Les gaz de schiste

Et dire qu'on voulait importer

Petite histoire de l'exploration à l'exploitation des gaz de schiste

Gaz de schiste


Démantèlement d’une tour d’exploration des gaz de schiste, plus tôt cette semaine à Saint-Thomas d’Aquin en Montérégie. D’autres tours ont été démontées à Saint-Barnabé-Sud et La Présentation.
Alexandre Shields - Encore tout récemment, on prévoyait amorcer cette année les travaux de construction d'un terminal méthanier à Lévis, destiné à l'importation de gaz naturel. Depuis, on ne parle plus que d'exploitation des gaz de schiste et on entrevoit la plus grande exploitation d'énergie fossile de l'histoire de la province.
Si l'ampleur des ressources disponibles tend à se préciser depuis à peine deux ans, on sait depuis des décennies que les basses terres du Saint-Laurent sont propices à la découverte de ce gaz dit non traditionnel. En fait, la fameuse formation géologique du shale de l'Utica a été identifiée dès les années 1970, explique le porte-parole de l'entreprise Junex, Dave Pépin. À l'époque, les techniques d'extraction utilisées aujourd'hui — notamment le forage horizontal et la fracturation hydraulique — n'avaient cependant pas encore été développées.
Les débuts en 1954
Mais il y a déjà eu de l'exploitation gazière au Québec, après la découverte du gisement de gaz traditionnel de la Pointe-du-Lac, en 1954, suivi de celui de Saint-Flavien, en 1973. Tous deux sont aujourd'hui épuisés et servent au stockage du gaz consommé au Québec, importé entièrement de l'Ouest canadien. En tout, au fil des décennies précédant l'exploration du shale de l'Utica, pas moins de 240 puits ont été forés dans les basses terres. Ces recherches ont été orchestrées en bonne partie sous la houlette de la Société québécoise d'initiatives pétrolières (SOQUIP), mise sur pied par le gouvernement en 1969, et de Shell, qui possédait alors plusieurs permis sur le territoire québécois.
Fait à noter, plusieurs acteurs de l'industrie ont déjà travaillé pour la SOQUIP, dont les activités sont aujourd'hui fusionnées avec celles de la Société générale de financement. Durant ses années d'activité, elle a d'ailleurs constitué une importante banque de données géoscientifiques, banque utilisée par la suite par Hydro-Québec et les entreprises gazières dans leurs travaux de recherche. Elle avait finalement conclu, dans un rapport publié en 1984, que le potentiel gazier du Québec était à peu près inexistant.
Un constat qui a été pour le moins bouleversé par le développement de techniques d'extraction permettant de fracturer la roche à une profondeur de plus d'un kilomètre pour en faire jaillir le gaz naturel. Les plus grandes avancées dans ce domaine ont été réalisées en sol américain, où on retrouve plus d'une vingtaine de shales. Résultat: alors qu'on prévoyait un déclin marqué des réserves de gaz il y a à peine dix ans, les quantités exploitables ont été multipliées par deux. Le président Barack Obama a même déjà évoqué une véritable «révolution» pour cette filière énergétique. Alors qu'ils ne représentaient que 1 % de la production des États-Unis en 2000, les gaz de schiste atteignent aujourd'hui 20 % et pourraient dépasser les 50 % d'ici 2030.
Les années 2000
Au Québec, les choses ont débuté très modestement — et sans aucun débat public ni étude d'impact — au tournant des années 2000. Dave Pépin souligne d'ailleurs qu'à l'époque la petite équipe de Junex peinait à dénicher du financement. «Quand nous avons lancé la compagnie en 1999, quelqu'un nous a dit: "Voyons, vous allez faire rire de vous autres, chercher du gaz au Québec". Question de fait, cette personne avait raison: tout le monde riait de nous... jusqu'en avril 2008.» À ce moment, l'entreprise a découvert un important potentiel gazier relevant de son permis de Bécancour.
Règle générale, les choses ont effectivement décollé lentement au fil de la décennie pour cette filière alors naissante. Aujourd'hui, pas moins de 27 entreprises détiennent un total de 462 permis de recherche ou baux d'exploitation sur plus de 82 500 km2 de territoire, selon les chiffres du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). Les travaux réalisés par les acteurs du secteur privé ont permis de déterminer que les volumes totaux emprisonnés dans le sous-sol québécois se situeraient entre 10 000 à 25 000 milliards de pieds cubes. Il est aussi possible que ces quantités augmentent avec l'amélioration des techniques d'extraction.
Une ressource qui promet des profits juteux pour les entreprises. Uniquement pour Junex, les ressources récupérables pour l'ensemble de ses permis des basses terres — détenus en partie avec l'entreprise américaine Forest Oil — pourraient avoir une valeur marchande de plus de 15 milliards de dollars, au prix actuel du gaz, soit 4,25 $ le millier de pieds cubes. Un chiffre aussi appelé à gonfler: les prix avaient atteint 14 $ entre 2006 et 2008.
Le retrait de l'État
Mais même si les entreprises ayant acquis des permis d'exploration se sont multipliées au fil de la dernière décennie, l'État ne s'était pas complètement retiré du dossier jusqu'à tout récemment. Encore en 2005, le document de consultation sur «les objectifs et les orientations de la stratégie énergétique» produit par le MRNF stipulait qu'«Hydro-Québec Pétrole et gaz a reçu le mandat du gouvernement du Québec d'évaluer [le potentiel pétrolier et gazier] notamment en procédant à des levés géophysiques et à des forages». Mais cette division de la société d'État a depuis été abolie et plusieurs de ses employés, dont des géologues, travaillent aujourd'hui pour des entreprises actives dans l'exploration.
L'industrie, qui n'a visiblement pas à craindre une éventuelle nationalisation, fait désormais face à une vague de scepticisme grandissante.

L'APGQ a d'ailleurs dû avoir recours aux services du cabinet de relations publiques National pour gérer ses communications. Même le gouvernement Charest, qui promettait pour cet automne un projet de loi pour encadrer l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures, a été forcé d'associer le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement au dossier. Un exercice décrié pour l'étroitesse du mandat qui lui a été octroyé. Malgré cela, on prévoit une exploitation à grande échelle en 2014. Certains, dont Gaz Métro (lire l'entrevue de sa présidente en page B1), saluent déjà l'arrivée de ces ressources de gaz. On évoque même la possibilité d'en exporter une partie, peut-être par bateau. À partir du port méthanier de Rabaska?


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