour des politiciennes et politiciens démocrates et intègres. Contre la hausse des droits de scolarité universitaires et pour une éducation gratuite et de qualité. Les gens sont dans la rue, renouant du même coup avec le plaisir d’être ensemble. Ils ne se taisent plus et refusent de céder à la peur. Ils feront entendre le doux son des casseroles dans les urnes, exerçant leur capacité à choisir.

Plusieurs plaident en faveur d’une alliance progressiste et souverainiste afin de nous assurer que le Parti libéral mordra la poussière lors des prochaines élections générales. À nos yeux, cette alliance ne saurait exister sans que les partis concernés acceptent de se livrer à une analyse sincère et sans complaisance des erreurs du passé.

Aucune alliance n’est possible sans une vision commune de la crise sociale des derniers mois et de son potentiel de changement profond et durable. Aucune alliance n’existera sans une volonté nette exprimée par les membres des formations politiques concernées. Quoi qu’il arrive et quelle que soit la décision des partis souverainistes, personne ne « nous libérera des libéraux » sinon la volonté souveraine du peuple québécois. Nous lui faisons confiance. Nous savons qu’il a de grandes ambitions pour son avenir.

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Françoise David, Amir Khadir - Porte-parole de Québec solidaire

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Député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire

Médecin à l'hôpital Pierre-Le-Gardeur et porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir est médecin spécialiste en microbiologie-infectiologie et associé de recherche en maladies infectieuses.

Amir Khadir est une des icônes de la gauche québécoise. Avec Françoise David, il est le porte-parole du tout nouveau parti Québec solidaire, une formation issue de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP) et d’Option citoyenne.

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