Naguère, pour décrire l'ensemble de notre système d'éducation, on disait: "de la maternelle à l'université". Par une des meilleures décisions collectives jamais prises, jointe à celle des congés parentaux, la création des Centres de la petite enfance a rajouté un niveau de plus.
Ces deux mesures nous ont permis de redresser légèrement mais significativement, notre taux de natalité. Après avoir été l'un des plus hauts de l'espèce humaine, il a fini par rejoindre les plus bas. Maintenant, les femmes du Québec peuvent travailler et faire carrière tout en élevant une famille avec leur conjoint. Les jeunes enfants sont pris en charge durant les heures de travail par ces remarquables institutions, au nom souvent charmant, et que l'on appelle officiellement des CPE.
Cet extraordinaire système coûte aux familles québécoises, en une semaine, ce que le même service force les Ontariens à débourser en un jour. Il comporte aussi un impact économique majeur, parce que si les femmes ne pouvaient être en aussi grand nombre sur le marché du travail, notre économie serait dans une détresse incroyable. Nous manquons déjà de main d'oeuvre.
Cette belle aventure, venons-nous d'apprendre, est assombrie parce que certaines de ces institutions fréquentées par des enfants du Québec sont frappées de dérives ethno-religieuses. On y enseigne la religion et y favorise des biais culturels particuliers. Cette façon de faire est aussi condamnable que l'ensemble du système est louable. Encore une fois, nous avons été victimes de notre laxisme et de notre excès de tolérance.
L'ouverture, la gentillesse, la convivialité, sont de belles vertus que notre nation, multi-ethnique depuis toujours et de plus en plus, pratique généralement de manière exemplaire. Nous sommes par ailleurs tellement bons que nous allons parfois vers des excès dangereux pour tout le monde: la majorité comme les minorités. Le péril pour ces dernières étant la non-intégration dont elles seront les premières victimes.
Comme les diversités ethniques et religieuses, ou l'absence de religion, s'accroissent, et le feront encore, d'immenses dommages collatéraux liés aux communautarismes et aux ghettos sont à prévoir si nous ne sommes pas plus vigilants. Avec cette malheureuse histoire de garderie, nous sommes sur la voie du recul. Il est stupéfiant qu'un ministre de notre gouvernement ait pris une nuit pour comprendre ce que le citoyen moyennement informé a saisi en une minute.
Jusqu'au milieu des années soixante, l'université de Montréal, comme l'université Laval étaient des institutions catholiques, et même pontificales, suivant leur charte. Leurs recteurs et vice-recteurs étaient des monseigneurs. Devant cette situation, des jeunes femmes, des jeunes hommes dont je faisais partie -j'étais président des étudiants de l'université de Montréal- se sont battus démocratiquement, appuyés et guidés par le courageux Mouvement laïque, pour y mettre fin. Et pour que nos universités rejoignent les normes des universités publiques occidentales, américaines ou françaises en particulier, et se laïcisent.
Des élèves de toutes confessions, catholiques, juifs, musulmans et tant d'autres d'aucune religion, se sont retrouvés dans un espace académique neutre et ont réservé à l'espace privé leurs convictions et pratiques religieuses. C'était un immense pas en avant que nul ne conteste sérieusement aujourd'hui.
Par la suite, et avec les années, c'est tout notre système d'éducation, au moins dans sa partie publique, qui s'est laïcisé. Nous n'avons pas osé toucher au privé à cet égard, même si nous le finançons largement avec nos impôts et taxes: la réflexion se poursuit... Par ailleurs les commissions scolaires catholiques et protestantes ne sont plus qu'un souvenir. Aujourd'hui elles sont linguistiques, et tout en respectant notre minorité anglophone traditionnelle, les francophones accueillent de façon obligatoire les nouveaux arrivants. C'est une normalité évidente mais tardive, car la Loi 101 ne datant que de 1977, a été lente à venir, ce qui illustre une fois de plus notre penchant à la tolérance excessive.
Il doit être clair maintenant que nous n'avons pas fait tout ce chemin pour le reprendre à rebours. Pour ces garderies payées essentiellement par notre État national, il est impérieux qu'il fixe des règles de neutralité religieuse absolue dans des centres aussi stratégiques d'intégration enfantine à notre société. Aucun biais culturel ne devrait non plus être toléré, autre que celui de la convergence vers notre culture québécoise commune qui devrait s'imposer de la garderie à l'université...
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #56
De la garderie à l'université
Garderies à vocation religieuse
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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