À la guerre comme à la guerre, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante veut préserver une mobilisation forte et n’a pas hésité, pour ce faire, à destituer un exécutif qui avait émis un doute sur la stratégie à tenir. Tant d’intransigeance est pourtant la pire voie à suivre.
Il faut faire fi des obstacles quand on veut changer le monde, sortir des ornières, secouer le conformisme ambiant. Cela, en soi, amène son lot d’incompréhension dans le grand public et les médias sont les premiers dépassés dès lors que l’on sort des modèles habituels. Québec solidaire en a été un exemple patent : son système de co-chefs a été d’abord moqué avant d’être, si ce n’est compris, au moins accepté.
C’est dire combien une organisation comme l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), fondée sur la démocratie directe, qui récuse le concept de leader au profit de celui de porte-parole, peut dérouter. C’est dire aussi l’agacement de l’ASSÉ devant l’incompréhension constamment manifestée envers ses structures et le fait que ses revendications passent toujours au second rang dans la sphère médiatique.
Un exemple, tout simple : la démission-destitution de l’exécutif de l’ASSÉ au cours de son congrès tenu en fin de semaine a été beaucoup présentée comme un schisme entre radicaux et modérés. Mais l’enjeu était ailleurs : c’est plutôt le fonctionnement particulier de la démocratie directe qui était en cause. L’exécutif démissionnaire, en faisant circuler un texte de réflexion sur la pertinence de la grève printanière, contrevenait-il ainsi à des mandats précédemment donnés ? L’impression que l’opinion de la base était court-circuitée aura mené au clash de la fin de semaine. Hind Fazazi, porte-parole de l’ASSÉ au cours des dernières 24 heures, n’est ni plus ni moins radicale que ne l’était Camille Godbout quand elle occupait les mêmes fonctions.
Mais explication n’est pas raison, et l’ASSÉ ne sort pas grandie de ce congrès. En réglant ses comptes internes, elle est tombée dans un écueil que la gauche connaît bien et que la droite sait si soigneusement éviter : la division entre pairs. La force des convictions ne doit pas rendre imperméable à l’indulgence et aux compromis.
Admettons (même si cela mériterait discussion) que, dans le fonctionnement de l’ASSÉ, la lettre de l’ancien exécutif, qui se questionnait sur la poursuite de la grève, ait été une erreur, que cela aurait dû plutôt être amené au congrès en fin de semaine : y avait-il là pour autant matière à condamnation sans appel, à destitution à faire absolument pour le symbole ? Quelle brutalité pour des étudiants qui s’étaient jusque-là dévoués sans faillir pour une cause impopulaire et difficile à défendre. Leur fallait-il vraiment subir en plus un congrès « dur », comme l’a qualifié Mme Fazazi ?
Pire encore, l’ASSÉ a refusé de dénoncer les insultes et la violence exercées par des manifestants à l’encontre de membres de son ancien exécutif lors de la grande marche organisée jeudi dernier. Il n’en a même pas été question au congrès, au prétexte que « les gens qui sont dans la rue sont là en leur propre nom ». Pas fort : cette responsabilité individuelle est exactement celle dont se réclament les étudiants qui ne veulent pas respecter les mandats de grève pris collectivement !
Les compromis font pourtant partie de la lutte. En 2012, le Printemps érable avait été remarquable parce qu’il y avait eu front commun entre les trois grandes associations étudiantes, pourtant bien différentes, et parce que les tensions internes qui existaient n’avaient pas pris le dessus. L’idéal piétine si la tactique ne suit pas. Les préoccupations exprimées en 2015 sont légitimes, mais, pour qu’elles aboutissent à quelque chose, il faudrait multiplier les alliés plutôt que les ennemis ! Que les votes de grève soient reconduits ou pas, les événements de la fin de semaine laissent un goût amer. Le gouvernement sera le premier à s’en réjouir.
ASSÉ
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