Bilinguisme chez les juges : Québec essuie un nouveau revers face à la juge Rondeau

F92610d355f14c01782d4fc2ae7a4137

Le bilinguisme totalitaire

La Cour supérieure a suspendu un appel à candidatures pour un poste de juge exigeant uniquement la maîtrise du français. Il s’agit d’un nouveau revers pour le ministre de la Justice dans son bras de fer avec la juge en chef de la Cour du Québec.  


• À lire aussi: Écarts de comportement en cour: une juge blâmée pour la troisième fois par le Conseil de la magistrature


• À lire aussi: La Cour supérieure tranche: la réforme de la loi 101 suspendue en partie


• À lire aussi: De plus en plus de profs immigrants


Le juge Christian Immer a ordonné, lundi, que le processus de sélection pour un nouveau juge à la Chambre de la jeunesse à Longueuil soit suspendu jusqu’à l’audition de la cause sur le fond, l’automne prochain. 


Il s’agit du même juge qui avait déclaré «illégales» les interventions du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, pour empêcher l’exigence quasi systématique du bilinguisme lors de la nomination de nouveaux magistrats.


Québec estime que la maîtrise de l’anglais ne devrait être imposée que lorsque sa nécessité est démontrée. À l’opposé, la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, plaide que les critères pour la nomination d’un juge relèvent de l’indépendance du pouvoir judiciaire. 



  • Écoutez la rencontre Nantel-Durocher diffusée chaque jour en direct 15 h via QUB radio :



Après ce premier échec en Cour supérieure, le gouvernement Legault avait modifié la loi dans le cadre de sa réforme de la loi 101 afin de préciser que la maîtrise d’une autre langue que le français ne peut être exigée, sauf avec le consentement du ministre de la Justice. 


Le Conseil de la magistrature a alors réclamé un pourvoi en contrôle judiciaire afin de faire invalider cette modification. La suspension annoncée aujourd’hui constitue une victoire temporaire pour la juge Rondeau. 


Québec ira en appel


À Québec, la réaction du ministre Jolin-Barrette n’a pas tardé: «Je le réitère, il est inconcevable que le simple fait de ne pas maîtriser une autre langue que la langue officielle puisse constituer d’office une barrière pour accéder à la fonction de juge au Québec. C'est la responsabilité du gouvernement de s’assurer que ce ne soit pas le cas, et c’est ce que nous avons fait avec la loi 96», a-t-il déclaré dans une déclaration écrite. 


«Nous sommes en complet désaccord avec le jugement rendu aujourd’hui et nous avons l’intention de porter la décision du juge Immer en appel», ajoute le ministre de la Justice. 


Bilinguisme nécessaire?


Dans son argumentaire devant le tribunal, Québec faisait valoir que seulement 4% des usagers utilisent l’anglais dans le district de Longueuil. Pour établir ce constat, le ministère a non seulement utilisé les demandes d’aide juridique, mais également procédé à l’écoute d’un échantillon de causes dans six districts où le bilinguisme était exigé. 


Selon Québec, 100% des juges en Chambre de la jeunesse en Montérégie sont présentement bilingues. 


À l’échelle nationale, le Québec compterait 87,9% de juges bilingues, affirme le cabinet du ministre Jolin-Barrette. 


C’est beaucoup plus qu’ailleurs au pays, comme le démontre ce tableau fourni par Québec à partir des données de Statistiques Canada. 


Pourcentage de juges bilingues par province:  



  • 61,1% au Nouveau-Brunswick (deux langues officielles)   

  • 40% à l’Île-du-Prince-Édouard   

  • 37,3% en Ontario   

  • 33,3% à Terre-Neuve et Labrador   

  • 30% en Nouvelle-Écosse   

  • 29,4% en Alberta   

  • 22,3% au Manitoba   

  • 13,9% en Colombie-Britannique   

  • 8% en Saskatchewan