France Boucher blâmée par un de ses homologues

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France Boucher - un cas d'incompétence



Tommy Chouinard - Dans une sortie étonnante, le président du Conseil supérieur de la langue française (CSLF), Conrad Ouellon, met de côté sa retenue habituelle et blâme son homologue de l'Office, France Boucher, pour sa façon de gérer l'épineux dossier linguistique.

Il reproche à Mme Boucher de ne pas avoir qualifié l'état du français au Québec en déposant son rapport 2002-2007 sur l'évolution de la situation linguistique, mercredi. Selon lui, France Boucher a une interprétation restrictive de son mandat.
En vertu de la loi, la mission de l'Office est notamment de «surveiller la situation linguistique au Québec et d'en faire rapport tous les cinq ans au ministre».
«Son mandat ne l'empêchait pas d'avoir un avis (sur l'état du français). Quand la mission de l'Office est de faire un bilan, ça n'exclut pas le fait de donner une conclusion. Mais elle a pris une position, je dirais, très administrative», a affirmé M. Ouellon à La Presse, hier.
Selon plusieurs sources, les membres du conseil d'administration de l'Office québécois de la langue française (OQLF) avaient pourtant exigé que le bilan présente une conclusion générale sur la situation linguistique. Ils voulaient également que France Boucher en fasse état en conférence de presse.
À la toute dernière minute, des conclusions sommaires ont été ajoutées à chacun des chapitres du bilan. Mais France Boucher a rejeté la demande de son conseil d'administration visant à présenter une conclusion générale. En conférence de presse, elle a refusé de commenter ou d'interpréter les statistiques.
Par conséquent, les citoyens ont du mal à se faire une idée sur l'état du français au Québec, déplore M. Ouellon. Le linguiste critique aussi France Boucher pour la controverse au sujet de la publication du rapport quinquennal et le secret qui a entouré plusieurs études.
«Les choses auraient pu se faire dans un climat plus productif. Il aurait pu y avoir une meilleure coordination pour qu'il n'y ait pas tout ce battage autour de ça qui détourne l'attention des vraies choses, à savoir comment on peut améliorer la situation», a-t-il expliqué.
Conrad Ouellon condamne la décision de France Boucher de tenir dans le noir le Conseil supérieur de la langue française tout au long de la préparation du bilan quinquennal. Il a reçu le rapport une heure après les journalistes. «Je trouverais préférable que, quand deux organismes travaillent pour la même fin, les choses soient plus fluides comme échange d'informations», a-t-il affirmé.
Un bilan critiqué
M. Ouellon porte un regard critique sur le bilan, dont plusieurs constats reposent sur le recensement de 2001 et des données datant de plusieurs années. Bien des études «ne sont pas neuves», et le Conseil devra donc «actualiser» le bilan à la lumière du recensement de 2006, notamment. Des membres du conseil d'administration de l'OQLF croient que l'organisme aurait dû presser le pas et publier le bilan quinquennal l'automne dernier, comme prévu au départ.
Conrad Ouellon se demande même si le bilan comporte toutes les études pertinentes sur la langue. Selon le mathématicien Charles Castonguay, l'un des membres du comité d'experts évincé par France Boucher, le bilan est «incomplet» car il ne comprend pas de nombreuses recherches disponibles qu'il aurait été utile d'inclure.
M. Ouellon demande à France Boucher de lui remettre ces études si elles existent. «J'aimerais bien avoir l'information la plus complète parce que je sens qu'on va être obligés de se mouiller un petit peu. Et je ne suis pas fâché d'avoir à le faire», a-t-il affirmé.
Selon lui, France Boucher a voulu «laisser à d'autres» la tâche de tirer des conclusions sur ce dossier délicat. «Elle nous a poussé ça allègrement!»
Le Conseil supérieur de la langue française prendra position. Dès aujourd'hui, les membres de son conseil d'administration vont se réunir pour étudier le rapport de l'Office. Pour donner l'heure juste à la population, M. Ouellon envisage de diffuser une «réaction préliminaire» dès la semaine prochaine. Et d'ici l'été, le Conseil fera des recommandations au gouvernement Charest dans un avis écrit, comme le prévoit son mandat. La ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, et sa collègue de l'Immigration, Yolande James, entendent toutefois présenter des plans d'action sur le français bien avant l'été, d'ici la fin du mois.
«Nous ferons des recommandations dans notre rapport, notamment sur la façon de présenter un bilan, pour améliorer un prochain bilan. Il y a des façons de faire qui pourraient être améliorées pour que ça sorte dans un meilleur climat», a expliqué M. Ouellon. À la tête du CSLF depuis octobre 2005, ce linguiste qui a fait carrière à l'Université Laval se dit «très indépendant» du pouvoir politique.
Francisation des immigrants
Selon lui, l'État doit "mettre beaucoup plus de fric" dans l'intégration et la francisation des immigrants. Québec doit offrir des cours de français aux immigrants dans les milieux de travail. Il doit créer des "incitatifs fiscaux" afin de convaincre des entreprises de moins de 50 employés de participer à une démarche de francisation. Mais appliquer la loi 101 à l'ensemble de ces entreprises, comme le recommande le PQ, "je ne suis pas sûr que ce serait très rentable et valable".
Conrad Ouellon s'inquiète de la chute du poids démographique des francophones. "Ça m'agace comme Québécois", a-t-il lancé. Mais il n'est pas question pour lui de "bloquer l'immigration". Il faut plutôt "renforcer l'usage du français", en particulier au travail.
L'OQLF et le CSLF sont indépendants l'un de l'autre et relèvent tous deux de la ministre St-Pierre.
(Photo La Presse)


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