Avouons d’entrée de jeu qu’il faut se réjouir que la conjoncture politique sourie enfin à cette femme. Celle qui, à trois reprises, a tenté d’occuper en vain le siège du conducteur du Parti québécois, a plus souvent qu’à son tour été victime d’entourloupettes qui ont conduit à son départ de la vie politique en mars 2006.
Voilà donc soudainement que les astres s’alignent favorablement pour Pauline Marois. Mieux que cela : ce sont les militants péquistes et les membres de l’aile parlementaire qui la sollicitent pour remplacer André Boisclair! Même Gilles Duceppe, le chef du Bloc québécois, est emporté par la vague de sympathie que s’attire l’ancienne députée de la circonscription de Taillon. Il flotte au Parti québécois une odeur de repentir envers celle qui fut boudée lors du dernier congrès à la direction en novembre 2005. Peut-on ajouter un petit effet « Ségolène Royal » à ce mea culpa péquiste? Déçus du résultat de l’élection présidentielle dans l’Hexagone, bien des Québécois en effet brûlent d’envi de montrer à leurs amis français qu’ils sont prêts à donner le pouvoir à une femme!
Pauline Marois dispose donc d’un formidable rapport de force que peu de chefs péquistes ont détenu avant elle. La déconfiture qu’a subie le Parti québécois le 26 mars dernier a contribué à cette marge de manœuvre impressionnante. Celle qui pourrait devenir la première dirigeante du PQ a rapidement saisi qu’elle a les coudées franches : elle n’a pas tardé à imposer ses conditions, au moment même où elle a officialisé sa mise en candidature.
Celle que les médias couronnent déjà a ainsi prévenu les souverainistes qu’il n’y aura pas de référendum durant le prochain mandat que la population pourrait confier au Parti québécois. La candidate à la succession d’André Boisclair préfère que les péquistes « travaillent sur le projet de pays, l’expliquent, en discutent et écoutent les gens sur la façon dont ils le voient. » Pas de doute que son prédécesseur désirait également revenir à l’attentisme et aux « conditions gagnantes. » Son leadership affaibli l’aura cependant empêché de proposer aux membres du PQ ce que madame Marois leur prescrit maintenant.
Parce qu’il s’agit en effet d’un retour à la case départ : tout le travail de réflexion entamé après la défaite électorale d’avril 2003 prendra ainsi le chemin des ordures, si Pauline Marois devient la prochaine cheffe du Parti québécois. Le supplice référendaire, celui dont plus personne ne veut au Québec, sera camouflé jusqu’à ce que « l’assurance morale de gagner » surgisse. En attendant, le PQ s’engagera à former un bon gouvernement provincial et veillera à créer des conditions propices pour favoriser l’enrichissement collectif. La formule est loin d’être révolutionnaire. N’avait-elle pas d’ailleurs été jugée irréalisable lors de la « saison des idées », puisque captive du fédéralisme canadien? La prétendante au trône péquiste a néanmoins toute la légitimité de vouloir y revenir puisqu’elle n’hésite pas à mettre sa candidature en jeu.
L’étapisme référendaire demeure donc le mode d’accession à l’indépendance politique que Pauline Marois compte utiliser lorsque l’occasion se présentera. Voilà qui est navrant. C’est l’establishment médiatique fédéraliste qui a encore gagné en faisant reculer le projet indépendantiste du Parti québécois. Les manchettes de ces médias propagandistes ne tarderont pas à écrire dans les prochains jours qu’il y a mise en veilleuse de l’article 1 du PQ. Ils profiteront de l’occasion pour renforcer l’idée fallacieuse que le refus des Québécois de vivre un autre référendum signifie qu’ils s’opposent à l’objectif souverainiste.
Madame Marois va ainsi faire bien des heureux en renonçant de tenir un référendum, si elle devient éventuellement première ministre. Reste que le boulet référendaire finira bien par revenir la hanter dès qu’elle recommencera à en parler… Taire ce mot de sa bouche durant les prochaines années ne le réhabilitera pas : l’étoile de Pauline Marois pâlira aussitôt qu’elle l’aura balbutié quelques fois. Sa stratégie n’est donc que du « pelletage de neige en avant. » S’entêter à vouloir organiser un ultime référendum contre un adversaire déterminé à répéter les gestes qu’il a posés en 1995 constitue une entreprise extrême. Voilà le véritable message qu’ont envoyé les Québécois au PQ lors des trois dernières élections. C’est autrement qu’il faut réaliser la souveraineté du Québec. Voilà l’abcès que les péquistes refusent de crever depuis plus de dix ans. Madame Marois croit qu’elle pourra réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. C’est son droit le plus strict et quiconque pense comme elle est libre de la suivre.
Le Parti québécois n’est donc pas à l’abri d’un schisme avec l’arrivée de Pauline Marois à sa tête. L’attentisme est un poison sournois car son effet se propage tout en douceur. Pendant que l’on enseigne l’anglais aux petits enfants de la première année du primaire, des milliers d’immigrants s’installent annuellement sur le territoire québécois et grossissent ainsi les rangs des non-francophones. Leur choix n’a rien de belliqueux envers le seul peuple de langue française en Amérique du Nord. Il s’agit simplement d’un réflexe naturel puisqu’il n’est jamais emballant de s’assimiler à un groupe minoritaire condamné lui-même à disparaître, puisque privé d’un État national.
Il est en conséquence possible que des indépendantistes quittent le PQ et fondent un autre parti politique qui ralliera probablement l’ensemble des abstentionnistes qui ont boudé les urnes ces dernières années, écœurés de se faire offrir uniquement la stérile gouverne provinciale. Ces derniers veulent être libres de choisir quand ils opteront pour la souveraineté, à l’élection de leur choix. [N’est-ce pas ce que désire d’ailleurs Camil Bouchard? Le député péquiste de Vachon a en effet écrit dans Le Devoir du 15 mai vouloir que le peuple soit celui qui « donne le signal qu’il est temps de passer à autre chose. »->6691] Pas de doute que l’imposition d’un référendum sans lendemain est une procédure radicale contraire à son vœu, procédure dont le Parti québécois doit avoir le courage de se départir. Il est plus que temps que le PQ affronte courageusement les médias fédéralistes qui ont dicté les règles du jeu ces dernières années.
La candidate à la succession d’André Boisclair croit néanmoins que sa démarche permettra au Québec d’entrer dans le concert des nations avant qu’il ne soit trop tard. Elle espère que les membres qu’elle souhaite diriger partagent son optimisme. Ce sera le parti de madame Marois : le pari de Pauline.
Patrice Boileau
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
21 mai 2007Salutation citoyennes et citoyens,
Il me semble que Madame Marois pourrait renforcer d'autant sa crédibilté si elle reprenait son idée émise en 2005. C'est-à-dire qu'elle permettrait la création d'un ministère voué à la promotion de la Souveraineté advenant l'élection du PQ...
J'ajoute que le SPQ Libre a déjà affiché ses couleurs en faveur d'une constitution québécoise... Le PQ doit renforcer le pays réel, propager à "plein régime" du discours identitaire avant de recourir éventuellement à un référendum...
Patrie, Famille, République !
Archives de Vigile Répondre
17 mai 2007Monsieur Boileau,
Pauline Marois est une femme
intègre,compétente,authentique,courageuse, à l'écoute des individus et des familles. Je suis entièrement d'accord avec la démarche qu'elle propose, comme la majorité des membres du PQ et comme beaucoup de citoyens. Les commentaires entendus depuis son retour en font foi. Il y en aura toujours pour "chercher la faille". Les "purs et durs" qui sont trop impatients n'ont qu'à se former leur propre parti qui demeurera probablement un parti d'arrière banc. Le Québec a besoin du débat que l'arrivée de Pauline Marois suscite.
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2007La gouverne provinciale, voici ce à quoi aspire Mme. Marois et tous ceux qui désirent faire carrière dans les partis provinciaux incluant le PQ, même pour ce dernier qui pourrait y perdre la souveraineté.
C'est un risque perdant-perdant "loose-loose" parce que, si le PQ est efficace comme gouvernement provincial, les Québécois moyens diront : Ça va très bien comme ça, pourquoi risquer l'inconnu en votant OUI à la souveraineté du Québec ? Si ça va mal, les Québécois diront : Sont même pas capables de gouverner correctement une province, imaginez le gâchis si c'était un pays !.
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2007"Pendant que l’on enseigne l’anglais aux petits enfants de la première année du primaire, des milliers d’immigrants s’installent annuellement sur le territoire québécois et grossissent ainsi les rangs des non-francophones."
Que Marois disent clairement qu'elle s'engage à corriger ces problèmes fondamentaux et avec quels programes, et je la supporterai de toutes mes forces.
Normand Perry Répondre
16 mai 2007Peut-être est-ce une question de pure perception des choses, mais il n'y a rien qui puisse m'alarmer dans les propos de Pauline Marois dans son discours de dimanche dernier, et laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Entre la mise à l'écart de l'échéancier référendaire (ce qu'elle a mentionné) et l'impossibilité totale d'un référendum dans un prochain mandat, il y a une nuance très importante Patrice. Par ailleurs, toute la dynamique du PQ, selon ce que laisse entendre Pauline dans ses propos et surtout le ton de son discours, va porter sur le projet de pays en tant que tel. Nul été de ses nuances que Pauline a bien faite sentir dans son discours, j'aurais hésité à me rallier de manière aussi inconditionnelle que je l'ai annoncé dimanche.
Je lis sur Vigile quelques intervenants qui ne semblent pas avoir eu la perception des nuances que je viens d'évoquer, et pourtant toute la dynamique que veut créer Pauline se situe dans cet espace, dans ce nouveau segment, ce nouveau positionnement du PQ. Et je le vois comme une très bonne nouvelle.
Ce nouvel espace pourrait faire place à l'idée des assemblées constituantes tel que proposé dans le programme de Québec solidaire. J'ai le ferme sentiment que ce genre d'idée plait à Pauline Marois et qu'elle saura en tirer la substance pour la mettre en oeuvre. Peut-on qualifier cette nouvelle dynamique comme étant "attentiste" ? Je n'en suis pas si sûr.
Permettez que je puisse utiliser une analogie. Le discours de Pauline dimanche dernier est un peu comme l'attitude du boulanger qui place de la bonne miche de pain tout chaud en vitrine pour que son odeur vienne tenter nos sens et que nos réflexes gustatifs nous fassent oublier notre régime minceur pour acheter ce bon pain tout chaud.
Ce que Pauline nous dit dans le discours de dimanche, la souveraineté du Québec c'est un peu ce bon pain que nous voudrions faire, mais pour ce faire, il nous faut tous les ingrédients, et le temps de faire lever la pâte avant de la faire cuire.
Les assemblées constituantes sont un peu de cette dynamique : mettre les ingrédients dans le même bol, pétrir et faire lever la pâte. Et seulement alors, le tout sera prêt pour la cuisson (décision collective de créer ce pays du Québec).
Moi je suis prêt à prendre ce pari, tout simplement parce que la dynamique n'est plus la même : au lieu que le projet de pays soit une proposition venant du haut (un gouvernement du PQ qui enclenche un référendum); on nous dit faites en sorte que le peuple veuille de ce pays ! Travaillons à pétrir et faire lever la pâte. Lorsque le peuple sera prêt lui, il le démontrera sans équivoque.
Êtes-vous prêt à prendre un tel pari ?