Garantie constitutionnelle et démonstration publique de la force

Tribune libre 2008


La discussion sur le séparatisme des Anglo-Québécois et les fantasmes de partition oriente le débat national dans la bonne direction. Il soulève à mon avis le point très sensible de la pertinence, à l’heure de la « global cosmopolitain society », de la démonstration publique de la force – hors de laquelle les arguties légales des juristes et autres experts en paperassie constitutionnelle n’auraient pas de terme - et appelle l’exploration du dossier historique. On a une tout une côte à remonter avant d’aborder les choses de façon sereine. De Garneau à Groulx en passant par Filteau jusqu’à Fernand Dumont et Létourneau, la répugnance des intellectuels à prendre le taureau par les cornes illustre l’espèce d’angélisme de nos intellectuels sur la question, qu’ils portent des soutanes ou des vestes de tweed. Je tire de l’évocation du Pacte de 1291 (« Foedus aeternum fratum ») de Jean Starobinski mon axe argumentatif :
Voici ce que savaient les hommes de 1291 d’une connaissance immédiate dont ils ont eu le courage de tirer les conséquences : les hommes sont violents, et il faut dépasser cette violence. Ce n’est pas en ignorant la violence qu’on la surmontera, mais en prenant contre elle toutes les mesures appropriées. Pour repousser l’assaut dess violents contra impetus malignorum, il faut commencer par s’entraider dans la résistance. Mais la violence interne n’est pas moins à craindre que l’agression venue du dehors. Les contractants de 1291 prennent des mesures communes contre les meurtriers et les incendiaires. » (La lettre internationale, 32, Printemps 1992, 69).
En ce qui a trait à nos racines historiques - la guerre civile canadienne (1832-1849), la source même de nos institutions -, ce n’est qu’avec une extrême réticence que le grand Papineau envisagera le recours aux armes, tandis que l’oligarchie tory, forte de ses liens avec des bandes de casseurs urbains que le film Gangs of New York rappelle (Axe Handle Guards, British Rifle Corps, Doric Club, etc.) et l’état-major, y était résolue. Veut-on une illustration de ce pacifisme parlementaire ? Prenons le cas d’un des porte-parole du parti patriote, A.-N. Morin. Même s’il faut toujours faire la part de la rhétorique dans le discours, par son entremise, la plupart des supporteurs du parti de Papineau s’imaginaient encore naïvement, en août 1837, prendre appui « on the highest metropolitain authorities from who we looked for justice and protection » (Christie, 1866, IV, 383). Les fédéralistes ne pensent pas autrement aujourd’hui. Benjamin Constant, grand admirateur du Rule of Law ne dit pas lui aussi autre chose :
« Vainement compterait-on sur la force d’une majorité raisonnable, si cette majorité n’avait pas de garantie dans un pouvoir constitutionnel hors de l’assemblée. » (Écrits politiques, 1991, 341).
Dans l’optique de Constant, c’est la Chambre haute des Lords qui seule, incarnant les intérêts permanents du pays, doit endiguer l’élément passionnel instable et la turbulence propres aux Communes. Mais, à l’encontre de sa propre thèse sur l’équilibre tant vanté du constitutionnalisme anglais, Constant ajoute quelques lignes plus loin :
« Une minorité bien unie, qui a l’avantage de l’attaque, qui effraie ou séduit, argumente ou menace tour à tour, domine tôt ou tard la majorité » (ib., 343). Et Constant de conclure qu’en cas de paralysie entre les instances, « la force vient toujours à l’appui de la nécessité » (ib., 343).
Je pense que dans l’hypothèse d’un bras de fer entre Québec et Ottawa, les corps policiers déjà constitués (Fraternité des policiers notamment et la SQ) seraient parfaitement aptes à assurer la sécurité publique. Ce qui ne veut pas dire qu’un travail d’infiltration des agences fédérales au plus haut niveau ou la formation de milices volontaires soient à négliger. Au lieu d’alller se faire descendre en Afghanistan dans une guerre inutile, leur énergie serait beaucoup mieux canaliées ici.
Pour ce qui est de la communauté anglophone, les souverainistes ne devraient pas rechigner à y trouver des interlocuteurs disposés à discuter d’une meilleure représentation à l’intérieur de l’État québécois. Ce dossier est au cœur des motivations historiques qui les ont poussés dans les années 1830 soit à promouvoir l’Union législative, l’annexion pure et simple de Montréal à l’Ontario ou même la constitution d’une province séparée à Montréal sur le modèle de l’Île-du-Prince-Édouard.
François Deschamps


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