L’année 2013 aura été marquée, à bien des égards, par l’attente d’une action gouvernementale dans des dossiers écologiques controversés. Et, au-delà des frontières québécoises et canadiennes, l’année qui se termine a permis de prendre un peu plus la mesure de la crise climatique qui se dessine sur un fond d’inaction internationale. Un prélude à ce qui nous attend en 2014 ?
Aux yeux de plusieurs, le retour au pouvoir du Parti québécois laissait présager une plus grande attention accordée aux dossiers écologiques, après neuf années de règne libéral. Ils ont d’ailleurs été nombreux, au sein des groupes écologistes, à saluer la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2, la mise à mort de l’industrie de l’amiante et l’arrêt, pour l’essentiel, du programme des petites centrales hydroélectriques. Mais plusieurs ont aussi rapidement déchanté. Au coeur de leurs préoccupations : l’ouverture on ne peut plus manifeste du gouvernement Marois en faveur de l’industrie pétrolière.
Les péquistes n’ont jamais caché leur préjugé favorable envers la recherche d’or noir au Québec. La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a d’ailleurs répondu sans hésiter à ceux qui demandent à Québec de tourner le dos aux sources d’énergie fossiles. « Nous avons une position claire sur le pétrole. On pense que, avec 14 milliards de dollars d’importations [de pétrole chaque année], il y a un avantage économique certain. Toutefois, il faut que ça se fasse de façon responsable, dans le respect de l’environnement, dans le respect des communautés, mais surtout avec des retombées économiques pour l’ensemble des Québécois. »
Plus tôt cette année, le cabinet de Mme Ouellet avait d’ailleurs annoncé le dépôt d’un projet de loi sur les hydrocarbures pour l’automne 2013. Il semble maintenant que le secteur — jusqu’ici inclus dans la Loi sur les mines — pourrait avoir sa propre législation quelque part en 2014. Le dépôt d’un projet de loi serait prévu cet hiver. Reste à voir si le Parti québécois aura le temps de procéder avant le déclenchement possible d’élections au cours des prochains mois.
On ne sait toujours pas quelle forme prendra ce premier projet de loi directement conçu pour encadrer l’exploitation pétrolière et gazière. Le gouvernement, qui a de sérieuses réserves par rapport à l’industrie gazière, a prévu de confier au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) la tâche d’étudier le cas du gaz de schiste.
Rien de tel n’est toutefois prévu pour le secteur pétrolier. La première ministre Pauline Marois a déjà rejeté l’idée de lancer une enquête générique du BAPE sur l’industrie. Selon elle, les trois régions ciblées par les pétrolières — l’île d’Anticosti, la Gaspésie et le golfe du Saint-Laurent — doivent faire l’objet d’« études propres ». Rien n’a jusqu’ici été précisé. Un important projet de forage mené par Pétrolia est toujours suspendu à Gaspé, en attendant de voir en quoi consistera le règlement sur l’eau potable de Québec. Sur Anticosti, les pétrolières envisagent de mener des opérations de forage et de fracturation dès l’été 2014. Reste à voir quel sera l’encadrement écologique de ces travaux.
Quant au golfe du Saint-Laurent, le gouvernement a publié le rapport de l’évaluation environnementale stratégique un vendredi en fin d’après-midi. Ce document de plus de 800 pages démontre que le Québec connaît mal le golfe et serait inapte à réagir à un déversement pétrolier en milieu marin. Malgré les nombreuses lacunes soulevées dans le rapport, la ministre Ouellet a annoncé, dès sa publication, vouloir aller de l’avant. Le gouvernement veut notamment démontrer la pertinence économique des projets pétroliers dans un milieu aussi fragile.
2014, année des oléoducs
L’année qui s’annonce devrait aussi donner lieu à davantage de débats autour des deux projets d’oléoducs qui visent le Québec. Les écologistes ont très mal digéré l’approbation, par Québec, de l’inversion du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge. Ils ont été nombreux à dénoncer la rapidité avec laquelle la consultation a été menée, à quelques semaines à peine du feu vert probable d’Ottawa. Quelque 300 000 barils de brut devraient couler vers Montréal avant la fin de 2014.
Pour plusieurs, le cas d’Enbridge n’est que le prélude au projet d’oléoduc Énergie Est, dont les détails doivent être annoncés au cours des prochains mois par TransCanada. Il est question de construire en sol québécois un tout nouvel oléoduc qui permettra de transporter quotidiennement 1,1 million de barils de brut de l’Ouest. Une partie du brut serait chargée à bord de pétroliers qui viendraient s’ancrer à un nouveau port dans le secteur marin sensible de Gros-Cacouna. Le reste du pétrole serait transporté jusqu’au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement Marois s’est déjà dit intéressé au projet, mais il n’a toujours pas annoncé quel type d’évaluation écologique pourrait être menée.
Réduire les GES
Bref, Québec est ouvert à l’exploitation de sources d’énergie fossiles ici et à l’arrivée de millions de barils de pétrole de l’Ouest grâce à de nouvelles infrastructures de transport. Le gouvernement garde néanmoins le cap sur son objectif de réduction de 30 % de notre dépendance envers le pétrole et le gaz d’ici à 2020. « Ce n’est pas parce qu’on va exploiter du pétrole au Québec qu’on va augmenter notre consommation. On peut tout à fait diminuer notre consommation et exploiter le pétrole au Québec », estime Martine Ouellet.
Le Parti québécois dit aussi vouloir atteindre une réduction de 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2020, par rapport à 1990. Comment atteindre les cibles ? À elle seule, la Bourse du carbone doit permettre d’atteindre plus de la moitié des réductions de GES promises, selon le ministre Yves-François Blanchet. La stratégie d’électrification des transports, dans laquelle seront investis 516,1 millions de dollars d’ici à 2017, doit aussi jouer un rôle important. Mais on attend toujours la nouvelle mouture du plan de lutte contre les changements climatiques. Une annonce était prévue à l’origine pour le printemps 2013. Le dernier plan couvrait la période 2006-2012.
Ottawa, cancre écologique?
Si les attentes sont élevées envers le gouvernement du Québec, le portrait est fort différent à Ottawa. L’objectif de réduction des GES fixé par le gouvernement Harper doit déboucher sur une réduction des émissions de gaz à effet de 17 % par rapport à 2005 (+3 % par rapport à 1990). Mais plusieurs experts doutent de la possibilité de l’atteindre.
Un rapport, publié fin novembre, donnait d’ailleurs la mesure des déceptions grandissantes envers le gouvernement canadien. « Comme l’an passé, le Canada ne montre aucune intention d’avancer en matière de politique climatique et demeure donc le pire de tous les pays industrialisés », soulignaient les auteurs du rapport intitulé Climate Change Performance Index 2014 et publié par les organisations non gouvernementales Germanwatch et Climate Action Network Europe. Le pays dirigé par Stephen Harper se retrouvait ainsi au 55e rang des 58 pays pris en compte dans le rapport, devançant uniquement l’Iran, le Kazakhstan et l’Arabie saoudite. Le Canada se classe dernier au sein du G8 et avant-dernier parmi les membres du G20.
Ottawa continue de multiplier les voyages de promotion du pétrole des sables bitumineux. Au cours de la dernière année, tant le premier ministre que le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, ont plaidé à plusieurs reprises pour la réalisation de l’oléoduc Keystone XL. Ce projet n’a toujours pas été approuvé par le gouvernement américain. On s’attend d’ailleurs à une décision du président Barack Obama à ce sujet au cours des prochains mois.
Il faudra aussi voir quelles orientations le gouvernement Harper donnera au Conseil de l’Arctique. Le Canada en a pris la présidence en mai, et ce, pour les deux prochaines années. Il entend bien peser de tout son poids pour « stimuler le développement économique » de cette région, de plus en plus fragilisée par l’activité humaine et les changements climatiques.
Inaction internationale
En matière de lutte contre les bouleversements climatiques, l’année 2013 a donné lieu à la publication de plusieurs rapports qui ont mis en lumière l’ampleur d’une crise écologique de plus en plus difficile à nier. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’urgence d’agir ne fait d’ailleurs aucun doute. La Terre se dirige présentement vers une hausse des températures de pas moins de 5,3 °C par rapport à l’époque préindustrielle. Un tel bond « aurait des conséquences désastreuses en termes d’événements climatiques extrêmes, d’élévation du niveau de la mer, et entraînerait d’énormes coûts économiques et sociaux ».
Les scientifiques estiment qu’il faudrait limiter la hausse à 2 °C pour éviter une telle situation. C’est l’objectif officiel des pays engagés dans les négociations internationales sur le climat. Mais la planète s’en éloigne un peu plus chaque jour. Le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en septembre, est d’ailleurs venu confirmer les risques liés à l’inaction internationale en matière climatique. Malgré tous les indicateurs qui tournent au rouge, la communauté internationale a bien failli échouer à adopter un accord à la conférence annuelle sur le climat tenue à Varsovie, en novembre.
Les 190 États réunis en Pologne sont finalement parvenus, in extremis, à éviter l’échec total que tous redoutaient. Mais l’accord signé laisse surtout entrevoir l’extrême difficulté des négociations à venir en vue de la signature d’un traité contraignant à Paris, en 2015. Plusieurs rencontres internationales sont prévues au cours des prochains mois pour tenter de préparer le terrain.
L’échec n’est pas une option, prévient d’ailleurs le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. D’autant plus qu’« il sera bientôt trop tard » pour sauver la santé écologique de la planète. Le risque est toutefois bien réel. Alors que les défis sont de plus en plus importants, la volonté politique se fait toujours attendre, et ce, à tous les niveaux.
ENVIRONNEMENT
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