C'est l'État et ses institutions qui sont astreints à un strict devoir de neutralité et de laïcité : pas la société civile ni les citoyens.
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LE SOLEIL - DOCUMENT - (Résumé du mémoire déposé devant la Commission Bouchard/Taylor) — À titre de centre d'analyse sociale jésuite enraciné dans la tradition du catholicisme social, le Centre Justice et Foi publie la revue Relations et développe, par son secteur Vivre ensemble, une expertise sur les enjeux de l'immigration, de la protection des réfugiés et des relations interculturelles.
Le point de vue et les recommandations développés par le CJF s'inscrivent sur l'horizon de la reconnaissance de la diversité religieuse et de la nécessité de réactualiser les modes d'intégration à la société québécoise. Ils sont également animés par la conviction que les croyants, de même que les traditions religieuses, peuvent contribuer de façon positive à la vie sociale et démocratique.
À la fin des années 1980, le Centre justice et foi — plus particulièrement son directeur de l'époque, Julien Harvey, s.j. — avait proposé la notion de culture publique commune comme base de discussion à la délibération politique portant sur l'intégration dans notre société. Dans le débat actuel, il peut être toujours utile de s'appuyer sur cette notion. Cette dernière doit toutefois s'inscrire dans la perspective plus large de la citoyenneté.
Alors que la conjoncture mondiale est marquée par une obsession sécuritaire se conjuguant à une montée du néolibéralisme et du conservatisme, il est important d'éviter le piège d'aborder l'enjeu de l'intégration uniquement en termes de protection identitaire ou dans une logique de devoir individuel. Pour le CJF, il est clair que l'intégration à la société québécoise se joue d'abord sur le terrain socioéconomique. Elle s'enracine dans des mesures étatiques d'accueil et de soutien des nouveaux arrivants, particulièrement des programmes de francisation qui sont nettement insuffisants.
L'intégration se fonde également sur le développement de politiques d'accès à l'emploi et de lutte à la discrimination et au racisme. Lorsque la précarité et la marginalisation génèrent des frustrations et des insécurités, elles risquent d'alimenter — autant chez les nouveaux arrivants que chez les membres de la société d'accueil — des replis ou des crispations identitaires délétères pour le lien social et la vitalité démocratique. Le CJF réaffirme aussi l'importance d'un «outil» juridique comme celui de l'accommodement raisonnable pour favoriser cette intégration et assurer l'accès de tous à l'égalité. En outre, il souligne l'importance de mieux promouvoir le principe d'égalité hommes/femmes dans notre société — un principe qui devrait interpeller toutes les traditions religieuses.
Les traditions religieuses sont des composantes de la société civile
Le CJF rappelle que les institutions religieuses sont des composantes de la «société civile» — au même titre, par exemple, qu'une association citoyenne, qu'un syndicat ou qu'une organisation philanthropique. S'il doit y avoir une nette séparation entre «les Églises et l'État», une société libre et démocratique ne peut toutefois nier aux croyants leurs droits de s'organiser, d'entretenir une vie communautaire, de manifester publiquement leurs convictions par des discours, des comportements, des signes extérieurs ou encore des pratiques rituelles.
On ne saurait demander aux individus de vivre leur foi uniquement «dans le privé» et de faire abstraction de celle-ci lorsqu'ils mettent le pied dans l'espace public ou les institutions étatiques. C'est l'État et ses institutions qui sont astreints à un strict devoir de neutralité et de laïcité : pas la société civile ni les citoyens. De plus, le CJF rappelle que pour plusieurs personnes, la religion demeure un vecteur privilégié par lequel s'élaborent les questions de sens, l'éthique du lien social, la responsabilité à l'égard du bien commun et des préoccupations à portée authentiquement universelle. C'est pour cela que les croyants des diverses traditions religieuses peuvent légitimement participer à la délibération publique et ainsi contribuer à enrichir les principes civiques à la base de la culture commune du Québec.
Enfin, pour le CJF, il est crucial de favoriser l'éducation des jeunes et des citoyens à une meilleure compréhension des phénomènes religieux, et ce dans le but de favoriser le vivre-ensemble. Les programmes proposés doivent se faire de façon respectueuse des traditions religieuses, «mais sans visée confessionnelle». En ce sens, le processus de laïcisation de l'école québécoise et l'introduction prochaine du Programme d'éthique et de culture religieuse est, pour le CJF, une avancée aussi fondamentale que nécessaire. L'option pour une « laïcité ouverte » — que nous avons clairement privilégiée en milieu scolaire — traduit bien, selon le CJF, l'imagination dont nous sommes capables pour relever les défis qui nous incombent en regard de la diversité religieuse croissante du Québec.
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Élisabeth Garant et Marco Veilleux
Respectivement directrice du CJF et rédacteur-en-chef adjoint, revue Relations
La version intégrale du mémoire est disponible au site [www.cjf.qc.ca->www.cjf.qc.ca]
- source
Commission Bouchard-Taylor - mémoire
C'est l'État qui a le devoir de neutralité et de laïcité, pas les citoyens
C'est l'État et ses institutions qui sont astreints à un strict devoir de neutralité et de laïcité : pas la société civile ni les citoyens.
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