LIBRE OPINION

Faut qu’on se parle… en français

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Ça s'appelle passer à côté de l'essentiel!






Le 28 septembre dernier, cinq illustres citoyens, dont Gabriel Nadeau-Dubois et Jean-Martin Aussant, lançaient en grande pompe à Montréal la campagne Faut qu’on se parle. Rapidement, plusieurs artistes et personnalités publiques ont joint leur voix, appuyant moralement et financièrement cette grande tournée de consultations et d’assemblées de cuisine.


 

Parmi ceux-là, on compte notamment le vénérable Yvon Deschamps, qui a profité de l’occasion pour réaffirmer à juste titre ses préoccupations concernant l’avenir de la langue française au Québec. Le plus important pour lui, a-t-il confié au Devoir, « c’est un Québec français. On a décidé qu’on veut vivre en français, mais le Canada refuse un Québec français. La Cour suprême a affaibli la loi 101 ».


 

Pourtant, ces sages paroles ne se trouvent guère reflétées par le mouvement qui vient d’obtenir son appui. Dans l’ordre du jour des discussions et sur le site Internet de Faut qu’on se parle, pas un mot sur la question linguistique ! Ayant omis d’emblée d’aborder les enjeux touchant la moitié de la population — les femmes —, voici donc qu’on fait totalement abstraction de l’aspect fondamental qui relie et distingue l’ensemble de cette population.


 

Il n’y a pas d’excuse. L’avenir du français, langue commune, constitue indubitablement l’une des plus grandes préoccupations des Québécoises et Québécois en 2016. Presque chaque jour, cet enjeu fait l’objet de lettres ouvertes, d’articles de presse ou de discussions dans les médias. Année après année, l’avancement du combat linguistique compte invariablement parmi les dix principales attentes des Québécois envers les élus. Selon un sondage Léger, les 18-24 ans sont même les plus prompts à prioriser un renforcement de la Charte de la langue française. Il y a tant à dire sur ce sujet qui concerne tous les aspects de notre vie collective, tant de problèmes à résoudre, tant de questions sans réponse qu’on ne saurait certes en faire l’économie. Il faut qu’on s’en parle. Et il faudra bien que « Faut qu’on se parle » en parle.


 

En santé


 

Pourquoi McGill forme-t-elle en anglais 25 % des médecins du Québec, dont la moitié part pour l’Ontario et les États-Unis dès leur première année de pratique ? Pourquoi la formation des médecins en Outaouais, qui sera désormais dispensée par McGill, ne l’est-elle pas 100 % en français, comme à Moncton au Nouveau-Brunswick ? Pourquoi la bilinguisation institutionnelle de tous les établissements de santé au Québec est-elle devenue la norme depuis que Patrimoine canadien y injecte chaque année plus de 9 millions de dollars ? Pourquoi les dossiers médicaux des patients ne sont-ils pas tous en français ?


 

En culture


 

Comment réagir à la migration de la demande de produits culturels de langue française vers les Netflix et Apple Music de ce monde ? Pourquoi la musique dans les commerces est-elle pratiquement toujours unilingue anglaise et américaine ? Pourquoi les chaînes de radio commerciales de langue française diffusent-elles leur contenu francophone obligatoire en dehors des heures de grande écoute ? Pourquoi misent-elles uniquement sur quelques gros succès, au lieu de diffuser la très grande variété de musique en français ?


 

En éducation


 

Pourquoi n’apprend-on pas à nos élèves que le français est la cinquième langue parmi les plus parlées au monde, la quatrième sur Internet et la troisième dans le monde des affaires, et qu’avec l’anglais, elle est la seule à être parlée sur les cinq continents ? Pourquoi autant d’heures de cours réservées à l’anglais et aucune à l’apprentissage ne serait-ce que d’une langue autochtone ? Pourquoi aucun recteur d’université de langue française ne dénonce-t-il le grand déséquilibre qui existe en matière de financement public des institutions postsecondaires, lequel désavantage systématiquement les universités de langue française ?


 

En matière d’immigration


 

Pourquoi ne pas exiger une francisation obligatoire des nouveaux arrivants en échange d’une allocation de 400 $ par semaine, jusqu’à l’atteinte d’un niveau suffisant de français, cela afin de leur permettre d’accéder plus facilement aux emplois exigeant une maîtrise du français écrit, soit tous les bons emplois dans le secteur public ? Pourquoi ne pas favoriser le jumelage avec des parlants français dans le cadre de cours de conversation, favorisant ainsi la mixité et le développement de réseaux d’immigrants ?


 

En matière commerciale


 

Pourquoi accepter, en tant que nation, qu’on soit passé de l’unilinguisme français à la nette prédominance dans l’affichage, à la présence suffisante, et bientôt au bilinguisme intégral voire à la présence symbolique ? Pourquoi est-on passé du « Bonjour » au « Bonjour-aïe » dans les services commerciaux, et dans bien des cas au simple « hi » ? Comment accepter qu’on ait supprimé des millions en matière de francisation des entreprises ainsi que dans le budget de l’Office québécois de la langue française ?


 

En matière gouvernementale


 

Pourquoi l’État investit-il afin de bilinguiser, à la manière du fédéral, tous ses services à la population, envoyant ainsi le message aux immigrants que there is no need to learn french ?


 

… Peut-être parce que tout cela appelle des réponses et commande forcément des actions que nous n’osons mettre en oeuvre, au-delà du parlottage ? Toujours est-il qu’entre-temps, nous demandons aux idéateurs de Faut qu’on s’en parle d’ajouter formellement à leur programme de tournée ainsi que sur leur site Internet la question de l’avenir de la langue française.







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