Frappes russes en Syrie et hystérie des donneurs de leçon

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Une nouvelle donne

Lorsque, il y a à peine quelques jours de là, la presse occidentale se démenait comme un beau diable en réclamant des preuves de la complicité USA/UE avec Daesh, il fallait y aller a contrario. Ce qui n’était pas une tâche facile. Aujourd’hui, peut-être bien pour la première fois depuis le début de la crise syrienne, cette même presse devra trouver la décence de se taire. Pour deux raisons.



  1. Premièrement, les frappes russes en Syrie, mandatées par le Conseil de sécurité des Nations Unies et explicitement demandées par le Président légitime du pays concerné, M. Bachar al-Assad, ont montré que l’EI n’était pas cette force quasi-invincible qu’une Coalition de 22 pays n’arrivait presque pas à atteindre. Les frappes ont démarré le 30 septembre. Au bout de deux jours, le bilan s’est élevé à 3000 djihadistes liquidés auxquels s’ajoutent, y compris en date du 2 octobre, la destruction du centre logistique de l’EI à Idleb et celle de ses centres de commandement à Hama et à Alep. C’est sans compter des frappes sur ses positions à Al-Latamna, à Rastane, à Telbis et à Homs. Je ne fais que dresser un bilan étalé sur trois jours. Qu’a donc fait la Coalition en un an d’existence? Dépitée, ses officines médiatiques nous montrent des photos de civils tués. A en croire le Bild, la même photo de soldat syrien portant dans ses bras un enfant blessé a été prise d’abord le 25 septembre puis le 30 septembre (début des frappes). Le Pentagone est pour sa part incapable de prouver les faits.

  2. Deuxièmement, sept pays s’évertuent maintenant à dénoncer les frappes russes en arguant des frappes non pas contre Daesh mais contre, de un, l’opposition modérée, – sans doute Jabhat al-Nosra ou Ahrar al-Sham – de deux, les populations civiles. Comme celles-ci sont masochistes par essence, on les voit applaudir l’ingérence russe et en redemander. Les sept pays en question, les voici: la France, l’Allemagne, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Turquie, la Grande-Bretagne et les USA. Précisons cependant que les faucons de Washington sont loin de s’entendre sachant qu’Obama exige l’arrêt des frappes tandis que Kerry les encourage. Selon ses propres dires, toutes les frappes russes sans exception ont été opérées en concertation avec la partie américaine.


Objectivement parlant, on pourrait comprendre les réticences d’Ankara, de Riyad et de Doha. Erdogan aspire à la résurrection du Califat, quant à ces deux monarchies absolues, elles restent ce qu’elles sont, des monarchies wahhabites régies par la charia, et n’ont qu’une crainte qui est de perdre leur statut au coeur du monde sunnite. Pour elles, l’EI n’est pas ennemi mais un rival. S’y superposent des intérêts gaziers dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans le contexte de l’ingérence illicite de la France dans les affaires souveraines de la Syrie et qui expliquent dans l’ensemble les motivations du bloc BAO. Le cynisme desdits motifs n’a d’égal que leur court-termisme niais le loup étant déjà dans la bergerie. Assad destitué, l’UE perdra définitivement le contrôle de la situation au Levant. N’oublions pas que ce terme ne sous-entend pas seulement la Syrie et le Liban mais aussi, entre autres, le sud de la Turquie, Israël et la Palestine. Que voilà de dégâts à gérer sachant en plus que je ne crois pas un seul instant à la fidélité inconditionnelle des States vis-à-vis de Tel-Aviv si le chaos venait à se propager! Mais les oligarchies au pouvoir vivent de l’instant présent. Le temps venu, elles trouveront un refuge digne de ce nom laissant périr les peuples qu’elles faisaient mine de représenter.


Non moins objectivement, on comprend fort bien les motivations de la Russie et de la Chine:



  • La Russie sait très bien ce que c’est que d’avoir à affronter des islamistes sur son propre territoire. Les deux campagnes tchétchènes lui ont amplement suffi. Moi qui habite Moscou depuis 2000, je me souviens encore de leurs retombées à Doubrovka et plus récemment les explosions dans le métro, à quelques kilomètres du Kremlin et à quelques mètres du FSB. Je n’oublierai jamais le 1 septembre sanglant de Beslan qui a suscité bien moins de compassion dans les journaux occidentaux que n’en a suscité Charlie dans les journaux russes. Il vaut mieux terrasser le mal à l’extérieur que de lui faire face chez soi. La distance comprise entre les villes situées le plus au sud de la Russie et la Syrie équivaut à la distance qui sépare Moscou de Saint-Pétersbourg. La frontière tadjiko-afghane est manacée par l’avancée des talibans et de l’EI. Qu’en sera-t-il si l’EI pousse son avancée jusqu’en Ouzbékistan ou, plus à l’est, vers le Kirghistan? Les flux migratoires qui frapperont alors la Russie et au passage le Kazakhstan seront tels qu’ils feront pâlir l’UE. N’oublions pas que le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Kirghistan sont membres de l’OTSC. Au-delà de ses propres intérêts et sur un plan juridique, la Russie se doit en plus d’honorer un accord militaire signé il y a de cela 40 ans avec Hafez al-Assad.

  • Pour ce qu’il en est de la Chine, l’envoi par Pékin de 1000 fusiliers ainsi que d’un porte-avion relève d’une logique similaire. 4000 islamistes ouïghours du Mouvement islamiste du Turkestan combattent aux côtés de Daesh. S’il gagne, ces gens-là regagneront le bercail. 4000 n’est qu’un chiffre officiel, il pourrait y en avoir plus. Qu’en sera-t-il de Xinjiang, région composée à 45% d’Ouïghours où les tendances séparatistes sont assez fortes?


La mosaïque obtenue explique non seulement la détermination russo-chinoise à agir mais aussi la réaction occidentale, étasunienne en premier lieu, qui vise à affaiblir l’Union eurasienne et la Chine. Nous l’avions déjà vu ou plutôt revu à travers l’intervention d’Obama à l’ONU: la stratégie du bloc BAO s’ancre dans le principe d’exclusion du rival. Tous les moyens sont bons pour y arriver du moment qu’ils soient revêtus de nobles intentions et que des foules de Charlie y croient dur comme fer. Ces deux dernières exigences semblent cette fois dépassées. L’intervention russe ayant surpris à bien des égards Washington et Bruxelles, les tireurs de ficelle n’ont pas eu le temps de préparer convenablement leur énième comédie. Ils n’ont fait que ressortir leur histoire de gentille opposition armée persécutée cette fois par de méchants SU-34 venus sauver Assad le Terrible. Le seul grand ennui, c’est qu’ils pourraient essayer de se rattraper dans le Donbass ce que l’échec des négociations qui viennent d’avoir lieu à Paris semble prouver. Attendons le 18 octobre et le 1 novembre, dates des élections prévues en RPD et en RPL. Le pronostic gagnera considérablement en précision.


Françoise Compoint



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