Diabolisation de Harper : Martin continue sur sa lancée

Élections 2006 - Publicités du PLC

Toronto - Le chef libéral Paul Martin a continué de diaboliser son principal adversaire Stephen Harper hier, l'accusant de vouloir utiliser la disposition de dérogation (dite clause dérogatoire) pour rétablir la définition traditionnelle du mariage et restreindre le droit des femmes de se faire avorter.
Voilà pourquoi il faut, selon Paul Martin, adopter de toute urgence un amendement constitutionnel pour empêcher le gouvernement fédéral d'avoir recours à l'avenir à cette disposition contenue dans la Constitution.
Faisant fi de l'opposition de certains députés libéraux et des avis d'experts constitutionnels, qui dénoncent quasi unanimement cette promesse lancée par le chef libéral en plein milieu du débat en anglais lundi, M. Martin a réitéré hier son intention d'adopter un tel amendement constitutionnel s'il est reporté au pouvoir le 23 janvier.
Cette promesse étonnante n'apparaît toutefois pas dans le programme électoral des libéraux dévoilé hier.
Et comme c'est le cas depuis 10 jours, le plan d'action libéral a fait l'objet d'une fuite non autorisée. Le programme au complet s'est en effet retrouvé sur le site Internet du très conservateur magazine Western Standard avant qu'il ne soit dévoilé par les stratèges libéraux. La plupart des promesses avaient cependant déjà été rendues publiques.
Même si le Parti conservateur a déjà catégoriquement rejeté l'idée d'interdire l'avortement au pays à son congrès de mars 2004 à Montréal et que Stephen Harper a écarté l'idée d'utiliser la disposition de dérogation pour rétablir la définition traditionnelle du mariage, M. Martin a brandi ces deux menaces hier pour dépeindre son adversaire comme un leader d'extrême droite.
Dans un discours devant quelque 450 membres du Canadian Club, M. Martin s'est aussi inspiré des annonces publicitaires négatives lancées mardi par son propre parti contre le Parti conservateur pour attaquer avec virulence Stephen Harper, meneur incontesté de cette campagne à 10 jours du scrutin.
Tactique américaine
L'objectif de cette stratégie empruntée aux partis politiques américains est de stopper la chute dans les sondages du Parti libéral, qui accuse un retard de 10 points sur les conservateurs. Même au Québec, le PCC a supplanté le PLQ dans les intentions de vote pour la première fois de la campagne, selon plusieurs sondages.
Comme il l'a affirmé durant les deux débats des chefs, à Montréal, M. Martin a soutenu que Stephen Harper épouse des valeurs qui sont contraires à celles des Québécois. Il a soutenu que le chef conservateur voudrait envoyer des soldats en Irak (M. Harper a catégoriquement rejeté cette idée au début de la campagne), embarquer dans l'aventure du bouclier antimissile américaine (M. Martin s'était prononcé en faveur en 2003), déchirer l'accord de Kyoto et annuler l'entente sur les garderies conclue entre Ottawa et les provinces. Le Bloc québécois, a-t-il soutenu, ne pourrait stopper cette dérive vers la droite.
Ensuite, M. Martin a donné des précisions sur sa promesse d'abolir la disposition de dérogation. " La clause nonobstant donne aux politiciens la possibilité de retirer des droits (à des minorités), des droits qui ont été confirmés par la Cour suprême du Canada. Je crois que c'est dangereux. Je ne crois pas que la majorité doit pouvoir imposer sa volonté à une minorité. Je ne crois pas qu'un premier ministre doit avoir le droit de déterminer quels droits les Canadiens vont garder et quels droits ils vont perdre ", a-t-il affirmé sur un ton grave.
Jamais utilisée par Ottawa
Depuis le rapatriement de la Constitution en 1981, le gouvernement fédéral n'a jamais utilisé cette disposition qui permet de maintenir une loi qui viole la Charte canadienne des droits et libertés même si elle est invalidée par les tribunaux. Il y a 13 mois, M. Martin a pourtant dit être prêt à l'utiliser pour s'assurer que les Églises n'aient pas à célébrer des mariages gais contre leur gré.
Devant les journalistes, M. Martin a soutenu qu'il songeait à abolir la disposition de dérogation depuis " très longtemps " et il a nié avoir lancé cette promesse controversée à la sauvette dans une cause désespérée. Il a ajouté que ce qui l'a motivé à faire cette promesse est la possibilité de voir des députés conservateurs déposer des projets de loi privés pour interdire l'avortement.
Cela dit, des députés libéraux, dont Don Boudria, ont déjà tenté de restreindre l'accès à l'avortement dans le passé. " Nos députés ont certainement le droit à leurs propres idées. Mais je suis le premier ministre et le chef du parti. En fin de compte, c'est le premier ministre du pays qui parle pour le pays et le chef du parti pour le parti. Point final ", a dit le chef libéral.
Un gouvernement de neuf juges?
M. Martin a précisé qu'un gouvernement libéral se pliera volontiers à toutes les décisions de la Cour suprême du Canada après avoir aboli la disposition de dérogation. Ainsi, si le plus haut tribunal détermine qu'Ottawa doit donner au privé un rôle prépondérant dans les soins de santé, il obtempérera.
Il a aussi convenu que sa proposition ne vise pas à retirer aux provinces le pouvoir d'utiliser la disposition de dérogation. Les provinces auront toujours le loisir de retirer des droits à certains Canadiens. Il a convenu que cela risque de créer un régime constitutionnel à deux vitesses au pays, l'un s'appliquant à Ottawa et l'autre s'appliquant aux provinces.
Dans son discours, M. Martin a aussi soutenu que Stephen Harper plongera le gouvernement fédéral dans la spirale des déficits en promettant de régler le déséquilibre fiscal qui existe entre Ottawa et les provinces.
LES ENGAGEMENTS
Un gouvernement libéral aura cinq priorités s'il est reporté au pouvoir, a expliqué hier Paul Martin :
> réduire les impôts des contribuables ;
> interdire les armes de poing pour renforcer la sécurité dans les villes ;
> améliorer les soins de santé ;
> soutenir les étudiants qui entreprennent des études postsecondaires ;
> soutenir les familles grâce au programme national de garderies.


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