Denis L'Homme - L'approche intégrée à la planification des ressources et au choix des filières énergétiques, tel que le proposaient les auteurs du rapport sur le Débat public sur l'énergie, aurait évité l'improvisation actuelle dans le dossier des gaz de schiste et le cul-de-sac dans lequel il s'enfonce.
En effet, dès qu'il aurait saisi l'importance potentielle de cette filière énergétique, le gouvernement aurait annoncé et organisé une audience générique, conformément à l'approche intégrée, afin d'établir, en toute transparence, ce que cette filière peut apporter au Québec aux plans économique, social et énergétique, quels en sont les aspects négatifs (environnement, gaz à effet de serre, sécurité, utilisation et pollution de l'eau, etc.) et quel régime de propriété (privé, partenariat, nationalisation, etc.) était susceptible de produire les plus grandes retombées positives pour la population du Québec. Cette façon de procéder aurait fourni toute l'information d'une façon objective et transparente à la population.
Malheureusement, puisque c'est l'industrie gazière qui semble dicter l'ordre du jour du gouvernement dans ce dossier, celui-ci déclare «ex-cathedra», sans étude aucune, que cette filière sera mise en valeur. «Pour créer de la richesse», dixit le premier ministre. Mais de la richesse pour qui? Aussi bien dire, comme ce gouvernement l'a fait dans d'autres dossiers gaziers (Le Suroît, Rabaska), que son idée est faite et qu'il ne faut pas le déranger avec des études ou des opinions divergentes. «Je ne parle pas aux opposants» comme disait la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.
Le dossier des gaz de schiste a fait déborder la coupe.
Toutes les organisations environnementales, à peu près tous les éditorialistes et des pans importants de la population (il n'y a qu'à voir les réactions à St-Édouard, à Bécancour et à St-Hyacinthe), et maintenant la Fédération des municipalités du Québec, dénoncent la précipitation que le gouvernement encourage, lui qui a pris le parti de l'industrie du gaz au dépens des intérêts de la population et qui laisse à cette dernière le soin «d'informer» le bon peuple.
Un moratoire s'impose
Un moratoire s'impose, n'en déplaise aux barons de l'industrie qui piaffent d'impatience pour partir avec la caisse. Il s'impose d'autant plus qu'il ne faut pas craindre de devoir verser quelque compensation que ce soit aux détenteurs de permis comme le démontrait Me Michel Bélanger dans sa lettre ouverte au Devoir du 1er octobre. Il faut prendre le temps de faire toutes les études requises et donner le temps aux gens d'en digérer le contenu. Un BAPE de 4 mois, au mandat restreint, sans étude d'impact préalable est voué à l'échec et à un autre BAPE discrédité. La rencontre de St-Hyacinthe où André Caillé a dû s'éclipser est peut-être un avant-goût de ce qui attend les commisssaires du BAPE si on ne modifie pas le mandat que lui a donné le ministre de l'environnement et sa durée.
On ne peut pas bousculer les citoyens d'une manière aussi cavalière sans en subir le conséquences.
L'entêtement du gouvernement à refuser tout moratoire ne fait qu'ajouter à la suspicion, déjà bien ancrée, qu'il est de mèche avec l'industrie du gaz.
Reculer pour un gouvernement c'est admettre qu'il s'est trompé. Ce n'est jamais facile. Cependant, maintenir le cap comme il semble vouloir le faire est suicidaire. L'instinct de survie l'emportera-t-il?
Denis L'Homme, ex sous-ministre associé à l'Énergie
Lévis
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