OTTAWA | L’affaire SNC-Lavalin et les débats entourant la loi québécoise sur la laïcité ont rattrapé le premier ministre Trudeau dès le lancement de la campagne électorale, mercredi.
Le matin même, le Globe and Mail révélait qu’Ottawa «a contrecarré» une enquête que la GRC souhaite mener sur des soupçons d’entrave à la justice dans l’affaire SNC-Lavalin.
M. Trudeau n'a pratiquement pas offert de nouveaux détails, mercredi, sur ce dossier qui a eu l’effet d’une bombe, l'hiver dernier.
Selon le quotidien torontois, des acteurs clés ne peuvent pas parler à la GRC en raison du principe de confidentialité des délibérations du cabinet que le gouvernement fédéral refuse de lever.
Les libéraux soutiennent que ce refus vient du greffier du Conseil privé, Ian Shugart, le plus haut fonctionnaire au pays.
«Nous respectons toujours les décisions faites par notre fonction publique et nous respectons la décision du greffier du Conseil privé», a dit M. Trudeau lorsqu’invité à dire s’il accepterait d’infirmer la décision de M. Shugart.
Il venait alors tout juste de demander à la gouverneure générale, Julie Payette, de dissoudre le 42e Parlement et d’ainsi lancer la campagne électorale fédérale.
M. Trudeau a aussi dû revenir sur son intention – ou non – de prendre part à une contestation judiciaire de la loi 21 s’il est reporté au pouvoir le 21 octobre.
Le premier ministre a ouvert la porte à une éventuelle intervention du fédéral. Il a toutefois assuré que «pour l’instant», il jugeait cette avenue «contre-productive».
SNC-Lavalin: pas nécessairement une question centrale
Le politologue Daniel Béland, de l’Université McGill, s’étonne peu que l’affaire SNC-Lavalin revienne hanter M. Trudeau. Il signale toutefois qu’il n’est pas certain, après un seul jour de campagne, que cette question sera centrale dans le choix électoral que feront les Canadiens.
«C’est sûr que les libéraux ne veulent pas parler de ça, surtout à l’extérieur du Québec où l’affaire SNC-Lavalin a eu un prix politique très clair pour eux», a-t-il convenu.
Rappelons toutefois que le rapport du commissaire fédéral à l’éthique, qui conclut que M. Trudeau a contrevenu à la loi, n’a eu pratiquement aucun effet dans les intentions de vote.
À son avis, M. Trudeau aurait difficilement pu offrir une meilleure réponse, mercredi.
«Dans ce dossier-là, on veut montrer qu’on sait ce qu’on fait, qu’on a une approche et qu’on va essayer de conserver la même attitude. Ce que les libéraux n’ont pas toujours fait dans le dossier SNC-Lavalin», a analysé l’expert en ajoutant au passage que l’improvisation a marqué la réponse du gouvernement Trudeau à cette affaire.
La page n'est pas tournée
Le constitutionnaliste Patrick Taillon, de l’Université Laval, estime toutefois que la réaction de M. Trudeau n’est pas suffisante pour tourner la page.
«Si le gouvernement était courtois, s’il voulait vraiment aider la GRC à faire toute la lumière, il collaborerait avec celle-ci pour établir une espèce de façon [de déterminer] ce dont ils ont besoin et de ne dévoiler que ça», a-t-il relevé.
Quant à sa sortie sur une éventuelle contestation de la loi 21, M. Taillon croit que le premier ministre devra clarifier l’ambiguïté de celle-ci.
«La réponse qu’il a offerte montre beaucoup d’opportunisme», croit-il.
«Quand il dit "nous ne contestons pas pour le moment", est-ce que ça veut dire que, pour des raisons d’intérêts partisans [...] qui visent tout simplement la réélection, il ne veut pas trop se mettre à dos l’électorat québécois?», s’est-il interrogé tout haut.
Quoi qu’il en soit, M. Béland a souligné que le Bloc québécois sautera assurément sur chaque occasion, dans les prochaines semaines, pour presser M. Trudeau de s’expliquer, «du bonbon» pour eux.