Aspirants policiers: Québec met fin à une discrimination

Les étudiants autochtones devaient acquitter une note de 17 500$ pour une formation offerte gratuitement aux minorités culturelles

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Les autochtones victimes d'un bras-de-fer entre Ottawa, Québec et les Premières-Nations

La ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Hélène David, abolit les importants droits de scolarité imposés aux étudiants autochtones qui visent à obtenir une attestation d’études collégiales (AEC) en techniques policières.

« La formation postsecondaire pour les étudiants des Premières Nations, ce n’est pas une priorité, c’est une ultrapriorité », a affirmé Hélène David au Devoir.

L’AEC en techniques policières, qui est offerte au cégep d’Alma, est une formation sur mesure pour les futurs policiers autochtones qui doivent débourser 17 500 $ pour 900 heures de cours, soit l’équivalent de deux sessions. Les étudiants inscrits en septembre ont droit à la gratuité, et les droits de scolarité payés seront remboursés.

Cette formation permet d’accéder à l’École nationale de police du Québec (ENPQ) où l’étudiant doit suivre une formation de 15 semaines, au coût de 27 000 $ incluant l’hébergement, avant de pouvoir exercer son métier de policier.

À l’origine — le cégep d’Alma offre cette AEC depuis 1997 —, c’étaient les Conseils de bande, ou les corps policiers autochtones, qui assumaient ces droits de scolarité, a souligné Patrick Girard, le directeur la formation continue au cégep d’Alma. Mais depuis quelques années, plusieurs Conseils de bande, qui jugent que leur service de police est gravement sous-financé par Québec et Ottawa, ont cessé de payer ces droits de scolarité, ce qui a fait reposer sur les épaules de plusieurs aspirants policiers le poids financier de leurs études.

« On n’était plus à l’aise avec la situation, a livré Patrick Girard. On est très heureux du dénouement. Ça va faciliter l’accès pour eux et leurs aspirations à devenir un jour policiers. »

La semaine dernière à l’Assemblée nationale, le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, avait dénoncé la situation qu’il considérait comme une injustice.

Tout étudiant québécois, autochtone ou non, peut emprunter la voie normale et obtenir un diplôme d’études collégiales (DEC) en techniques policières en trois ans sans avoir à assumer des droits de scolarité. Mais le programme, très couru, est fortement contingenté. En pratique, seul le programme d’AEC réservé aux autochtones, une voie rapide pour des étudiants qui, bien souvent, n’ont pas fréquenté le cégep, peut leur permettre d’accéder à l’ENPQ afin de devenir policiers et poursuivre une carrière dans une force autochtone ou une autre.

Les autochtones ne sont pas les seuls à avoir accès à cette voie rapide. Il existe un autre programme d’AEC en techniques policières, au cégep de Maisonneuve, pour les étudiants issus des communautés culturelles. La Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) embauchent ces diplômés afin que la composition de leurs effectifs soit plus représentative. Or, tandis que les autochtones paient le gros prix, l’AEC en techniques policières réservée aux étudiants des communautés culturelles est gratuit.

À l’ENPQ, les autochtones continuent toutefois de payer le gros prix par rapport aux autres étudiants. Au lieu de 27 000 $, les étudiants non autochtones assument des droits de scolarité d’environ 8000 $.

Au cégep d’Alma, 14 étudiants autochtones suivent les cours de l’AEC en techniques policières. Pour trois d’entre eux, leur conseil de bande a payé la totalité des droits de scolarité. Deux autres ont reçu de 2000 $ à 3000 $, tandis que neuf étudiants ont dû se débrouiller autrement, s’adressant à leur famille et contractant un prêt auprès d’une institution financière, a indiqué Patrick Girard.

Selon lui, les étudiants autochtones font les frais d’une partie de bras de fer entre Ottawa, qui a créé le programme des services de police des Premières Nations en 1991, Québec et les Premières Nations. Le gouvernement fédéral assume 52 % de la note et Québec, le reste. Or en 2012, le gouvernement Harper a décidé de geler sa contribution, ce qui a depuis exercé d’importantes pressions sur les budgets des corps de police autochtones aux prises avec un alourdissement de leur charge de travail.

La situation est différente pour les étudiants autochtones qui parlent anglais. C’est au collège Ellis, une institution privée sise à Drummondville, que l’AEC leur est offerte à un coût variant entre 18 000 $ et 20 000 $. Selon le coordonnateur du programme, Daniel Guillemette, ce sont essentiellement des Cris et des Inuits qui suivent la formation. Or leurs gouvernements assument tous les frais, a-t-il précisé. Cris et Inuits ne dépendent pas du programme fédéral : ils peuvent compter sur la Convention de la Baie-James.

Depuis qu’Ottawa a décidé de geler son financement, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) se plaint du sous-financement des corps policiers autochtones au Québec. Certaines communautés ont menacé de fermer leur service de police pour forcer la Sûreté du Québec (SQ) à prendre la relève.

En 2015, il existait au Québec 20 corps policiers autochtones qui desservaient 44 communautés et comptaient 401 policiers, selon les données citées par Patrick Girard. De son côté, la SQ emploie un petit nombre de policiers autochtones : ils étaient 27 en 2015, un de plus que deux ans auparavant.
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