Avez-vous dit «corruption»?

Admettre que la corruption organisée fasse partie de nos moeurs au Québec, c'est aussi devenir complice de tous ces voyous qui s'enrichissent sur le dos des pauvres gens partout dans le monde. On ne peut pas accepter de se croiser les bras et de regarder ailleurs pour ne pas être dérangé.

Géopolitique — médiamensonges des élites


On en parle depuis des mois et des mois. De temps en temps, on entend dire que des policiers ont fait une descente dans un bureau quelque part, ils ont sorti quelques précieuses boîtes, et puis, plus rien. Pendant ce temps-là, c'est l'été et le Québec tout entier est un véritable chantier de construction. On répare, on bouche des trous, on démolit quand c'est nécessaire. Partout, la machinerie s'affiche sous des noms bien connus. Pourtant, une chose reste sûre: pour le citoyen qui suit l'actualité à l'œil nu, rien n'a changé. Il a beau réclamer une commission d'enquête, faire valoir que ce sera la seule façon de faire le ménage, qu'il faut rendre publics le système tel qu'il existe et les noms de ceux qui en profitent. La réponse du premier ministre Jean Charest reste la même: niet.
Il fait si chaud que la tentation est grande de repousser sur le brûleur à l'arrière du poêle cette question de corruption qui donne envie de vomir tellement elle sent mauvais. Sauf que nous savons aussi qu'elle ne s'en ira pas toute seule et que si nous ne jouons pas notre rôle de citoyen, rien ne va changer. Nous le savons parce que nous l'avons déjà vécu. Le Québec a été une terre fertile pour la corruption à travers le temps et la seule consolation que nous pouvons avoir, c'est bien de nous dire que nous ne sommes pas les seuls et que c'est bien pire dans certains coins de la planète. Mince consolation, il est vrai.
L'excellente émission de Radio-Canada Tout le monde en parlait a raconté cette semaine les événements qui ont mené à l'emprisonnement du maire de Ville Saint-Michel pour cause de corruption, à la fin des années 1960. On y a souligné qu'il est difficile de déterminer qui est le plus coupable en cas de corruption: celui qui paye ou celui qui reçoit l'argent? La corruption est une affaire qui se joue à au moins deux...
Le système ne changera pas tout seul. Pourquoi changerait-il d'ailleurs puisque ceux qui en profitent ne veulent pas voir le système leur filer entre les doigts, et que ceux qui savaient déjà et jouaient les complices silencieux doivent aussi y trouver leur compte finalement?
Le président français, Nicolas Sarkozy, lui-même plongé dans l'eau chaude cette semaine, a dû se résoudre à accepter la démission de deux de ses ministres, qui auraient profité de leur statut de membre du gouvernement pour faire payer certaines de leurs petites dépenses personnelles par l'ensemble de la population. Un autre ministre, l'un des plus importants, patauge pendant ce temps dans une histoire qui concerne la richissime propriétaire de L'Oréal, une vieille dame dont certains, dit-on, auraient eu tendance à abuser. La corruption peut avoir plusieurs visages. Certains d'entre eux peuvent même avoir l'air honnête.
Les scandales s'étalent partout. Du Mexique à la Grande-Bretagne, de l'Italie aux États-Unis, où des sommes fabuleuses d'argent comptant ont disparu alors qu'elles étaient transportées en Irak pour payer les salaires des troupes. On raconte que la Chine est retombée dans ses vieilles ornières et que la corruption est de retour. Je ne vous parlerai même pas d'Haïti. Dans tous les pays du monde, les «incorruptibles» se font rares. Il existe pourtant une convention des Nations unies contre la corruption que certains pays du G20 ont jusqu'à maintenant refusé de signer, parmi lesquels l'Allemagne et le Japon.
En juin dernier, pendant deux jours, les Nations unies, la Banque mondiale et la Suisse ont réuni à Paris des banquiers, des magistrats et des ministres pour une conférence intitulée «Pas de refuge pour les biens mal acquis». On y a estimé que les biens volés par des dictateurs à leur propre pays se situeraient entre 20 et 40 milliards de dollars cette année. Ces sommes gigantesques détournées au profit des dirigeants manquent terriblement pour satisfaire des besoins aussi urgents que le traitement du sida, par exemple. On estime qu'avec seulement 100 millions de cet argent, on pourrait traiter 600 000 malades.
On raconte aussi que le général Sani Abacha, qui dirigea le Nigeria de 1993 à 1998, aurait détourné de 3 à 5 milliards de dollars au cours de son passage au pouvoir. Où est-il maintenant? Et surtout, où est l'argent? L'histoire ne le dit pas.
Admettre que la corruption organisée fasse partie de nos moeurs au Québec, c'est aussi devenir complice de tous ces voyous qui s'enrichissent sur le dos des pauvres gens partout dans le monde. On ne peut pas accepter de se croiser les bras et de regarder ailleurs pour ne pas être dérangé.
Les peuples du monde entier sont au bord de l'écoeurement. Ils réclament une justice qui devrait aller de soi. Ils réclament que les voleurs soient mis en prison. Pas seulement quand ils ont volé un pain, mais aussi quand ils ont volé toute la récolte de farine et la boulangerie en plus. Quand les peuples auront les yeux bien ouverts, peut-être leur viendra-t-il l'idée de se mettre en colère...


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