Le remaniement de l'article #1 selon Pierre Cloutier

Entre le rêve et l'espérance

Drainville et Lisée ont un tipeu beaucoup raison

Tribune libre

René Lévesque n’avait pas échappé à ce dilemme de devoir dissocier l’atteinte de son idéal, notre Cause, de la prise du pouvoir de la province.

PKP¹ n’y échappera pas lui non plus, à moins qu’il consente déjà à n’être qu’une redoutable étoile filante, et bien plus filante que redoutable, comme à la manière de cette autre étoile filante qui s’en est allée s’écraser à Londres….

Même si le libellé de la proposition de Pierre Cloutier menant à modifier l’article #1 du programme est habile et parfaitement recevable, elle est quand même cosmétique, et garde encore, d’un point de vue du jeu politique à soutenir dans la réalité, tout le mou et tout le flou typiquement péquistes, qui ont emmené ce parti là où il est maintenant. Mais c’est indéniablement aussi, je le reconnais volontiers au grand mérite de Pierre Cloutier, UN IMMENSE PROGRÈS sur cette idée arriérée qu’il faut vouloir un référendum pour être indépendantiste.

C’est cependant bien plus qu’un cosmétique remaniement de l’article #1 qui sera attendu par l’électorat cette prochaine fois. Comment, d’ailleurs, un chef péquiste quel qu’il soit pourrait-il défendre pareille mouture avec la transparence réclamée désormais par un électorat fatigué de la Question Nationale, sans qu’il ne soit rapidement enfargé et embourbé par nos ennemis dans les explications portant sur la plomberie de l’ « opération indépendance » transformée en « gouvernance de la province » ? Le diable, dit-on, est dans les détails, les libéraux aussi. Ces derniers ne vont pas restés impassibles comme les wawarons qu’ils sont. Toutes les explications seront requises. Et il sera impossible de les retourner du revers de la main comme le sous-tend à son texte même l’article #1 fourni par Pierre Cloutier.

Et toutes les réponses difficiles, laborieuses, interminables, sur le « quand » et le « comment », ABSOLUMENT INÉVITABLES AUSSI avec un nouvel article, conforteraient facilement l’électorat dans son idée que le PQ prépare (encore) quelque chose de pas net. Comme en avril dernier ! C’était cela d’ailleurs, très précisément, la ligne d’attaque victorieuse des libéraux en 2014 : plaider contre tout bon sens auprès d’un électorat aussi crédule que médusé que le PQ s’apprêtait à faire un référendum, alors précisément que ni le PQ ni surtout l’électorat n’étaient au rendez-vous.

Septembre 2012 puis surtout avril 2014 n’auront-ils donc suffi à rien ? Serions-nous aussi incorrigibles que Jacques Parizeau ?

Advenant seulement la modification avancée par Pierre Cloutier, l’attaque des libéraux porterait assurément et facilement encore une fois, eh oui, encore une fois, sur cette occasion en or que nous leur aurions fournie nous-mêmes tout à fait gratuitement. Et comptez sur eux pour taper encore et encore sur le même clou, avec encore le même succès, pour encore des décennies si besoin.

Sous prétexte que nous avons de la conviction, nous les indépendantistes, nous faisons la fortune politique (et la fortune tout court) de nos ennemis. Une seule chose leur suffit : le pouvoir provincial. Et une seule chose leur a toujours suffit pour s’y maintenir : une lutte constante contre nos convictions et notre idéal. Mais, wake up, wake up, la CAQ se profile parmi Nous ! Il faut donc d’abord leur prendre ce qui leur tient à cœur, c’est-à-dire leurs intérêts… la belle Province…
le pouvoir.

Si l’article proposé par Pierre Cloutier a beaucoup de mérite il n’a cependant aucune portée quant à la prise du pouvoir. Bien au contraire… À bien des égards, la déroute d’avril dernier n’a pas encore été enregistrée. Un peu désolant, mais cependant prévisible. Du moins Drainville et Lisée ont bien entendu l’électorat, tout l’électorat, et non pas seulement l’appel des caribous.

Et justement, tout l’électorat connait parfaitement l’idéal de PKP. Dès lors, simonak, si on y pense un tipeu…juste un tipeu simonak… c’est bien moins un article remanié du programme qu’attend l’électorat qu’un engagement solennel de sa part, de la part de celui qui porte déjà l’espérance de tout le peuple indépendantiste et, demain sans aucun doute, celle de tout un peuple.

Entre l’établissement d’un nouvel article #1 au programme péquiste, tout immensément nécessaire et immensément bienvenue qu’il est, et un engagement solennel de la part du chef du PQ, afin de rassurer (tout) l’électorat et le prévenir contre la ligne d’attaque traditionnelle des rouges le moment venu, il pourrait et il devrait se passer pas mal de temps… Rien ne presse à cet égard ! Les libéraux viennent à peine d’arriver !

Me semble, si on y pense encore un tipeu aussi, que Drainville et Lisée ont un tipeu beaucoup raison aussi sur le comment reprendre le pouvoir provincial. Et j’ajouterais qu’ ils sont tous les deux d’autant plus crédibles à cet égard qu’ils jouent à la perfection leurs rôles de négligés dans ce qui n’est apparemment plus une course à la chefferie péquiste, qu’ils réalisent sans doute aussi que leurs candidatures encore possibles ont déjà toutes les deux l’apparence des étoiles filantes. Cela serait rassurant qu’ils aient tous les deux - et je crois qu’ils l’ont tous les deux - ce qui s’appelle un remarquable sens politique, qui ne se confond jamais avec les wras-wras de la basse partisannerie politique.

Et la responsabilité historique de PKP devient subitement immense, celle de Vigile aussi, à mesure que l’indépendance se rapproche de Nous comme JAMAIS-JAMAIS auparavant. S’éloignerait-elle alors, cette maudite indépendance, si PKP. n’était pas le chef du PQ, s’éloignerait-elle si, par ailleurs, il restait le champion incontesté dans le cœur de chacun d’entre Nous ?

1 Je prends pour acquis que les jeux sont faits : PKP. porte déjà l’Espérance, la mienne en tous les cas.


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4 commentaires

  • Mario Boulet Répondre

    8 octobre 2014

    Monsieur Ssauve,
    Je ne dirai pas que vous êtes idéalistes. N'en ayez crainte.
    Je suis conscient de l'amour. C'est évident que nous nous devons d'éprouver de l'amour, nous les Québécois. Je suis bien d'accord avec cela. Ne craignez rien. J'éprouve beaucoup d'amour pour ma nation et envers les ancêtres ayant suivi Champlain pour ériger ce qui deviendra Québec en 1608.
    Mais tel le jour, il existe la nuit. Si on ne vit que le jour, la nuit vient tout bousiller de nos désirs. Nous ne pouvons pas l'exclure. C'est une réalité de la vie.
    En tant qu'être humain, je n'ai rien contre un canadien anglais en particulier. C'est la nation qui me dérange. C'est lorsqu'il forme une unité ou un groupe ayant pour but de nous « couler » davantage.
    C'est malheureux, mais ce sont les émotions qui gouvernent le monde. Ceux qui n'ont pas d'émotions, ne vivent pas. Ils survivent et répondent aux affres de leur vie.

  • Stéphane Sauvé Répondre

    8 octobre 2014

    A monsieur Boulet qui écrit:
    "Mais un peuple désirant son indépendance doit éprouver de la haine envers ses oppresseurs. S’il n’en éprouve plus, il sera son sujet tout le reste de sa vie, même s’il dit qu’il ne les aime pas."
    Ah bon ?
    Je croyais que mon désir pour un Québec libre et rayonnant se nourrissait de mon amour pour les Québécois, de ma foi en leur génie créateur, de mon admiration pour les exploits de ceux qui nous ont précédés, de l'inspiration que me donne nos sublimes forêts, cours d'eau, fleuve et montagnes...
    Je vous invite à mettre de l'eau dans ce fiel....beaucoup d'eau...le Québec deviendra un jour indépendant pas tant pour notre haine des autres qu'en raison de l'amour que nous nous donnons.
    ...SVP, ne me répondez pas si c'est pour me dire que je suis idéaliste...ca ne passe plus.

  • Marcel Haché Répondre

    8 octobre 2014

    @ Mario Boulet
    Quelle différence la souveraineté, la souveraineté-association, l’indépendance, si le but ultime de la Marche c’est la création (à la pièce ou dans un Grand Soir) d’un état-nation pour les Tremblay d’Amérique, c’est-à-dire Nous ?
    Depuis 1755, y-a-t-il déjà eu d’autres que Nous seuls pour soutenir notre Combat de la survivance ?
    Que le P.Q. change son article #1, qu’il change de nom, que même des négationnistes s’installent parmi Nous et se mettent à déblatérer contre René Lévesque en prétendant qu’il n’a même jamais existé, vous auriez quand même raison : le P.Q. reste voué à l’Indépendance depuis ses origines.
    Je n’ai jamais cessé d’écrire ici que le P.Q. était « condamné » à l’indépendantisme, peu importe tous les détours de langage qu’il pouvait prendre (et il en a pris pas mal…) aussi bien sur la Destination supposée que sur les moyens de transport pour y parvenir. Sur ce point du moins, je crois que nous serions d’accord.
    Personne ne demande aux indépendantistes de cesser d’être indépendantistes. Mais peut-on s’attendre des indépendantistes qu’ils attendent simplement d’avoir bien en main le micro (le Pouvoir) pour s’adresser aux Tremblay d’Amérique les « yeux dans les yeux » ? N’y-a-t-il pas lieu avant d’accorder les cœurs ? Et qui mieux que P.K.P. pourrait-il le faire ? Personne à l’horizon !
    Autrement dit : si le P.Q., s’adressant à un électorat critique et peu enclin à lui faire confiance, si, pour prendre le Pouvoir à Québec, les indépendantistes devaient s’engager solennellement à ne rien « enclencher » dans un prochain mandat, qui aurait-il de mal alors à ce qu’en accédant à la volonté populaire et s’y engageant solennellement, les indépendantistes obtiennent alors le droit de tenir le Micro ? Est-ce que ce ne serait pas là un premier pas des Tremblay d’Amérique, qui serait l’indice certain d’un premier consentement ?
    Peut-être croyez-vous au Grand Soir, Mario Boulet, je n’en sais rien. Personnellement, cela fait longtemps que je n’y crois plus.
    Quant à la « haine » des ennemis. Non, pas nécessaire.
    Mais au moins les nommer les ta. !

  • Mario Boulet Répondre

    8 octobre 2014

    Monsieur Haché,
    J'ai lu votre article. J'ai apprécié lire votre point de vue. Hors, je n'en suis pas d'accord.
    Le Parti Québécois a été originellement fondé pour amener le Québec à son indépendance du Canada. Que l'on mette en force ou non l'Article 1 du programme du parti, le fait demeure que 99% des gens ne lisent jamais ou non même pas connaissance de l'existence d'un programme pour un parti politique. Inévitablement, le Parti Québécois apparaîtra toujours comme un parti indépendantiste ou souverainiste aux yeux de l'électorat.
    Que l'on modifie l'Article 1 du programme ou non par la nouvelle formulation émise par Pierre Cloutier récemment, nous perdrons le pouvoir aux prochaines élections si nous voulons taire le fait que le Parti Québecois est un parti indépendantiste. Le Parti Québécois ne peut pas être un parti ambivalent. Il ne peut pas être tiède. Il ne peut pas être « Noir » un jour et « Blanc » la semaine suivante. Il ne peut pas se permettre de vouloir diriger la province de Québec en tant que province pour une partie d'un mandat et de faire un pays pour une autre partie du même mandat. Il doit choisir. Il aime ou non le Canada.
    Le cinéaste Pierre Falardeau a déjà exprimé ce que je ressens dans son film « 15 février 1839 » à propos si on aime, on n'aime pas ou on hait les Anglais:
    C'est le passage où un patriote lance:
    - « J'les hais les bâtards ... J'les haïs! »
    L'Irlandais, Harkin, lui lance:
    - « Pas assez! T'es haïs pas encore assez. Jamais tu pourras les haïr comme moé j'les haïs ... Tout c'qu'y nous ont fait en Irlande ... Je les haïs, là, tu peux pas savoir ... C'est comme du feu ... Icitte! ... Touche ... Touche ... Mais fais attention ... Tu vas te brûler ... »
    Pierre Falardeau aurait eu la missive de Gaston Miron d'écrire une scène poignante concernant la haine que l'on éprouve de vivre déjà en 1839 à propos des Anglais. Près de 200 ans plus tard, des gens tendent à vouloir se départir de cette haine, pour passer à autre chose. Ont-ils raison? Probablement. Mais un peuple désirant son indépendance doit éprouver de la haine envers ses oppresseurs. S'il n'en éprouve plus, il sera son sujet tout le reste de sa vie, même s'il dit qu'il ne les aime pas.
    La haine et colère des patriotes s'expliquent. Aux élections générales de 1834, le Parti Patriote a remporté 77 des 88 sièges. Hors, malgré son élection majoritaire, il ne possède aucun pouvoir de la chambre haute. Le gouverneur possède tous les pouvoirs décisionnels. le Général John Colborne s'en chargera ...
    Les Patriotes s'insurgent contre les Britanniques. Leur révolte est écrassée sauvagement. Des villages entiers ont été saccagés. Ils ont été jugés par des tribunaux militaires expéditifs, tandis que les Patriotes anglais n'ont été que déportés au lieu d'être exécutés. Douze Patriotes seront pendus au lieu de subir la déportation car ils étaient francophones. D'autres furent aussi déportés.
    Comment ne pas haïr nos ennemis?