Se termine cette semaine au Québec la Francofête, organisée depuis dix ans par l'Office québécois de la langue française et de nombreux partenaires, pendant laquelle ont été remis les Mérites du français. La Journée internationale de la francophonie s'est quant à elle tenue, comme d'habitude, le 20 mars.
Voilà donc un bon moment pour faire le point sur l'avenir de la langue française dans le monde. Les raisons de s'inquiéter sont toujours là, omniprésentes.
Au Québec l'opinion publique s'est visiblement assoupie et l'exemple vient de haut puisque le gouvernement, depuis trois ans, semble incapable de prononcer les mots " langue française ". Pourtant, la question du français langue de travail et celle de l'intégration linguistique des immigrants se posent de manière tout aussi lancinante qu'il y a quelques années. Sans parler de la qualité de la langue, la grande oubliée de nos politiques linguistiques.
En Europe, les institutions fonctionnent de plus en plus en anglais seulement, les dix nouveaux pays adhérents ayant choisi cette langue comme langue de communication. Avec comme résultat que les ministères français travaillent maintenant souvent en anglais avec Bruxelles. Il y a donc un réel danger de dérive de l'Union européenne vers une langue unique. De leur côté, un peu plus de la moitié des citoyens européens déclarent connaître une autre langue que la leur, dont 41 % l'anglais, 19 % le français, 10 % l'allemand, 7 % l'espagnol, 3 % l'italien.
Enfin, dans toutes les organisations internationales, mêmes africaines, le français est en repli.
Tendances lourdes
Heureusement il y a aussi des raisons d'espérer, même si elles paraissent dérisoires par rapport aux tendances lourdes du " marché " linguistique mondial.
Ainsi, les travailleurs d'une usine des Yvelines appartenant au groupe General Electric ont gagné leur cause devant les tribunaux. L'entreprise devra traduire en français tous ses documents internes, logiciels, notices techniques, documents relatifs à la formation du personnel et à la sécurité. Cette condamnation d'une multinationale est une première en France depuis l'adoption, en 1994, de la loi sur l'emploi et l'usage de la langue française, dite loi Toubon du nom du ministre de la Justice de l'époque. Les syndicats français mènent aujourd'hui les combats conduits ici par les nôtres, dans les années 1970, sans lesquels le français langue de travail serait encore plus difficilement respecté, malgré l'existence de la loi 101.
Par ailleurs, Claude Hagège, le grand linguiste, qui vient de publier un livre intitulé, Combat pour le français aux éditions Odile Jacob a mené récemment la charge contre l'adoption par l'Assemblée nationale du Protocole de Londres sur les brevets d'invention qui aurait imposé l'anglais comme seule langue des brevets, annulant même l'obligation d'une traduction en français... en France. Et il a gagné.
Enfin, le gouvernement français organise, en alliance avec plusieurs régions, de mars à octobre 2006, le festival " Francofffonies " (le festival francophone en France), signe de la volonté des autorités françaises d'intéresser les Français à leur langue et à son sort international.
De son côté l'Organisation internationale de la Francophonie, poursuivant son oeuvre de rénovation, recentre son action autour de cette langue que partagent, en principe, ses 63 pays et gouvernements membres, observateurs ou associés. Elle a notamment pris l'initiative de la collaboration et de la coopération avec d'autres espaces linguistiques (lusophone, hispanophone, arabophone) pour soutenir le plurilinguisme international, seul cadre porteur et moderne pour l'avenir de la langue française. Elle participe aussi, dans le même esprit, à la formation au français langue de travail de centaines de fonctionnaires et d'experts européens.
Mais la vraie bonne nouvelle nous vient du Salon du livre de Paris dont la Francophonie est l'invitée d'honneur cette année. Les écrivains francophones des cinq continents sont enragés et ils le disent haut et fort dans tous les médias qui n'ont d'autre choix, cette fois, que de les écouter. Ils en ont assez d'être considérés comme des parents pauvres. Ils écrivent en français- même les Québécois se font demander pourquoi...- et cette langue leur appartient autant qu'aux Français. Si le français n'est pas une langue morte c'est parce qu'il n'est pas statique, c'est parce qu'il se transforme sous leur plume. Grâce à ces écrivains, le français est une langue vivante et la Francophonie a peut-être un avenir.
L'auteure est professeure associée au département d'histoire de l'UQAM.
Dans toutes les organisations internationales le français est en repli
2006 textes seuls
Louise Beaudoin52 articles
Ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales, Parti québécois
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