POLITIQUE D’IMMIGRATION

Couillard et ces nationalistes intolérants

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«Rien ne prouve que l’économie a besoin de beaucoup d’immigrants pour se développer»

Quand il est question de décider du nombre d’immigrants que le Québec entend accueillir, la méthode employée par le gouvernement Couillard, c’est d’y aller au pif. Le gouvernement Charest ne procédait pas autrement. Mais contrairement à Philippe Couillard, Jean Charest ne qualifiait pas d’intolérants ceux qui jugeaient que les seuils d’immigration étaient trop élevés.
On ne pouvait pas l’associer aux mouvements d’extrême droite anti-immigration des États-Unis ou d’Europe comme l’a fait Philippe Couillard avec François Legault cette semaine. Dans son rapport 2010-2011, le Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, relevait que le gouvernement ne s’appuyait pas sur des indicateurs socioéconomiques fiables pour déterminer la capacité réelle du Québec à intégrer ses immigrants.

Le gouvernement Charest venait de hausser de 45 000 à 55 000 le nombre d’immigrants que le Québec admettrait annuellement. Ce seuil a été abaissé à 50 000 depuis, mais Philippe Couillard croit qu’il faut l’augmenter à 60 000. C’est le chiffre que son gouvernement proposera lors de la consultation statutaire qui aura lieu ce printemps sur les seuils d’immigration à adopter pour les trois prochaines années.

Renaud Lachance notait des problèmes d’intégration des immigrants en emploi qui étaient beaucoup plus importants au Québec qu’en Ontario. À 13,7 %, le taux de chômage des immigrants au Québec présentait un écart avec la population native presque trois plus élevé qu’en Ontario. Un grand nombre d’immigrants — 42 % d’entre eux — occupaient des emplois pour lesquels ils étaient trop qualifiés : l’image de l’ingénieur chauffeur de taxi vient en tête.

Pénurie?

Dans la nouvelle politique d’immigration qu’a dévoilée lundi la ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, on signale qu’avec un seuil de 60 000 nouveaux arrivants par an, le Québec éviterait un recul de sa population en âge de travailler en dessous du niveau de 2011, alors qu’en maintenant le seuil actuel de 50 000 par an, « la taille de la population en âge de travailler connaîtrait un recul marqué entre 2016 et 2031, entraînant une rareté de main-d’oeuvre, particulièrement dans certaines régions et [certains] secteurs d’activité ».

Lors des consultations en commission parlementaire sur le projet de loi 77 sur l’immigration, l’économiste Pierre Fortin a affirmé qu’il n’y aurait pas de pénuries de main-d’oeuvre généralisées, comme l’affirme le patronat ; tout au plus doit-on s’attendre à des pénuries particulières qui peuvent être résolues grâce à une sélection adéquate des immigrants. « On ne parle pas ici d’augmenter le nombre total d’immigrants, mais de mieux adapter la composition de l’immigration », a-t-il fait valoir.

Vilipendé par le premier ministre, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a tout simplement exprimé une évidence : on peut envisager d’autres moyens que le recours massif à l’immigration pour répondre aux besoins de main-d’oeuvre. La lutte contre le décrochage scolaire en est un.

Philippe Couillard reprend essentiellement les mêmes arguments que le patronat pour justifier une hausse des seuils d’immigration : il en va de la prospérité du Québec. Plus il y a d’immigrants, plus forte est la croissance économique, a-t-il avancé.

C’est une lapalissade qu’entonnent les représentants des milieux d’affaires. Or c’est la croissance du produit intérieur brut par habitant qu’il faut considérer et non pas le chiffre global, comme l’ont rappelé maints économistes qui se sont penchés sur l’apport économique de l’immigration.

Marché du travail

Les milieux d’affaires réclament que le Québec accueille beaucoup plus d’immigrants. Le Conference Board a préconisé un seuil de 350 000 immigrants pour l’ensemble du Canada, ce qui impliquerait pour le Québec d’en accueillir 80 000 par an. Pour les gens d’affaires, la croissance de l’économie multiplie la possibilité de profits. De même, une main-d’oeuvre abondante les avantage en exerçant une pression à la baisse sur les salaires.

Ottawa vient d’ailleurs de porter de 280 000 à 305 000 le nombre d’immigrants qu’il souhaite accueillir en 2016. Si le Québec suivait le rythme, c’est 70 000 immigrants qu’il admettrait cette année.

Alors que l’économie du Québec est poussive, on aurait tort de s’inquiéter de sa capacité à fournir du travail aux immigrants, a laissé entendre mercredi Philippe Couillard. « Surtout dans des périodes économiquement difficiles où on voit que la croissance autour de nous et au Québec n’est pas aussi élevée qu’on le voudrait […], c’est très facile, c’est trop facile de déplacer l’attention vers la population immigrante », a-t-il dit.

Philippe Couillard a souligné que de plus en plus d’immigrants parlent le français, une raison pour laquelle, d’ailleurs, ils sont sélectionnés, mais il a reconnu du même souffle que « le taux de chômage est plus élevé parmi les immigrants de langue française que les autres », un phénomène pour lequel le premier ministre n’avait pas d’explication.

Comme plus de 80 % des immigrants s’établissent dans la grande région de Montréal, les exigences de bilinguisme que généralisent les employeurs peuvent freiner l’accès à l’emploi des immigrants unilingues francophones, peut-on cependant avancer. Dans une mêlée de presse au moment de sa comparution en commission parlementaire, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, a affirmé que le bilinguisme, même si l’anglais n’était pas nécessaire pour la tâche, s’imposait afin de permettre à l’employé d’avoir des chances d’avancement. Et puis, chez les employeurs, la discrimination à l’embauche existe : les curriculum vitae des Mustapha de ce monde sont souvent écartés d’emblée, rappelait Pierre Fortin.


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