PATRICE-HANS PERRIER
Journaliste indépendant, spécialisé dans le domaine du développement urbain et des nouvelles structures de gouvernance. L’auteur propose ici la première partie d’une série de textes critiques qui formeront la charpente d’un futur essai.
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Jacques Parizeau, penseur et ténor de l’indépendance, affirme dans son dernier essai – lancé l’automne dernier – qu’«il y aura une troisième tentative d’atteindre l’indépendance du Québec». Le principal intéressé prônant la tenue d’un troisième référendum, nous sommes en droit de nous interroger sur les formalités de l’exercice, sur sa pertinence et sa concordance avec un contexte historique particulièrement trouble.
Les pronostics de M. Parizeau s’inscrivent dans une forme de cycle politique qui se renouvellerait, environ, tous les 15 ans. En effet, la première édition de la «performance référendaire» s’étant déroulée en 1980 et la seconde en 1995, on serait en droit de s’attendre à une troisième réédition cette année. Toutefois, il s’emblerait que la programmation de nos pièces de théâtre politico-constitutionnelles soit entrée dans une déviation orbitale … heureuse conjoncture qui nous permettra [peut-être] de resituer le débat.
Le Québec au sein du Canada
David Ledoyen, dans l'édition du quotidien Le Devoir, du 16 novembre 2009, rappelait avec acuité que «malgré l’amnésie du quotidien, le Canada et le Québec sont des monarchies constitutionnelles». Énoncé qui nous aide à reposer la question de la place du Québec dans l’ensemble géopolitique canadien, à l’intérieur du giron de la royauté britannique et dans un contexte nord-américain fragilisé par la présente crise économique. Nation quasi virtuelle, sans patrie et sans constitution formelle, le Québec demeure une sorte de Bantoustan inféodé au Dominion.
Un autre intervenant, le politologue Marc Chevrier, soulignait dans l’édition du 10 avril 2000 du Devoir, que «le Québec fait exception à ce mouvement quasi universel (des états indépendants ou associés à se doter d’une constitution); sans véritable constitution qui détaille ses institutions politiques, il laisse un vieux droit non écrit et un assemblage de lois les définir. Aucun autre état du Dominion canadien, il est vrai, ne possède de constitution au sens formel». Donc, a contrario des états du Mexique, des Lander de l’Allemagne ou des cantons de la Suisse, le Québec n’a pas voix au chapitre des «textes fondateurs de la cité».
Certains militants indépendantistes, mais tout autant des historiens et politologues, reconnaissent l’urgence pour le Québec de se doter d’une constitution… avant même [surtout] d’envisager de rouvrir le dossier de la réforme constitutionnelle de 1982. Un premier pas en faveur d’une véritable émancipation vis-à-vis de la férule néocoloniale et d’une reconnaissance formelle de la représentativité de notre parlement. Donc, étant toujours tributaires du droit coutumier anglais [le peuple québécois étant considéré comme un administré], nous ne sommes pas en mesure de statuer sur les fondements de notre système politique [provincial].
La camisole de force
La prééminence de la Charte canadienne des droits et libertés [avec son corolaire le chartisme comme instrument de neutralisation politique] aura poussé le ROC à rejeter une dernière tentative [après Meech] d’enchâsser le concept de société distincte au sein de l’appareillage de cette nouvelle constitution toujours non ratifiée par le Québec. Hormis un certain bilinguisme pancanadien [fort contesté au demeurant] en perte de vitesse, la reconnaissance du dualisme des peuples fondateurs a, donc, été battu en brèche par la dernière manœuvre de Pierre-Elliott Trudeau.
Le débat autour des signes religieux sur la place publique, nous apparaît comme une manœuvre dilatoire destinée à rappeler au Québec qu’il n’est PAS le maître d’œuvre des politiques de gestion des institutions publiques sur son territoire. Dans les faits, le territoire [voir les notions de conjonction entre territoire et appropriation de l’espace politique] québécois est appelé à se dissoudre dans la matrice canadienne. Nous préférons, ici, le concept de matrice à celui de patrie.
Que les tenants de l’inclusion d’un texte de loi sur la laïcité de l’État [dans la Charte des droits et libertés] se détrompent. La matrice canadienne fonctionne [toujours] sur le modèle du communautarisme britannique. Un constat qui nous amène à considérer la position de certains constitutionalistes qui opposent la Res Publica [fondation républicaine] à cette Monarchie constitutionnelle britannique qui considère les citoyens [individus en prise sur le collectif] comme des éléments négligeables sur la place publique.
Une citoyenneté à reconstituer
Dans les faits, cette tentative de rapatriement de la constitution aura permis d’attaquer les fondements de la société québécoise à la manière d’un puissant dissolvant. Les textes de loi [plus particulièrement la charte en question] de cet appareillage [à défaut d’une constitution légitimement entérinée par toutes les parties] agissent comme des opérants qui contraignent notre Assemblée nationale eu égard aux questions d’identité, de langues, de culture, de prépondérance du domaine public sur le privé dans l’administration gouvernementale, etc.
Pour en revenir à cette idée d’une constitution québécoise, il faudrait rappeler que Jacques-Yvan Morin a déjà démontré que le Québec, en qualité d’état fédéré, est en mesure de se doter d’une constitution écrite. En fait, cette idée d’une constitution québécoise remonte à la Révolution tranquille, alors que Daniel Johnson allait se l’approprier pour faire avancer la cause qui nous occupe. Une idée capiton, socle d’une reprise en main de la gouverne de nos institutions publiques et de la refonte de cette identité québécoise niée [dans les faits] par les pouvoirs canadiens et britanniques. Si le concept a bien été repris par certaines de nos formations politiques, il n’en demeure pas moins que rien de concret n’aura été entrepris pour sa mise en œuvre.
Pour les années à venir, un nombre croissant de citoyens et de corporations usera des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés pour contester les lois édictées par l’Assemblée nationale du Québec. Une situation qui pourrait forcer l’administration Charest à entreprendre un rapide débat avec les forces de l’opposition en vue de considérer l’adoption d’une constitution québécoise. Plus qu’une déclaration de principes, ce nouvel outil permettait à l’Assemblée nationale d’asseoir avec fermeté de nouvelles dispositions législatives ou administratives concernant la relation entre les citoyens et les pouvoirs publiques dans l’agora québécoise.
Un coup de dés constitutionnel
Sans vouloir tomber dans le registre dramatique, force nous est de constater que le débat sur les signes religieux [mais tout autant le rôle de l’état québécois dans ses politiques d’intégration des nouveaux venus] est en train de déraper sur des pentes particulièrement dangereuses. Ainsi, certains commettants refusent de se plier aux exigences en vigueur à l’intérieur de nos établissements publiques [ou, prétextant certaines traditions culturelles ou religieuses, tentent de forcer l’administration publique à contrevenir à ses propres normes] et s’en remettent aux tribunaux supérieurs afin de bloquer la législation québécoise, posant leur cas comme autant de précédents. Une fenêtre qui permet d’entrevoir une crise larvée qui pourrait avoir été sciemment orchestrée par certaines officines en haut lieu.
Sans vouloir les nommer, il est clair que certaines associations communautaires et d’autres puissants lobbies se sont ligués pour «tester» l’administration Charest sur son propre terrain des «accommodements». Et, ce test pourrait avoir l’effet d’une bombe à retardement, neutralisant la souveraineté de notre Assemblée parlementaire et le précieux consensus qui cimente la nation québécoise. La Commission Bouchard-Taylor, et ses récentes excroissances, ayant été instrumentalisées à cet effet. Il apparaît urgent que TOUTES les forces politiques en présence forcent la main au Gouvernement Charest pour qu’une véritable constitution québécoise soit adoptée avant le terme de son mandat. Une action qui permettrait, à coup sûr, de repositionner la question référendaire de manière concrète et efficace.
La souveraineté de l’état québécois sur la voie de la «realpolitik»
Changement de paradigme
Chronique de Patrice-Hans Perrier
Patrice-Hans Perrier181 articles
Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtr...
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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
22 avril 2010Realpolitik et changement de paradigme.
Realpolitik
Depuis très longtemps la cause souverainiste baigne dans une illusion, celle de croire qu'il suffit de faire un choix démocratique majoritaire pour la souveraineté pour l'obtenir. Rien n'est moins certains. Cela dépendra si le rapport de force est favorable au moment de passé à l'acte. Bienvenue dans la realpolitik.
Changement de paradigme
Donc ce rapport de force s'établira entre l'État du Québec et l'État fédéral. Pour qu'il soit concluant il faudra donc le bâtir; c'est-à-dire donner de la consistance à notre État pour en augmenter la potentialité.
C'est ici que la proposition de doter le Québec de sa propre Constitution prend tout son sens. Mais attention, à condition que se soit une Constitution d'État et non de province. Dans un premier temps cette Constitution peut être adoptée sous réserve de l'art 41 et 45 de la Constitution canadienne. Elle devra contenir une clause de rupture à être activé en temps opportun lorsqu'il faudra trancher le conflit de légitimité entre celle ci et la Constitution canadienne, qui ne manquera pas de surgir . C'est ce qui ce passe présentement en Espagne au sujet de la Catalogne:
http://fr.canoe.ca/infos/chroniques/josephfacal/archives/2010/04/20100421-053408.html
J'ai eu l'occasion de produire quelques textes qui porte sur ce thème depuis 2007:
http://www.vigile.net/Pauline-l-important-c-est-Larose
http://www.vigile.net/La-burka-canadienne
M Perrier
Je m'intéresse à la géopolitique, donc nécessairement à la suite de votre réflexion. Si jamais vous voulez communiquer avec moi vous pouvez me joindre par ma page d'auteur sur Vigile.
Merci de votre contribution.
JCPomerleau
P.s J'ai été initier à la discipline de la géopolitique par M René Marcel Sauvé, j'en profite pour le félicité pour avoir été choisi pour le Prix Chevalier-de-Lormier qui lui sera remis le 24 Mai lors du Gala des Patriotes. Enfin on commence à voir la contribution exceptionnelle que M Sauvé fait à cette discipline si fondamentale pour l'avancement de notre cause.
Merci M Sauvé.
Jean-François-le-Québécois Répondre
21 avril 2010«...la reconnaissance du dualisme des peuples fondateurs a, donc, été battu en brèche par la dernière manœuvre de Pierre-Elliott Trudeau...»
Oui, et c'est pour ça, et aussi à cause de cette charte canadienne qui nous a été enfoncée dans la gorge, que nous n'avons aujourd'hui pas plus de droits, comme Québécois, que n'importe quel nouvel arrivant fraîchement descendu de son avion.
Depuis, aucun premier ministre québécois (même pas Jean Charest) n'a accepté de signer la constitution dans laquelle est enchassée cette charte.
Techniquement, on nous demande de respecter des lois, que notre Assemblée nationale, ne reconnaît pas vraiment.