Davos est un joli petit village où on peut faire du ski dans un confort total. Il s'anime depuis quelques années, chaque fois que le monde financier international débarque pour y régler, dans l'harmonie, le sort du monde entier. J'ai toujours pensé que Davos était une sorte «d'énorme» jeu de Monopoly où les vrais propriétaires du pouvoir venaient se faire des propositions, des échanges même, acheter, vendre derrière des portes closes sans n'avoir rien à expliquer à personne.
Nos deux brillants premiers ministres sont à Davos en ce moment. Celui d'Ottawa, pour parler d'environnement, a-t-il dit sans rire, sentant peut-être qu'il doit participer, contrairement à ce qu'il a choisi de faire à Copenhague. Jean Charest aussi y est. Il serait méchant de dire qu'il n'y est que pour le plaisir que ça lui procure de se frotter à ceux qu'il qualifie de «grands de ce monde», petit groupe auquel il aspire tant à appartenir. Comme ce serait aussi méchant de se dire qu'on aurait pu lui offrir un billet d'avion «aller seulement», histoire de faire des économies pour le Québec.
C'est sûr qu'au cours de cette rencontre au sommet, quelqu'un à un moment donné va parler d'Haïti. C'est pratiquement impossible qu'il en soit autrement. Pensez... un pays entier à reconstruire avec de l'argent des autres pays qui ont juré, dur comme fer, qu'ils tiendraient pendant au moins dix ans, et plus s'il le fallait. Quel beau sujet pour Davos. Au cours de la discussion, où chacun ira de son trémolo, il finira bien par être question DU sujet que tout le monde essaie d'esquiver depuis deux semaines: la corruption inquiétante qui a sévi en Haïti avant le grand séisme.
À la rencontre de Montréal, lundi dernier, rencontre présidée par Lawrence Cannon, c'est tout juste si la question a été évoquée. On a peur de vexer le premier ministre haïtien, qui était présent, et de se mettre les élites haïtiennes à dos en parlant publiquement du fait que l'argent donné pour le développement d'Haïti ne s'est pas toujours rendu là où il devait aller. On raconte qu'il y avait depuis longtemps un système corrompu qui faisait que chacun se servait quand l'argent se pointait. La rumeur a été confirmée par plusieurs sources. Personne ne souhaite que ce comportement continue avec les dons qui viendront de partout pour soulager la misère de ce peuple martyr. Mais comment faire?
Prêcher par l'exemple?
Qui sommes-nous pour parler de la corruption des autres, je vous le demande? Notre corruption, nous l'avons bien vu avant la fin de 2009, n'existe pas pour sortir les plus démunis de la misère, elle sert à enrichir ceux qui grouillent et grenouillent autour du pouvoir politique, ceux qui se croient au-dessus des lois et qui mettent en place des systèmes qui permettent à quelques-uns d'empocher l'argent qui devrait servir au mieux-être des contribuables. On gonfle les factures, on copine avec le pouvoir, on se donne des airs de grand seigneur et on s'en met plein les poches.
Le Québec tout entier a réclamé une commission d'enquête pour permettre aux autorités de faire le ménage au vu et au su de tout le monde. Nous l'avons dit, nous l'avons écrit, il fallait vider l'abcès. Malgré notre insistance, le parti au pouvoir à Québec a décidé de ne rien entendre et d'aller se pavaner à Davos, sans gêne, en laissant le linge sale à la maison. Nous en sommes là.
Nous avons pleuré sur Haïti. Nous avons soutenu les Haïtiens, aidé de toutes les façons imaginables. Nous avons mis de côté tout ce qui faisait de nous un peuple abusé par des gens proches du pouvoir qui vont pouvoir continuer à n'en faire qu'à leur tête à moins que nous mettions toutes nos forces ensemble pour les arrêter. Le moment est venu de reprendre nos affaires en main.
La première, c'est de bien faire comprendre à Jean Charest que nous tenons à cette commission d'enquête. Que ce n'est plus une demande que nous lui faisons, mais un ordre que nous lui donnons. Le peuple est souverain. Jean Charest n'est qu'un élu à notre service et non l'inverse. Il faut le lui rappeler de temps en temps parce qu'il a de plus en plus souvent la tentation de se prendre pour Louis XIV et que même physiquement, ma foi, il cultive la ressemblance.
Je suis sûre qu'on est tous capables de «marcher et de mâcher de la gomme en même temps». On peut très bien continuer à aider Haïti d'une part, en s'occupant de nos propres problèmes en même temps. Et la corruption, ici, c'est notre problème.
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