L'implantation simultanée du nouveau programme d'éthique et de culture religieuse à l'école, dès septembre 2008, mènera les 23 000 titulaires du primaire et les 2400 spécialistes du secondaire à suivre une formation portant sur ce cours de «connaissances» et non plus d'enseignement de la foi. Il s'agit du «plus grand défi» associé à ce virage, selon le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier.
«Le plus grand défi, c'est de former tout le monde», a répété hier le ministre Fournier au cours d'un entretien avec Le Devoir sur le tout nouveau programme d'éthique et de culture religieuse. L'échéance finale de la clause dérogatoire à la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, fixée à juillet 2008, force le gouvernement à retirer des écoles toute trace d'enseignement confessionnel. La rentrée 2008 consacrera, partout au Québec et à tous les niveaux scolaires -- du primaire au secondaire --, un tout nouveau cours d'éthique et de culture religieuse, en lieu et place du régime d'option actuellement en place (enseignement moral et/ou religieux catholique ou protestant).
«Nous quitterons un état où on divise les étudiants d'une classe, où plutôt d'encourager la connaissance de l'autre, on crée des murs entre eux», a expliqué le ministre de l'Éducation. «Le choix qui est fait, c'est d'abattre les murs, et d'informer les étudiants.»
Alors que la place de la religion à l'école et les accommodements raisonnables défraient la chronique, le ministre reconnaît que, lorsque le nouveau programme sera prêt, c'est la formation des enseignants qui constituera le plus grand défi de son ministère. «C'est un grand défi parce qu'ils sont nombreux à former, nous allons espérer que tout se passe comme il faut, dans un esprit de collaboration», a dit M. Fournier, pour qui l'implantation de cette nouvelle manière de faire constituera un des «moments marquants» de son passage à l'Éducation.
La tâche est toutefois colossale: la formation des enseignants s'effectue sur une base volontaire, le nombre de journées disponibles pour s'enrichir est limité et on connaît déjà leur appétit pour le perfectionnement visant d'autres sujets, tel le renouveau pédagogique. «Le gros enjeu, c'est celui de la mise en oeuvre de ce programme, et par ricochet, de la formation des enseignants et des maîtres», a renchéri hier Jean-Pierre Proulx, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, mais ancien président du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, qui a donné le coup d'envoi en 1999 à la laïcisation de l'enseignement qui s'annonce.
«Ne serait-ce que sur le plan des émotions, ce programme soulèvera toutes sortes de questions», poursuit le professeur, qui a depuis présidé le Conseil supérieur de l'éducation. «La peur de se tromper, de blesser, de ne pas pouvoir répondre à une question élémentaire d'un tout-petit sur ce qui arrive quand on meurt, par exemple...»
Invitée à donner son avis sur le programme du ministère dans le cadre d'une consultation effectuée l'automne dernier, Josée Lambert-Chan, directrice des services éducatifs à l'Académie Antoine-Manseau, avait souligné la grande richesse du programme, mais pointé l'importance d'une formation de qualité. «Il faut absolument avoir d'autres bases, que ce soit dans le domaine philosophique, théologique, l'histoire des religions ou d'autres domaines connexes, afin de pouvoir entrer dans les concepts de ce programme», avait-elle écrit dans le rapport de son comité d'étude, membre de la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP). «Le comité s'inquiète de la formation complémentaire qui sera donnée aux enseignants afin d'assurer qualité et profondeur à ce programme.»
Puisque le programme ne sera dévoilé qu'au moment de son adoption officielle, à la fin des consultations déjà amorcées, on n'en connaît pas encore le détail. L'on sait qu'il abordera un volet éthique, qui «s'apparente un peu à l'enseignement moral», puis un autre, portant sur la culture religieuse, «les grandes religions, les symboles, les fondateurs», explique Gérard Guimont, directeur des programmes au ministère de l'Éducation. Les plus petits du primaire auront accès aux récits des personnages religieux importants, tandis que les grands du secondaire verront les différentes expressions religieuses. Si l'héritage québécois -- le christianisme, le protestantisme, le judaïsme et les spritualités amérindiennes -- occupera une large part du programme, l'ouverture à la diversité religieuse sera aussi au menu.
Aux huit écoles qui expérimentent ledit programme d'éthique et de culture religieuse depuis septembre dernier, le ministère a demandé la signature d'une entente de confidentialité, une première.
Le ministre Fournier s'étonne par ailleurs d'entendre le cardinal Marc Ouellet -- dans l'un des reportages diffusés par la télévision de Radio-Canada -- dénoncer l'«atteinte à la liberté de conscience et à la liberté des points de vue religieux» lorsqu'il est question du nouveau programme non confessionnel.
«Je ne partage pas ce point de vue», a-t-il expliqué. «On vit dans une société où il y a une diversité dans la foi qui parfois suscite des incompréhensions entre différentes communautés et individus. On peut plaider différemment mais je pense que l'outil le meilleur et le plus structurant va rester d'aller au-delà du préjugé en évitant l'ignorance et en choisissant la connaissance. Et après cela, chacun est libre dans la foi d'aller vers Monseigneur ou vers d'autres. Ce n'est pas une atteinte à la liberté, mais un partage de connaissances.»
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