Génération mûre ou génération-mur?

Tribune libre

Je n’ai jamais apprécié l’inutile dénigrement du Québec ou le fait que certains en beurrent épais pour décrire les problèmes auxquels il fait face. Cependant, en guise de réflexion estivale, je crois sincèrement que le Québec s’engage sur une longue route qui nous mènera vers un mur, vers un chemin sans issue.

Bien sûr, un mur, ça peut prendre différentes formes, différentes couleurs. Certains croient que le mur sera la décote du crédit du Québec ou le fameux « précipice budgétaire » alors que d’autres pensent que nous sommes condamnés à devenir des esclaves des banquiers et des multinationales. Moi, je pense que toutes ces craintes sont fondées, mais qu’elles sont secondaires. En fait, ce seraient les conséquences qui découleraient de la continuité de notre route vers le cul-de-sac, voire des effets secondaires.

Selon moi, l’impasse vers laquelle nous cheminons est la perte de contrôle de notre avenir collectif. Que l’on veuille faire un virage à gauche ou à droite pour dévier de notre trajectoire, nous sommes mal foutus si nous n’avons pas les deux mains sur le volant et s’il y a une pédale à freins au pied du siège passager sur laquelle Ottawa peut appuyer.

C’est vrai, nous pouvons quand même faire un bout de chemin arrangés de cette façon, mais bien sûr, en chantant « One step foward and two steps back ». C’est incroyable la quantité d’énergie que nous perdons à danser et à chanter là-dessus! Pourtant, cette énergie, elle est précieuse et nous pourrions l’investir ailleurs, comme pour façonner de meilleurs lendemains à ceux et celles qui vont nous suivre. Avons-nous encore les moyens de gaspiller? Poser la question c’est y répondre.

On aura beau passer la tronçonneuse dans l’État québécois comme on aura beau nationaliser tout ce qui se trouve sur le territoire, le Québec aura toujours un déficit structurel lié à l’immense bureaucratie fédérale qui fait aboutir une bonne partie de nos impôts en Ontario où se trouve la capitale et par le fait-même, le siège de cette bureaucratie, Ottawa, et aussi en raison des dédoublements administratifs aussi coûteux qu’inutiles.

Le Québec subira encore les politiques économiques décidées par le gouvernement fédéral qui sont souvent défavorables à ses propres intérêts et incompatibles avec ses réalités. Nous devrons encore faire la danse du bacon, déchirer nos chemise et nous époumoner pour avoir des ponts gérés conformément à nos besoins, des contrats ou pour éviter de la concurrence déloyale avec nos fleurons économiques. Ainsi, notre marge de manœuvre pour faire des choix demeurera considérablement réduite et le blocage sera toujours bien en selle.

Mais pour certains adeptes du court terme, il serait bien plus simple de tourner le dos à cette évidence et de nous concentrer, de toutes nos forces, à tourner le volant d’un bord ou de l’autre avec la seule main que nous avons dessus. À la fin de l’exercice, peut-être serons-nous plus musclés d’un bras et peut-être aurons-nous tourné de quelques degrés, mais pendant ce temps, nous aurons parcourus des kilomètres de plus vers le mur!

Le Québec, comme ses familles et sa classe moyenne, a besoin d’air. Nous avons besoin d’une marge de manœuvre, de la liberté nécessaire pour être en mesure de faire les choix qui s’imposent et qui s’imposeront à nous dans le futur en fonction de notre réalité bien à nous. Être en plein contrôle de nous-mêmes, c’est le seul moyen d’affronter l’avenir. Si cet avenir peut être incertain, source de stress et de peur, bien n’est-ce pas plus effrayant de s’y aventurer sans être en pleine possession de nos moyens?

Notre histoire est très riche. Nous avons passé par des périodes mouvementées qui ont fait progresser la société à travers les époques et qui ont façonné le Québec dans lequel nous vivons aujourd’hui. Nous avons également traversé des temps morts, figés dans la glace, à l’image de nos hivers. À mon époque, j’ai l’impression que c’est cela que nous vivons chez-nous : la glace et le statut quo.

Pourtant, on peut être plus ou moins optimiste quant à notre avenir, mais on s’entendra pour dire que si nous restons figés comme ça pendant encore des années, on s’en va, au mieux, nulle part, au pire, dans le mur. Nous étouffons et nous mourrons à petits feux. C’est bien malheureux, parce que pour ma part, je serais prêt à donner beaucoup pour que les enfants de demain, les prochaines générations, aient un meilleur héritage de moi.

Je rêve de leur léguer un coin du monde dans lequel ils pourront se dépasser, repousser leurs limites, vivre pleinement et déployer leur plein potentiel. J’aimerais pouvoir leur dire fièrement que nous leur laissons un pays dans lequel les rêves peuvent devenir réalité s’ils s’y mettent, un endroit où on peut relever des défis de toutes sortes, bref, une place où il est permis de rêver, parce que leur destin est entièrement entre leurs mains et c’est à eux de le forger à l’image de leurs aspirations, en toute liberté. C’est la liberté d’agir en étant soi-même. Je ne veux pas que des portes leur soient fermées par une société figée dans une impasse.

Alors pour sortir de l’impasse, je crois que nous, les Québécois, devons nous prendre en mains, individuellement, mais aussi collectivement. Prendre notre avenir en main, c’est de ça dont il s’agit. Il y a aussi un terme peut-être plus épeurant pour décrire cette action, l’indépendance, mais bon, vous comprendrez que ça revient au même alors n’ayons pas peur des mots!

Sans fausses prétentions, je crois c’est ma génération qui a l’avenir de notre société nationale entre ses mains. Les jeunes Québécois d’aujourd’hui auront, demain, une très grande responsabilité : décider du sort du Québec. C’est là que nous pourrons constater si je fais partie de la génération de Québécois et de Québécoises qui est mûre pour la liberté ou celle qui sera aux premières loges d’une franche collision contre un solide mur de béton…


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