Comme tant de Québécois ces derniers jours, je suis profondément consterné devant l’ampleur de la débandade du français constatée dans le dernier recensement fédéral.
Je tiens pour principale responsable notre classe dirigeante qui, depuis trop longtemps, à Québec comme à Ottawa, s’aveugle volontairement devant ce déclin – pourtant accablant – et renonce à agir sérieusement pour y remédier. Par leur manque de vision, leur lâcheté ou leur hypocrisie, selon le cas, nos décideurs politiques se font les complices objectifs de la «louisianisation» à terme du Québec et de ce qu’il reste du fait français au Canada, pour reprendre une expression chère à François Legault, quoique discutable...
Au vu de la gravité de la situation, le refus du gouvernement de la CAQ de prendre les moyens qui s’imposent pour garantir la viabilité à long terme du Québec français à l’intérieur du carcan canadien est à la mesure de l’échec annoncé de sa loi 96, et il confirme la faillite morale du fédéralisme dit nationaliste. Dans ces circonstances, nul ne peut plus nier que le seul remède crédible à la langueur de plus en plus prononcée de notre langue réside dans l’accession du Québec à l’indépendance politique.
Mettre un frein à la dévitalisation observable du français en ce pays, cela commande plus que des vœux pieux. Et beaucoup plus que le genre de demi-mesures auxquelles nous a habitués la CAQ. C’est une obligation de résultat. C’est le minimum à atteindre, sans quoi nous courons irrémédiablement à notre perte. Et bien que l’avenir du français soit l’affaire de tous, cette obligation de résultat incombe au premier chef à ceux d’entre nous qui ont le pouvoir d’agir, à ceux qui «décident»...
Or, à la lumière des données du recensement, force est de constater que ce résultat, que ce minimum est loin, très loin d’être au rendez-vous. Si loin, en fait, que plus ça va, et plus nous nous en éloignons. Et chose certaine, ce ne sont ni la loi 96 ni les mesures risibles, voire perfides, envisagées par le fédéral, qui nous en approcheront le moindrement. Et c’est sans compter l’incohérence mortifère du gouvernement Legault qui, un jour, peut gréer l’OQLF d’un budget additionnel de cinq millions, mais le lendemain, faire cadeau à l’empire mcgillois d’un immeuble d’une valeur d’un milliard (l’ancien Royal Vic).
Pas besoin d’être devin pour prédire que d’ici le prochain recensement, en 2025, le français aura encore perdu des plumes, et ainsi de suite, jusqu’à ce que par la faute de nos responsables irresponsables, le carcan canadien et anglicisant qui nous sert de pays ait fini de nous plumer collectivement.
Parlant de plumage, la jurocratie canadienne ne s’est pas fait prier pour entamer celui de la loi 96. Pas plus tard que la semaine dernière, la juge Chantal Corriveau, de nomination fédérale, a résolu de suspendre certaines dispositions de la réforme prévoyant la traduction française obligatoire, dans l’intérêt public, de tout document de procédure judiciaire rédigé anglais par une personne morale. C’est sans parler de cette énième croisade de la Commission scolaire English-Montréal, annoncée avant même l’adoption de la loi 96, pour en contester la validité constitutionnelle, sous de nombreux aspects. Et on n’a encore rien vu, sachant que le Bill 96 Action Committee, auquel siège notamment une officière du Parti libéral du Québec (PLQ), Frédérique Lissoire, promet de financer plusieurs autres recours du genre ; recours qui pourront aussi bénéficier, ô surprise, de l’appui du gouvernement canadien.
Enfin, c’est à regret que j’ai pris connaissance des propos du ministre de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, plus tôt cette semaine. Malgré les constats cruels rapportés par Statistique Canada, M. Jolin-Barrette a fermé la porte à toute extension de la loi 101 aux cégeps dans un prochain mandat de la CAQ, de même qu’à toute bonification sérieuse de sa loi 96. J’y vois un ultime aveu d’échec, non seulement de la CAQ, mais, plus largement, du camp fédéraliste, dont le pari fondamental a toujours été de faire croire aux Québécois qu’ils pouvaient se contenter de rester une province du Canada, au motif que l’avenir du français y serait assuré... Or, il est clair aujourd’hui que ce pari nationaliste-fédéraliste ne tient plus la route, à supposer qu’il l’ait jamais tenue. La vérité, c’est qu’à défaut pour le Québec de devenir un pays, cela à court terme, le français est condamné à la déchéance, à commencer dans la métropole. Quiconque prétend le contraire se méprend lourdement sur la réalité.
Maxime Laporte, président du Mouvement Québec français (MQF)