Maintenant que la course à la direction du Parti québécois semble résolue -- pour le meilleur et pour le pire -- les députés souverainistes peuvent maintenant repasser à l’offensive : ils doivent voter contre le budget que présentera le gouvernement libéral le 24 mai prochain.
Le couronnement de Pauline Marois à la succession d’André Boisclair ne fait effectivement plus de doute. Les péquistes expriment en effet depuis plusieurs jours leur désir de ne pas voir d’autres personnes soumettre leur candidature : c’est avec elle qu’ils veulent aller à la guerre.
Ragaillardis, les députés péquistes doivent alors affronter Jean Charest. Ceux-ci ont toujours dénoncé son intention d’utiliser « l’argent neuf » obtenu d’Ottawa, durant la campagne électorale, pour alléger le fardeau fiscal des Québécois. Ils doivent passer de la parole aux actes. Le PQ ne peut reculer et permettre ainsi à l’Action démocratique de donner l’impression qu’elle seule tient parole. Si l’ADQ compte refuser d’entériner le budget du gouvernement Charest, le Parti québécois peut le faire aussi.
Les souverainistes pourront brandir cette réalité lorsque les médias fédéralistes les accuseront d’être responsables du déclenchement d’une élection hâtive. Le Parti québécois pourra effectivement arguer qu’il n’est pas le seul à exiger à l’Assemblée nationale des modifications au budget libéral. L’Action démocratique doit également être pointée du doigt. Il n’y a pas que la bande à Mario Dumont qui est autorisée à exprimer l’indignation des Québécois : le PQ est aussi le porte-parole de plusieurs d’entre eux qui veulent que l’État québécois réinvestisse aux endroits qui ont souffert du déséquilibre fiscal, déséquilibre fiscal qui n’est d’ailleurs toujours pas réglé.
Un scrutin hâtif empêchera les députés de l’Action démocratique d’acquérir une certaine expérience de la joute parlementaire, et surtout de solidifier leur appui populaire en profitant de leur statut qui se résume à dénoncer le gouvernement. De plus, un appel soudain aux urnes pourrait se solder par la formation d’un gouvernement adéquiste minoritaire. Les Québécois pourront alors découvrir le vrai visage de Mario Dumont. Ira-t-il à Ottawa, comme il le dit, exiger le rapatriement de plusieurs compétences ainsi que la tenue de discussions constitutionnelles? Il devra le faire sous peine de subir le même sort que le PLQ.
Certes, le renversement du gouvernement libéral se traduira par le limogeage de son chef. Le licenciement de Jean Charest est néanmoins inévitable. Accélérer son avènement ne changera donc absolument rien à ce qui se prépare au Parti libéral. La création dimanche dernier d’une formation politique anglophone regroupant des « angryphones », prouve en effet que le premier ministre du Québec n’est plus l’homme de la situation dans le camp fédéraliste. Le Parti québécois doit en conséquence porter le coup de grâce au PLQ et forcer du même coup l’ADQ à préciser ses cibles autonomistes.
Une élection précipitée permettra évidemment à Pauline Marois de tenter de se faire élire, possiblement dans la circonscription laissée vacante par le départ d’André Boisclair. La dirigeante du Parti québécois fraîchement installée à la tête du PQ bénéficiera probablement de l’effet favorable que provoque habituellement une telle situation. Il serait cependant surprenant qu’elle arrache la victoire à l’ADQ. La gouverne provinciale qu’elle offre à l’électorat québécois ne séduira pas autant que celle proposée par Mario Dumont. C’est que madame Marois jouit paradoxalement d’une solide expérience gouvernementale que tous connaissent. Plusieurs Québécois préfèreront alors découvrir la gestion adéquiste. Pas de doute néanmoins que la joute électorale sera serrée.
Pauline Marois pourrait cependant couper l’herbe sous le pied de Mario Dumont et incarner le changement en proposant aux Québécois la souveraineté. En tendant la main à Québec solidaire ainsi qu’au Parti vert, le Parti québécois forcerait l’ADQ et le PLQ à implorer Ottawa de rouvrir la Constitution afin d’octroyer au Québec les pouvoirs lui permettant de préserver sa différence. Ce que le gouvernement fédéral ne pourra évidemment consentir, lui qui va bientôt affaiblir davantage le poids politique du Québec aux Communes en accordant plus de sièges à des provinces anglophones. Pendant ce temps, les partis ligués autour du projet de souveraineté inviteront les Québécois à les appuyer dans l’espoir d’obtenir 50% + 1 des votes.
Renverser le gouvernement Charest peut engendrer une conjoncture politique extrêmement pédagogique puisqu’elle expliquerait de façon cristalline l’avantage de se doter d’un État indépendant. Devenus majoritaires, les Québécois de langue française préserveraient dorénavant leurs caractéristiques nationales. Il n’en tient qu’aux membres du Parti québécois de poser les gestes qu’il faut pour que Québec célèbre son 400e anniversaire debout, et non à genoux.
Patrice Boileau
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
28 mai 2007Je pense que ce texte répond à la question de Zach Gebello. http://www.nouvellesociete.org/707.html
Je crois que c'est une question à laquelle il faut répondre si on veut un projet de société réaliste, cohérent... et réalisable.
En ce qui a au départ de Jean Charest, OUI, au plus tôt. Mais il serait sans doute plus habile, au point où nous en sommes, de viser prioritairement que le LG demande à l'ADQ de former un gouvernement et de transiger avec Dumont un pacte de 2 ans, pendant lesquelles on épongera les dégâts de l'ère libérale et on remettra les pendules à l'heure. Peut-être un gouvernement de coalition, mais il faut voir le pour et le contre.
Pierre JC Allard
Archives de Vigile Répondre
24 mai 2007Merci M. Guimont.
Il semble que ce soit devenu incommensurablement difficile pour bien du monde. Malheureusement.
On ne convaincra personne si on se présente comme personne.
Rodrigue Guimont Répondre
24 mai 2007Réponse à Zach Gebello et Jeanturg
Je pense que Z. Gebello utilise l’ironie socratique, et qu’il faut lire son texte au deuxième ou troisième niveau et non prendre sa sortie à la lettre.
Le problème vient peut-être du texte de Patrice Boileau qui n’ose dire les choses telles qu’elles sont. La phrase en question aurait plutôt du s’écrire : "Devenus majoritaires, les Québécois d'origine préserveraient dorénavant leurs caractéristiques nationales".
Nous parlons ici de Québécois de souches et de racines i.e. de pures laines et que nous sommes ici depuis plus de 400 ans.
Du noyau initial sont venus, viennent et viendront se greffer d'autres francophones qui ont adopté, optent et choisiront notre culture.
Se dire, se nommer et affirmer en bloc que nous avons des droits et des devoirs envers notre avenir et que nous sommes aussi dans l’histoire, qui elle est évolution… Est-ce si difficile?
Archives de Vigile Répondre
23 mai 2007Il s'agit d'un faux débat. L'entente sur le budget entre le PLQ et le PQ est déjà conclue. Donc on aura le PLQ pour encore un an au pouvoir. C'est avec ce contexte qu'il nous faut composer.
Daniel Magnan Répondre
23 mai 2007Bien entendu, le message que nous entendrons si le PQ ne vote pas pour le budget sera plutôt que ce parti a encore une fois fait fi de la situation monétaire de la province et a replongé tout le monde en élection. Dans ces conditions l'ADQ pourrait être tenté de se servir de ce tremplin pour appuyer le budget au nom du peu de marges de manoeuvre de l'État québécois et parler du PQ comme d'un parti dogmatique qui fait passer ses intérêts avant ceux de la population.
Néanmoins, j'aimerais bien une élection sentant fort bien que Dumont prendrait le pouvoir et devrait agir au lieu de parler. Il ne pourrait plus dire une chose et son contraire et il devrait mécontenter des pans entiers de la population. Surtout s'il met en pratique ses solutions simplsites. Il y a un réchauffement planétaire, c'est simple, abolissons le Ministère de l'environnement et tout sera correct. Il y a des problèmes avec la situation économique du Québec, c'est simple, abolissons le Ministère des Finances. Toujours la même solution, moins de publics, plus de privé. Les pétrolières veulent tellement notre bien...
Archives de Vigile Répondre
23 mai 2007@ Zach Gebello
Et si je vous demandais sur quel planète vous vivez, vous ? Car on part de loin avec vous... Comme vous ne savez pas ce qu'est le Québec, que vous ne savez pas que la langue qui y est parlée majoritairement est le français (le français, c'est la langue dans laquelle vous vous êtes exprimé ici)... que vous ne savez pas non plus ce que signifie le mot «majorité»..., comment faites-vous pour vous situer dans l'univers ? Quant à tenter de vous expliquer ce que sont des «caractéristiques nationales»... OUF ! Ça ne sera pas de la tarte (non, je ne parle pas du dessert... Mon cher Gebello, c'est une expression... Ah, laissez tomber !) Mais j'ai une idée... Pour vous dire un peu à quoi ressemble sur notre planète «des caractéristiques nationales» : Il existe une chanson, sur Terre, qui commence par ces mots, que je vous engage à méditer - ils ont été écrits en «français», par des gens de la «majorité» et qui parlaient déjà cette langue chez nous il y a de cela très, très longtemps (essayez d'en comprendre le sens ; tout est là, vous verrez) : «Ô Canada, terre de nos aïeux,... [anciennement, on appellait Canadiens, les gens qui habitaient ce pays, un pays qui avait toujours été majoritairement francophone jusque-là - eh oui!]...» Mais je suis con ! Vous la connaissez sûrement cette chanson puisque je ne doute pas que vous ayez la télévision sur votre planète et que vous êtes donc grand amateur de hockey... Ben, c'est la toune-là... celle qui finit en anglais... par... ah! oui : «... we stand on guard for theeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee ! Pis là, tout le monde applaudit. Ben ceux-là qui applaudissent, là, c'est eux autres les Québécois, francophones, majoritaires, avec toutes les caractéristiques nationales qui les distinguent encore des autres habitants de notre planète. Et à ma connaisssance, les sépharades ne sont pas refoulés à l'entrée, à condition, bien sûr, qu'ils paient leur place comme les autres - et c'est pas donné ! Est-ce que ça se passe aussi comme ça sur votre planète à vous ?
Archives de Vigile Répondre
23 mai 2007Vous êtes un fin stratège M. Boileau mais, à la place de l'ADQ, le PQ de Mme. Marois pourrait bien gagner cette suggérée rapide élection ce qui le ferait encore gouverner le Québec-province, qui tend a lui faire plus d'ennemis que d'amis, exemple "les fusions municipales, le déficit 0, les dures négociations avec les employés de l'état etc".
Si les Libéraux, très provinciaux, décident de sortir M. Charest et le remplacer par M. Couillard qui a meilleure presse, ça peut aussi brouiller les cartes du PQ et de l'ADQ.
La stratégie est une chose, son succès peut en être une autre et je partage votre intérêt à voir ce qu'il adviendrait des demandes autonomistes de l'ADQ. Est-ce qu'elles frapperaient sur une porte fédérale verrouillée ? Si c'était le cas, comment réagirait M. Dumont ?
Archives de Vigile Répondre
23 mai 2007"Devenus majoritaires, les Québécois de langue française préserveraient dorénavant leurs caractéristiques nationales."(Patrice Boileau)
Les Québécois de langue française, majoritaires et de caractéristiques nationales.
Qui c'est çà? Quel peuple c'est çà? Ça mange quoi l'hiver cette bibitte là?
Est-ce que les milliers de Québécois qui se disent Sépharades de langue française au Québec et qui votent à 99% contre l'indépendance des Québécois font aussi partie de cette majorité? Et les autres Québécois de communautés ethniques parlant aussi français, au Québec, et qui votent aussi en bloc contre l'indépendance?
C'est une majorité de quoi alors? Juste des francophones?
En quoi les souverainistes deviennent plus majoritaires?
C'est quoi ces caractéristiques nationales?
Mais de qui, au juste, parlez vous?
Luc Bertrand Répondre
23 mai 2007Je ne savais pas que les anglophones irrités du PLQ viennent de se donner un nouveau parti politique. Quelle opportunité incroyable! Le West Island va ou bien se peinturer dans le coin ou bien se diviser entre ce parti et le PLQ. D'un coup, les libéraux risquent de perdre la moitié de leurs comtés et de fragiliser, voire même perdre, leurs châteaux-forts.
Vous avez tout à fait raison sur le fond: si le Parti Québécois veut éviter de partager l'incohérence et l'irresponsabilité de Jean Charest vis-à-vis l'étranglement financier de l'État québécois, il devra s'opposer à ce budget, même si le parti n'a ni les finances, ni la solidité à la direction nécessaires au déclenchement d'une élection précipitée. Cependant, je ne démords pas du fait qu'on doit cesser de prendre les gens pour des abrutis et qu'il nous faille, enfin, être cohérents avec notre objectif et son urgence. Cette division du vote fédéraliste nous permet d'être plus clairs et déterminés que jamais à forcer les gens à se positionner sur le statut que le Québec doit revendiquer face au Canada. La majorité francophone laissera-t-elle la minorité anglophone l'humilier à la face du monde entier en lui imposant le gouvernement du conquérant britannique? L'occasion manquée par André Boisclair lors du phénomène Hérouxville et des "accomodements raisonnables" pourrait ainsi être reprise par le Parti Québécois, pour autant qu'il veuille bien retrouver le courage de replacer la lutte du fait français au coeur de l'argumentaire pour faire le pays du Québec.
Quand bien même la population choisissait de confier à Mario Dumont la tâche de forcer Stephen Harper à traduire concrètement son ouverture envers le Québec, le Parti Québécois aura enfin été honnête envers sa mission, ses militants et la population québécoise. Si notre intuition à l'effet que les bonnes intentions de Harper ne sont que du bluff et que Mario Dumont va lui aussi se casser les dents sur la constitution de 1982, le PQ sera très bien positionné pour capitaliser la prochaine fois. Sinon, le travail sera peut-être un peu plus long, mais, au moins, le Québec devrait reculer moins vite que sous les libéraux.
S'il n'agit pas de cette façon, le PQ va à la fois confirmer à l'électorat qu'il ne se préoccupe que de sauver ses jobs de député(e)s et se condamner à un déchirant débat sur son avenir. Sans cette probabilité élevée d'élection hâtive et d'opportunité aussi inattendue de réaliser son objectif, les membres auraient été tout à fait en droit d'exiger un tel débat d'idées avant d'accepter le couronnement de Pauline Marois. La crédibilité et la santé même du parti en dépendaient.