C-51

Dérapages politiques

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Les objections bien fondées se multiplient

Plus le débat sur le projet de loi C-51 avance, plus les intentions du gouvernement de Stephen Harper transparaissent. Pour justifier ses mesures antiterroristes, il invite dans le débat d’étranges alliés, le plus inattendu étant Hitler. Tous les amalgames sont bons pour alimenter le sentiment d’insécurité des Canadiens.
Les conservateurs de Stephen Harper ne font rien sans calculs politiques. Les mesures contenues dans ce projet de loi et la communication qu’ils en font depuis un mois correspondent à une stratégie réfléchie que la référence à deux événements permet de mieux comprendre.

Le premier est bien sûr l’attentat survenu au parlement le 22 octobre. Le Canada, depuis toujours à l’abri du terrorisme international, réalisait qu’il était aussi vulnérable que les autres pays occidentaux. La démonstration était faite de la nécessité de revoir l’arsenal juridique pour mieux le combattre. Cela a donné le C-51 dans lequel ce gouvernement de la loi et l’ordre a introduit diverses dispositions, dont le pouvoir au SCRS de perturber des activités présumées être terroristes, qui apparaissent nettement excessives.

Des avocats experts ont démontré jeudi en comité parlementaire que les détentions et déportations secrètes de citoyens pratiquées par la CIA pourraient ainsi devenir réalité ici. Le pouvoir de perturbation accordé à notre CIA exigerait d’être strictement encadré, ont fait valoir d’autres témoins. Sans contrôle rigoureux a posteriori, elle pourra agir en toute impunité.

Pour justifier l’octroi de pouvoirs si abusifs en regard des droits et libertés, le gouvernement n’a aucune retenue. La semaine dernière, il a rendu publique la vidéo où Michael Zehaf-Bibeau justifie son attentat au parlement, question de raviver la tension vécue par les députés le 22 octobre avant qu’ils ne commencent l’étude du C-51 en comité parlementaire. En ouvrant mardi l’étude du projet de loi, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, en rajoutait en invitant Hitler dans le débat. Évoquant la nécessité de pouvoirs pour combattre les propos haineux, il affirmait que « l’Holocauste n’a pas commencé dans les chambres à gaz, il a commencé avec des mots ».

Le deuxième événement auquel il faut se référer est la chute du prix du pétrole qui a rendu caduque la stratégie électorale conservatrice. Dès lors, l’argument de la sécurité devenait un thème de rechange providentiel, comme l’a montré le taux d’appui élevé, jusqu’à 82 %, accordé au projet C-51. Tous les arguments qui pouvaient venir en appui à la nouvelle stratégie électorale ont été invoqués, de la présence militaire canadienne en Irak jusqu’à la question du port du niqab. Il n’a rien d’impromptu dans le commentaire du premier ministre Harper qui a qualifié le port de ce voile de pratique ancestrale « antifemmes ».

Cette stratégie manichéenne qui oppose sécurité et droits de la personne vise à mettre les partis d’opposition sur la défensive. L’illustre bien le comportement des libéraux. Prompts à se lever pour défendre le port du niqab en toutes circonstances au nom de la défense sacrée des droits et libertés, tous ses collègues s’assoient quand le débat porte sur C-51 pour lequel on votera en dépit des droits et libertés que ce projet restreindra. Son chef, Justin Trudeau, reconnaît que n’eut été le contexte préélectoral présent, il voterait autrement. Un choix sans doute difficile, mais néanmoins bien peu honorable.

La façon dont le gouvernement conservateur mène ce débat sert le parti, mais pas le pays. À Steven Blaney, et à tous ses collègues, il faut rappeler que oui, il faut faire attention aux mots. Il est tellement facile de glisser dans la propagande et la démagogie. Il y a eu ces derniers jours beaucoup trop de dérapages. Il faut s’en inquiéter.


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