Thierry Pech - La crise économique s'est installée au coeur de la campagne présidentielle. Et il y a fort à parier qu'elle ne la lâchera plus. Elle lui impose déjà son cortège d'interrogations et de doutes. Une emprise dont les débats de la primaire socialiste donnent un avant-goût : comment résoudre le problème de la dette et des déficits sans compromettre l'activité économique ni renoncer à une réelle transformation sociale et environnementale ? Sommes-nous prêts à payer les uns pour les autres, aussi bien au niveau national qu'au niveau européen ? Comment changer l'Europe pour garantir à chacun de ses membres davantage de stabilité, réguler sérieusement la finance et peser ensemble dans les affaires du monde ?
Ces questions dessinent un menu inhabituel au regard des coutumes nationales en la matière. D'ordinaire, les candidats écartent les sujets qui les éloigneraient un tant soit peu des préoccupations strictement hexagonales. Cette fois-ci, on ne voit plus bien où passe la ligne de partage entre le national et l'international : la mondialisation et l'Europe sont devenues les facteurs déterminants des grands problèmes domestiques.
D'ordinaire, l'ivresse du volontarisme politique joue à plein. Le verbe présidentiel survole les contingences budgétaires, ajustant au besoin les perspectives de croissance à ses désirs et multipliant les promesses de cadeaux et les petites attentions catégorielles : un peu moins de TVA par-ci, un peu moins d'ISF par-là… Cette fois-ci, les candidats ne pourront faire aucune proposition sans qu'on les interroge sur le coût et les conséquences de leur projet sur les équilibres macroéconomiques du pays.
L'étau des contraintes financières et la conscience des interdépendances européennes imposent de fait une cure de réalisme et une épreuve de crédibilité aux prétendants à la magistrature suprême. Faut-il craindre que la politique en sorte réduite à la portion congrue ? Que la liberté de choix soit rétrécie aux mornes limites du fatalisme ? Et la démocratie rapetissée aux urgences du court terme et coupée d'une vision de l'avenir ? Pas nécessairement. Les candidats ne choisiront certes pas les questions, mais ils choisiront les réponses. Il leur reviendra notamment de dire qui va payer, à quelles fins ils entendent allouer les ressources qu'ils veulent mobiliser, et quelle Europe ils souhaitent promouvoir.
La première question place au centre des débats la politique fiscale que les candidats voudront mettre en place : continuer à favoriser les hauts revenus, les gros patrimoines et les épargnants, ou bien mettre à contribution ceux qui en ont les moyens ? La deuxième met chacun en demeure de dire, dans un contexte tendu, quels sont les investissements réellement prioritaires pour le pays : couler un peu plus de béton dans de nouvelles centrales nucléaires ou améliorer l'éducation de nos enfants ? La troisième, enfin, suppose un choix clair quant à la refonte des solidarités avec nos voisins.
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Thierry Pech
Alternatives Economiques n° 306 - octobre 2011
En campagne
Sommes-nous prêts à payer les uns pour les autres, aussi bien au niveau national qu'au niveau européen ?
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