Dites donc Dow...

Il arrive un moment où une marque réputée perd tout son lustre, que malgré les plus grands efforts de marketing imaginables, rien ne peut y faire, elle est morte à toute fin pratique.

Tribune libre 2011

C’était la bière la plus populaire du Québec. DOW Et puis, hop elle disparaît. À Québec, à la queue leu leu décèdent ce que l’on appelle alors des robineux. Tous buveurs de Dow. Qui vient d’ajouter du cobalt à sa bière pour augmenter le collet. Un médecin fait un lien de causalité, il est faux mais qu’importe : DOW tue. Maintenant, il vous faut vraiment lire cet article pour comprendre.
Dow est la bière la plus populaire au Québec. C’est presque un monopole à Québec. C’est la bière « canadienne-française », la population de Québec est presque 97% francophone. Le 3% d’anglophones n’est pas pauvre, statistiquement il est possible qu’aucune des victimes ne soit anglophone. À Montréal, la bière numéro un, c’est la Mol, tablette ou pas. Il faudra tout le génie de Jacques Bouchard pour détrôner Molson par Labatt. La marque DOW décède. Même si, au même moment, s’ouvre le planétarium Dow à Montreal.
En anglais, c’est du branding. La gestion de marque. En passant, la DOW a vécu 25 ans d’agonie avant de disparaître.
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Il arrive un moment où une marque réputée perd tout son lustre, que malgré les plus grands efforts de marketing imaginables, rien ne peut y faire, elle est morte à toute fin pratique. Le consommateur la rejetant sans aucune raison rationnelle. La science, la philosophie, tant qu'à y être, le pape, diraient que c’est une excellente marque, que le produit est excellent, qu’ils en consomment quotidiennement et s’en sentent mieux, rien n’y fait et rien n’y fera, la marque est morte. Comme la DOW, supportée dans son long chemin vers sa disparition, par une pléthore de gens intelligents, rationnels, en pleine mesure de leurs moyens. Entre 1966 et 1991, date de sa disparition, DOW a connu une érosion constante de sa part de marché, les irréductibles étant fidèles et aucun nouveau consommateur l’achetant.
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Je crois que la marque Parti Québécois, rebrandée par Boisclair (le rouge dans la queue du Q étant remplacé par le vert lors de son passage) est morte depuis la fin du siècle dernier, que sa sous-marque (restons dans les boissons, sa Diète, Light pour les français) le Bloc Québécois ne pouvait à elle seule supporter sa marque principale, d’où sa disparition.
On demeure dans la bière si vous voulez. Ou le vin…
Revivez vos années 60 et 70, les publicités de bières sont hyper-québécoises, mais la bière cède sa place au vin. Pas au Québérac, ni aux divers rosés pas chers, mais au vrai vin, donc français en premier puis d’ailleurs après. Le changement s’accomplissant avec une nouvelle façon d’acheter le produit. Ce n’est qu’en 1970 que l’on peut choisir sa bouteille aux étalages de la SAQ!
En fait, le vin remplace continuellement la bière dès que l’on quitte les sous-strates démographiques et pire, dès que l’on est vers le 60% en haut de la moyenne, la bonne grosse bière en caisse est remplacée par des produits plus fins, souvent de micro-brasseries.
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Or on ne semble pas avoir compris tellement tout cela au PQ et sa marque diète. Le nationalisme des années 60 n’est plus celui d’un demi-siècle plus tard. Ce qui était impossible à dire en 1966 ne l’est plus aujourd’hui.
Prenons indépendance. Aujourd’hui, c’est neutre comme terme. Les Québécois, seuls au monde, en font un synonyme de souveraineté. En 1966, le mot indépendance est lourd de conséquence, comme dans Indépendance du Congo par exemple, de l’Algérie; donc de massacres, de guerres. Pourtant, c’est ce mot que choisit le très conservateur Daniel Johnson pour son pamphlet : Égalité ou Indépendance, l’année précédente.
Impossible donc pour René Lévesque d’utiliser le terme, de copies Johnson. On devient donc souverainiste, une invention sémantique égale au char québécois, incomprise du reste de la planète, quand ce n’est tout simplement pas le contraire du sens qu’on lui donne ailleurs. Aux États-Unis, par exemple, mais on le sait, ça ne compte pas!...
On n’est plus patriotique, c’est le terme utilisé pour désigner les manifestations quétaines d’alors, un défilé patriotique, comme dans l’infâme parade de la Saint-Jean-Baptiste, symbole de notre oppression aux mains du clergé. Qu’importe si alors elle osait prendre le contrôle de la rue Sherbrooke et voguait vers l’Ouest, occupant donc tout l’espace Montréalais. Dehors tambours et trompettes et autres majorettes. Aujourd’hui, pas un pas dans l’Ouest…
On devient nationaliste. Qu’importe si partout ailleurs dans la planète le terme est honni. Vingt ans avant, le même René Lévesque découvrait les camps. Aboutissement du nationalisme pour l’ensemble de l’univers, sauf au Québec.
En fait, la marque PQ est née sous de mauvais auspices. Au moment de sa mise en marché elle prend comme marque une véritable aberration sémantique : Mouvement Souveraineté-Association. Comprise à travers le monde comme un nouveau partenariat entre le Québec et le Canada, tout en fait sauf l’indépendance du Québec.
Et on n’est plus séparatiste. Séparatiste, c’est être le complice de Marcel Chaput et André d’Allemagne, du RIN et du mot honni d’indépendance. Voir plus haut. Qu’importe si les voisins du sud (qui répétons-le n’ont aucune importance pantoute pour nous) se considèrent eux des séparatistes ayant fait l’indépendance de leur pays et qu’en fait leur déclaration d’indépendance utilise le terme.
Que la marque Parti Québécois ait survécu si longtemps tient du miracle. Qu’elle disparaisse par sa sous-marque Diète, Light, Légère ne surprendra personne, il s’agissait d’offrir le moindre produit liquide pour étancher une soif et hop le tour est joué.
D’un peuple de buveur de « grosses Mol(le) tablettes » livrées en triporteurs, on est passé à des amateurs de vins fins. D’ailleurs Yves Michaud, héros ici sur Vigile s’il est un, après nous avoir donné Astérix, nous amena d’excellents vins…
On revient à la bière, (le vin étant nationalisé au Québec, on n’a pas grand choix). Je suis un brasseur. Je produis un excellent produit, qui malheureusement vient de connaître un désastre de relations publiques.
Je sais brasser, j’ai d’excellents travailleurs. J’ai des usines. J’ai des entrepôts. Un réseau de distribution. Des détaillants et j’ai même des listes de clients.
Maintenant, on avance en arrière, comme dans le temps des tramways (déjà disparu alors).
En 1970, est-ce que le PQ avait un produit vendable? Savait-il faire des élections? Avaient-ils des membres (actionnaires-travailleurs)? Des clients (électeurs)?
Poser ces questions, c’est y répondre.
La marque est morte. Le produit a besoin d’une nouvelle bouteille, de nouveaux porte-paroles. Capables de comprendre qui sont les concurrents du produit, donc de faire micro-brasserie, de vendre plus cher en fait, donc de hausser la barre. Parce que le client, lorsqu’on demande s’il aime le produit répond dit oui à 42% et rejette la marque à 81%. Et cela pour un produit édulcoré.
Maintenant, reprenons le slogan de DOW, Dites donc Indépendance.
L’aveugle national


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9 commentaires

  • L'engagé Répondre

    28 juillet 2011

    Grand merci pour cette contribution!

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juillet 2011

    Modifier le logo du Parti Québécois fut une erreur et ne pas s'aperçevoir de cette erreur en constitue une seconde.

  • Christian Montmarquette Répondre

    24 juillet 2011

    SOUVERAINETÉ OU INDÉPENDANCE ?
    J'ai été artiste créateur et concepteur publicitaire durant plus de 20 ans, et les marques de commerce disons que, ça me connait un peu.
    J'avais co-conçu le logo de l'UFP en 2002, et j'ai aussi proposé le nom de «Québec Solidaire» à sa fondation 2006, avec un logo, qui, lui, fût refusé.
    J'ai aussi la prétention d'avoir remis le mot «indépendance » sur le «marché» d'abord en 2003 lors de ma campagne locale, lorsque je m'étais présenté pour l'UFP dans Laporte; puis, entre 2005 et 2006 sur le site de «Presse-toi à gauche», justement pour différencier Québec Solidaire du PQ, avec sa «souveraineté», associée même au mot «association» ; la souveraineté étant de mon pointr de vue trop associé au mot «souverain» et conséquemment donc, à la monarchie.
    La souveraineté d'ailleurs, nous l'avons déjà sous plusieurs formes dont : la souveraineté de l'Assemblée nationale, la souveraineté du peuple et la souveraineté territoriale, pour ne compter que celles-là ; c'est «l'indépendance» que nous n'avons pas.
    Je suis donc bien d'accord avec la conclusion de votre texte.
    Merci de votre contribution.
    Une fort intéressante analyse socio-politique.
    Christian Montmarquette
    QS- Montréal
    .

  • @ Richard Le Hir Répondre

    23 juillet 2011

    Pour un aveugle, vous avez le regard pas mal clair...
    Votre analogie est très pertinente et votre analyse très juste.
    Je vous suggère qu'il conviendrait même d'aller plus loin.
    Pour avoir moi-même travaillé en communications et affaires publiques chez Molson, je connais le travail énorme que font les grandes brasseries pour découvrir non seulement les motivations des consommateurs, mais aussi les grandes tendances sociales dans lesquelles s'inscrit la consommation de leurs produits dans leur marché cible.
    C'est ce genre d'analyse qui avait été à la base de l'une des campagnes de publicité les mieux réussies au Québec, celle de la bière Laurentide.
    Ayant quitté ce secteur depuis longtemps, mais convaincu que les entreprises qui y évoluent sont toujours à la fine pointe des tendances de leur milieu, je crois que l'étude de leur publicité nous permettrait de découvrir des choses très utiles pour la "mise en marché" de l'indépendance.
    Bien entendu, je vais me faire regarder de travers par certains puristes qui vont trouver que mes considérations mercantiles dégradent le "produit". Je rétorquerai à ceux-là par la liste de toutes les personnes issues du milieu de la bière qui ont participé aux campagnes des partis fédéralistes (PLC, PLQ, Non)au cours des 20 dernières années, le seul rapport étant qu'une victoire est une victoire, et qu'ils l'ont remporté plus souvent que nous.
    Alors oui, il faut repenser complètement le "branding", le "packaging" et la promotion de l'indépendance. Quant au produit lui-même, il faut lui donner "bien meilleur goût".
    Richard Le Hir

  • Stéphane Sauvé Répondre

    23 juillet 2011

    Ennivrant votre texte...j'en titube encore...
    Bravo, l'aveugle...je souhaite que d'autres puissent trouver votre inspiration...ca fait du bien à lire.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2011

    Savoureux texte qui nous fait aimer Vigile en dépit de toutes ces chicanes de péquissss...
    Faut-il rebrander le PQ et fonder un nouveau Parti séparatisss? C'est un peu le gros des discussions par ces temps de canicule.
    Fonder un nouveau parti, c'est un contrat. Et le PQ actuel, avec sa cinquantaine de députés ne va s'effacer du décor. Bref, c'est impossible avant la prochaine élection.
    Rebrander? C'est ce qu'il faudrait faire. Mais avec un nouveau chef, avec un leader inspirant et rassembleur. Or il n'y a pas de compteur de 50 buts sur le banc. Ni dans les filières.
    Et rebrander autour de quoi? De l'indépendance, permettant aux fédéralistes de regagner le parti de Charest? Ou autour du centre-gauche, permettant à la droite de se regrouper autour de Legault?
    On est vraiment dans un cul-de-sac. Pas étonnant que nos discussions tournent en rond.
    Faudrait un miracle, genre une remontée de Pauline, une victoire majoritaire avec 37% des voix. Un miracle quoi.
    C'est la Ste-Anne cette semaine. Va-t-on y voir Mme Marois? C'est dans son comté après tout.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juillet 2011

    Pour une révolution moins tranquille. Les jeunes se branchent pour une radio qui craque sur trois lettres, NRJ. Ses promoteurs ont aimé le jeu de mots qui dit ÉNERGIE mais ils n’en ont rien fait de plus. Or l’ÉNERGIE étant l’âme de la Révolution moins tranquille espérée nous pouvons ici en faire le slogan de l’énergie non fossile, l’énergie renouvelable qui sera la base de notre économie. L’économie d’énergie étant la forme d’énergie la plus rentable, c’est par le milieu ambiant que les nouvelles générations veulent livrer combat. Écoeurées de voir nos richesses naturelles pillées, elles se battront pour des ressources naturelles profitables à la collectivité. Ces jeunes, qui miseront sur la liberté de leur nation, terme inattaquable parce que reconnu officiellement, seront fiers d’appeler la coalition pour l’indépendance du Québec, le mouvement NRJ, enfin doté de son sens : Nation Ressources naturelles, Jeunesse libre.
    Ensemble vers la première république verte au monde.(VLADIMIR DE THÉZIER)

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juillet 2011

    Dans le même esprit, revenir à du solide, à de l'authentique et au vrai. L'indépendance n'est pas une question de couleurs de la queue du Q, ni de slogans électoraux.
    Je voudrais saisir l'occasion pour offrir un petit bijou de marketing basé sur du vrai, qui s'enchaîne bien avec le sujet de l'aveugle national. C'est en fin de compte ceux qui font preuve d'audace au bon moment et qui ne craignent pas de prendre de front des tendances apparemment incontournables qui défont les dogmes et les codes, pour créer ou re-créer le monde en accord avec leurs aspirations.

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Book-La-revolution-technologique-VOST-7493.html

    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juillet 2011

    Parallèle de bon goût, coloré et très bien liquéfié.
    Surtout que La brasserie Dow de Québec était sur le site du premier établissement brassicole en Nouvelle-France, la Brasserie du Roy, construite par l'intendant Jean Talon en 1668. Les voûtes de l'entrepôt Dow étaient les voûtes originales.
    Récupérer ce qui nous appartient et enfin quelque chose pour étancher notre soif, je dis Indépendance.
    Merci à l'Aveugle national