François Legault n'avait sans doute pas besoin du dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir pour savoir qu'il est illusoire de penser à gouverner le Québec en faisant abstraction du débat sur son avenir politique.
Un gouvernement peut avoir des priorités plus urgentes, mais quand 58 % des Québécois et 61 % des francophones estiment «impossible» de mettre la question nationale de côté, malgré l'extrême lassitude que certains ressentent simplement à entendre le mot «constitution», il est clair que le sujet est incontournable. S'il va de l'avant avec son projet de créer un nouveau parti, M. Legault devra impérativement y consacrer un chapitre de son programme.
Laisser complètement de côté la question équivaudrait à consacrer le statu quo, mais réunir des fédéralistes et des souverainistes autour d'une plate-forme commune n'est pas une mince affaire.
Pauline Marois a fait de la réclamation de nouveaux pouvoirs l'élément central de son nouveau «plan pour un Québec souverain». Cela fait partie des «demandes traditionnelles» du Québec depuis cinquante ans, mais M. Legault aurait bien du mal à convaincre des fédéralistes de s'engager dans cette voie, puisque l'objectif avoué est de multiplier les conflits avec Ottawa dans l'espoir de raviver la flamme souverainiste.
Après avoir ridiculisé les conditions de l'accord du lac Meech, qui constituent toujours l'essentiel de la politique constitutionnelle du PLQ, il serait tout aussi difficile pour des souverainistes de s'y rallier vingt-cinq ans plus tard.
Maintenant que l'Assemblée nationale et même la Chambre des communes ont reconnu l'existence de la nation québécoise, il serait impensable de revenir à des concepts aussi timides que la «société distincte», le «foyer principal» ou encore la «société d'accueil».
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Dans un texte intitulé [«Continuer autrement»->31331], publié vendredi dernier sur le site Vigile.net, l'ancien ministre Claude Morin propose précisément d'axer les revendications du Québec sur la reconnaissance explicite de la nation québécoise dans la constitution canadienne et d'en faire éventuellement l'objet d'un référendum.
Il s'agit d'un «objectif basé sur le commun dénominateur que constituent des valeurs partagées, transcendant les affiliations partisanes individuelles et les préférences immédiates de chacun quant au statut futur du Québec», explique-t-il.
En réalité, sa proposition s'adresse au PQ, mais elle pourrait très bien inspirer un autre parti qui voudrait s'attaquer sérieusement au dossier constitutionnel. Évidemment, si M. Legault et ses amis ne s'intéressent au dossier que pour la forme, il vaut mieux oublier cela, parce que la route pourrait être longue et parsemée d'embûches.
En juin 1990, dans une ultime tentative de rendre l'accord du lac Meech acceptable au Canada anglais, Robert Bourassa avait accepté de lui annexer un avis juridique signé par les plus grands experts au pays selon lequel la reconnaissance de la «société distincte» ne conférerait aucun pouvoir supplémentaire au Québec.
Selon M. Morin, la constitution devrait énoncer que la reconnaissance de la «nation» québécoise a pour but de créer un «nouveau rapport Québec-Canada» et prescrire qu'en cas de litige, elle devrait orienter le partage des compétences entre Ottawa et Québec ainsi que la répartition des ressources fiscales.
Même si elle ne présume en rien du statut futur du Québec, le succès de cette démarche est loin d'être assuré. La perspective de rouvrir le dossier constitutionnel ne soulèverait aucun enthousiasme dans le reste du pays. Dans la meilleure des hypothèses, il faudrait y consacrer tout un mandat. Et si cela ne fonctionne pas...
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Un gouvernement soucieux de ne pas être entraîné trop rapidement dans une nouvelle confrontation avec Ottawa pourrait toujours réactiver le vieux projet d'une constitution québécoise, que fédéralistes et souverainistes ont caressé tour à tour depuis quarante ans.
Dans son récent ouvrage intitulé Une certaine idée du Québec, l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes Benoît Pelletier a repris cette idée qu'il avait déjà évoquée dans son rapport de 2001. Le premier ministre Charest n'y est pas totalement réfractaire, mais il craint manifestement d'ouvrir une boîte de Pandore. Cela fait également partie du «plan pour un Québec souverain» de Pauline Marois.
Il ne sera cependant pas facile de faire consensus sur un texte. «Si les Québécois arrivent facilement à s'entendre sur des principes comme la liberté et la justice, il en va autrement du droit du Québec à l'autodétermination», note M. Pelletier. «Le fossé politique qui, au Québec, sépare les fédéralistes et les souverainistes demeure un obstacle d'envergure à l'adoption d'une constitution québécoise.»
À défaut de pouvoir trancher entre la constitution d'un Québec-province et celle d'un Québec souverain, pourrait-on imaginer une constitution à deux vitesses, dont certaines dispositions seraient applicables immédiatement et d'autres seraient «suspendues» jusqu'à ce que le Québec devienne un État souverain?
Claude Morin y voit un problème. Il faudra vraisemblablement que le projet soit soumis à l'approbation de la population par voie de référendum. S'il contient des dispositions qui pourraient à terme conduire à la souveraineté, la possibilité d'un rejet ne peut être exclue. Bref, bonne chance, M. Legault!
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mdavid@ledevoir.com
Bonne chance!
il est illusoire de penser à gouverner le Québec en faisant abstraction du débat sur son avenir politique.
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