Frissons au pays du blanc de mémoire

«Mon ostie, je vais t'en calisser une dans le front!»? (Régis Lebeaume)

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009




Jean-Simon Gagné - (Québec) Soudain, le manifeste du Front de libération du Québec (FLQ) a recommencé à faire peur.
Pour tout dire, cela coïncide avec l'annonce de sa lecture au Moulin à paroles, cette fin de semaine, à Québec.
L'an passé, le texte a pourtant été lu au Centre national des arts, à deux pas du parlement, à Ottawa, sans provoquer de scandale. Ça se passait dans le cadre de Manifeste!, un événement conçu par le metteur en scène Wajdi Mouawad.
Où étaient donc les élus fédéraux qui déchirent leur chemise aujourd'hui? Surtout, où était Josée Verner, qui était alors la ministre du Patrimoine canadien, autrement dit la responsable de la culture?
De la même manière, en mars 2008, une version anglaise du manifeste se trouvait au coeur d'une installation présentée à la galerie L'oeil de Poisson, au centre-ville de Québec. Et deux ans auparavant, l'événement s'était déroulé à Montréal.
Personne n'y avait vu une incitation à la haine ou à la violence. Pas même Sam Hamad, notre ministre québécois du Travail, toujours prompt à voir surgir les cavaliers de l'apocalypse, avec plusieurs années de retard.
Docteur, est-ce grave? Avant, le Québec s'inquiétait pour l'avenir. Maintenant, il est terrorisé par son passé.
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Mais revenons au manifeste du FLQ.
En 1990, à l'occasion du 20e anniversaire de la crise d'octobre, La Presse avait publié le texte intégral sans se faire accuser de manquer de jugement ou de piétiner la mémoire de Pierre Laporte, le ministre assassiné par le FLQ.
Vous en voulez encore? En 1989, le guitariste René Lussier a remporté un prix international avec un montage musical intégrant le manifeste. La pièce avait d'abord été diffusée sur les ondes de Radio-Canada. Puis elle avait été jouée au Festival d'été de Québec.
En 1992, le texte du manifeste pouvait être entendu dans la pièce Cabaret neiges noires. En 1998, il a été repris par le groupe Guérilla, gagnant du prix Révélation MusiquePlus.
Bref, l'énumération de toutes les utilisations du manifeste, au fil des ans, occuperait des pages. À quoi bon? Parfois, on se demande si ceux qui vocifèrent le plus ont seulement pris la peine de le lire. Autrement, ils constateraient que le texte, sans doute très évocateur pour les gens de l'époque, est devenu en partie incompréhensible aujourd'hui. Faut dire que l'histoire n'est pas vraiment notre point fort, mais ça, comme on dit, c'est une autre histoire.
Vous croyez que j'exagère? Faites l'exercice autour de vous. Demandez qu'on vous explique «le show de la Brink's», le «bill 63», «les gars de Lapalme» ou les «faiseurs d'élections Simard-Cotroni», juste pour voir.
Du calme, les amis. Les temps ont changé. Quand il s'agit de la politique québécoise actuelle, vous avez beaucoup plus de chance de mourir d'ennui que de mort violente.
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Dans cette affaire de manifeste et de Moulin à paroles, il serait inconvenant de conclure sans saluer la franchise du maire de Québec, Régis Labeaume. En effet, ce dernier s'est retiré du Moulin à paroles parce qu'il trouvait l'orientation trop nationaliste, mais sans pour autant se servir de la lecture du manifeste comme prétexte.
Cette attitude l'honore, sauf que Monsieur le maire a tout gâché en ajoutant une autre phrase, pour dénoncer les gens qui tiennent parfois des propos incendiaires. Dans ce cas précis, il faut constater que M. Labeaume évolue lui-même sur une glace bien mince. En décembre, n'a-t-il pas apostrophé un adversaire en ces termes, en plein conseil municipal : «Mon ostie, je vais t'en calisser une dans le front!»?


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