(Québec) Le ministère de la Justice du Québec analyse la possibilité d'ajouter une disposition à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour mieux lutter contre l'intimidation. En clair, cette disposition prohiberait explicitement «l'incitation publique à la haine pour un motif interdit de discrimination».
Jolyane Pronovost, porte-parole de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a confirmé au Soleil, lundi, que le Ministère soupèse le pour et le contre de cette idée.
Elle émane de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Celle-ci l'a suggérée dans un mémoire transmis à la fin de l'année dernière au Secrétariat du Forum sur la lutte contre l'intimidation.
L'article 11 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit déjà que «nul ne peut diffuser, publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe comportant discrimination».
Aux yeux de la Commission, cet article est insuffisant «dans un contexte marqué par l'utilisation croissante des technologies de l'information et de la communication, qui permet aux auteurs de ces actes de s'unir plus facilement et qui augmente l'accès du public aux propos haineux».
Lors de la présentation du mémoire, le président de la Commission, Jacques Frémont, a estimé que «l'ajout d'une disposition qui interdirait les propos ou les actes qui exposent des personnes à la haine pour un motif de discrimination interdit» améliorerait la capacité d'action de son organisme.
Les motifs de discrimination interdits sont ceux ayant trait à la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale et le handicap.
Les experts du ministère de la Justice veulent vérifier si la disposition proposée par la Commission renforcerait bel et bien le bouclier que constitue déjà la Charte québécoise. Ils veulent aussi en mesurer toutes les implications.
Car la question est tout de même délicate. Resserrer les boulons, mais jusqu'où?
Liberté d'expression
La Commission des droits de la personne rappelle qu'elle ne peut pas actuellement mener d'enquête lorsque des propos «haineux» - c'est-à-dire «susceptibles d'inciter ou d'inspirer à l'égard des groupes protégés un traitement discriminatoire» - sont proférés «au moyen de communications publiques artistiques, littéraires ou d'information [article de journal, éditorial, émission de radio ou de télévision, sites Internet, blogues]».
Elle fait valoir que l'ajout de la disposition proposée permettrait de combler cette lacune. Celle-ci «viendrait s'ajouter aux dispositions du Code criminel prohibant la propagande haineuse».
Insistons là-dessus : la Commission a diffusé cette recommandation afin de mieux lutter contre toutes les formes d'intimidation. Après le dépôt de son mémoire, elle a tenu à préciser que la disposition qu'elle préconise ne vise pas à restreindre la liberté d'expression, ni à empêcher les critiques à l'égard d'une religion ou d'une conviction politique. «Elle ne vise que l'incitation publique à la haine, ce qui est autre chose», a-t-elle expliqué.
L'analyse lancée par le ministère de la Justice ne signifie pas que le gouvernement de Philippe Couillard voudra nécessairement aller de l'avant. Il s'agit d'abord de faire le tour du sujet, doit-on comprendre.
Rappelons que la Charte québécoise n'a pas le même poids que la Charte canadienne des droits et libertés, laquelle est enchâssée dans la Constitution du pays. Elle peut donc être modifiée assez facilement. Il suffit qu'une majorité de députés de l'Assemblée nationale du Québec y soient favorables.
En général, les gouvernements ne se permettent de l'amender que si le changement envisagé recueille un large consensus politique.
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