Reuters Emily Kaiser - Le Fonds monétaire international semble avoir pris son courage à deux mains pour adresser ses critiques aux Etats-Unis, son principal contributeur, alors que les économies émergentes membres du G20 montrent les crocs.
Une question se pose désormais, celle de savoir ce que Washington fera des remarques du Fonds.
Dans la salve de rapports qui ont ponctué les réunions organisées par le FMI et le G20 à Washington, l'un d'entre eux pointe du doigt le déficit américain et s'interroge sur la capacité de Washington de le réduire de moitié d'ici 2013, s'attirant une réponse immédiate du Trésor garantissant que les promesses seront tenues.
"Le FMI fait tout à coup de son mieux pour paraître impartial", souligne Eswar Prasad, ancien responsable de l'institution monétaire internationale.
Selon lui, un tel revirement s'explique notamment par les demandes de plus en plus pressantes des économies émergentes qui réclament du FMI une surveillance plus étroite des pays développés, tenus pour responsables de la crise de 2007-2009.
Parmi ces nations, les Etats-Unis n'échappent pas, loin s'en faut, aux critiques les plus virulentes et, signe des temps, ils ne semblent pas s'en offusquer.
Timothy Geithner, secrétaire au Trésor et ancien du FMI, a réagi samedi, expliquant que les Etats-Unis "saluaient l'annonce d'une surveillance accrue de leurs politiques budgétaires et monétaires."
Le durcissement de ton adopté par le Fonds s'explique en outre par la publication en février d'un rapport interne montrant qu'il n'était pas parvenu à détecter à temps les signes avant-coureurs de la crise financière, en particulier parce qu'il est "trop influencé voire intimidé par les pays riches".
EN QUÊTE D'IMPARTIALITÉ
Depuis le déclenchement de la crise financière, la politique monétaire américaine a perdu de sa superbe. Les marchés émergents, autrefois l'objet de condescendants conseils des économies développées, ont commencé à remettre ouvertement en question les lignes directrice posées par les Etats-Unis.
"Certains pays, responsables de la crise la plus grave depuis la Grande dépression, et qui doivent encore résoudre leurs propres problèmes, semblent toujours vouloir prescrire des codes de conduite au reste du monde", a lancé samedi Guido Mantega, ministre brésilien des Finances.
De nombreuses économies émergentes ont amassé de monumentales réserves de devises, le plus souvent pour se prémunir du risque de devoir un jour tendre leur sébile au FMI en l'échange de prêts assortis de conditions draconiennes.
Ragaillardis et sûrs de leurs forces, les pays émergents réclament désormais du FMI qu'il traite les économies développées avec la sévérité qui était la sienne lorsqu'ils souffraient de maux semblables.
Domenico Lombardi, qui préside l'Oxford Institute for Economic Policy, juge que le ton inhabituellement sévère adopté par le FMI à l'égard des Etats-Unis est une manière de montrer qu'il peut se montrer impartial dans ses rapports aux pays riches, comme le recommande le programme adopté par les membres du G20.
Les Etats-Unis sont l'un des sept pays du G20 qui feront l'objet d'une étude approfondie, réalisée sous l'égide du FMI, visant à déterminer si leurs politiques nationales présentent des risques pour l'économie mondiale.
"Puisque le mandat que le FMI vient de recevoir ne s'accompagne d'aucun pouvoir coercitif, le seul moyen de pression dont il dispose c'est sa crédibilité, sa respectabilité en tant que courtier honnête", explique Domenico Lombardi, lui aussi ancien responsable du Fonds.
Selon lui, les Etats-Unis sont mûrs pour recevoir les conseils du FMI et les mettre en pratique.
La réduction du déficits américain est devenue une priorité, et Timothy Geithner sait bien que si le FMI hausse le ton à l'égard de Washington, la crédibilité des Etats-Unis sera renforcée dans leurs rapports à Pékin.
Après deux ans d'intenses discussions avec la Chine, les Etats-Unis n'ont remporté que de bien maigres succès sur la question du yuan, qu'ils jugent sous-évalué, et un appui du FMI pourrait leur apporter un soutien bienvenu dans leurs discussions futures.
"Par le passé, les secrétaires au Trésor ont fait peu de cas du bénéfice de la coopération internationale", rappelle Domenico Lombardi.
"Désormais, les Etats-Unis ont réalisé qu'ils ne peuvent plus régler seuls les problèmes de la planète. Pour asseoir leur leadership, ils doivent s'engager dans la voie de la coopération internationale."
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Avec Lesley Wroughton, Nicolas Delame pour le service français
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