Pourquoi je voterai Bloc en 2015

Tribune libre

Depuis l’élection de Mario Beaulieu comme chef du Bloc québécois, le parti a goûté aux déchirures et aux controverses. Dès le lendemain de son élection, nous avons assisté à des démissions en bloc dans des associations bloquistes, au départ de présidents d’instances, des jeunes tout comme des moins jeunes. J’en connais quelques-uns et je peux vous assurer qu’ils n’ont pas fait cela avec joie simplement pour attirer l’attention ou pour faire des coups d’éclat et encore moins pour nuire au projet d’indépendance du Québec.
Hier encore, ce sont trois ex-députés du Bloc québécois, Yvon Lévesque, Nicole Demers et Marc Lemay, qui ont quitté le navire en renonçant à se porter candidat à l’élection fédérale de 2015. (http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201407/20/01-4785360-election-de-mario-beaulieu-trois-autres-ex-deputes-jettent-leponge.php)
Bref, quelle que soit notre vision du Bloc québécois, personne ne peut nier en ce moment que nous assistons à une transformation du parti, à un changement de méthode qu’incarnait Mario Beaulieu. Ce changement peut plaire à certains, mais de toute évidence, il déplaît aussi à d’autres. Je comprends et je respecte entièrement la décision des personnes qui ont renoncé à s’impliquer et à s’investir comme militants, comme membres d’exécutifs ou comme futurs candidats au sein du Bloc québécois. Je leur lève mon chapeau pour avoir eu le courage d’agir en harmonie avec leurs convictions les plus profondes.
Pour s’investir en politique, pour mettre temps et énergies dans un parti politique, quel qu’il soit, il faut croire non seulement en le projet qu’il porte, mais aussi en la direction que prend ce parti. Ainsi, je ne remets aucunement en doute les convictions indépendantistes de personnes qui ont fait le choix de ne plus s’impliquer au Bloc. Il est tout à fait légitime de trouver que ce parti prend une mauvaise direction et de ne pas vouloir y aller.
Personnellement, je me questionne sur ce que devient le Bloc québécois. Bien que je sois de ceux qui veulent bien donner la chance au coureur, j’ai de sérieux doutes sur le fait que la « recette Mario Beaulieu » puisse réussir là où le Parti Québécois a échoué le 7 avril dernier : élargir le bassin d’indépendantistes et reconnecter notre grand projet sur les préoccupations quotidiennes de la population.
Mais bon, là n’est pas le but de ce texte. Chacun a son opinion; moi je me questionne. Il y a cependant une chose sur laquelle je ne me questionnerai pas plus longtemps : en 2015, je vais voter Bloc! Même si je me demande parfois avec inquiétude vers où s’en va le Bloc québécois, c’est certain que je serai incapable de voter pour des fédéralistes. On dit souvent que les Québécois portent mal leur devise, et bien moi, je me souviens. Quand je sais tout ce qu’ils ont fait, juste le fait de m’imaginer en train de faire un crochet à côté du nom d’un candidat fédéraliste, j’en ai presque la nausée.
Cela ne veut pas dire que je n’ai aucun respect pour les fédéralistes. Je suis quand même capable de reconnaître les bons coups des acteurs politiques qui croient en la place du Québec dans le Canada, mais de là à leur donner mon vote, ça me dépasse. Peu importe leurs programmes et leurs idéologies qui peuvent me rejoindre à différents niveaux, les partis fédéralistes ont tous quelque chose en commun : c’est l’intérêt de l’ensemble de la fédération canadienne avant l’intérêt particulier du Québec.
Parti libéral du Canada
Juste le nom de Trudeau devrait nous sonner quelques cloches. Le PLC, c’est le parti qui nous a donné une constitution dont nous n’avons jamais voulu, mais ça, ce n’était pas important pour eux. Les autres sont d’accord, le Québec ne l’est pas, mais ce n’est pas grave! Pourtant, nous en subissons encore les conséquences, même 32 ans plus tard. L’exemple le plus flagrant, c’est que le Québec ne peut pas modifier cette constitution qu’il n’a jamais signé sans suivre la procédure d’amendement qui y est incluse. Ironique, n’est-ce pas? Eh bien si nous sommes enfermés dans une constitution rigide et à toute fin pratique coulée dans le béton sans y avoir consenti, c’est grâce aux libéraux fédéraux et à un certain dénommé Trudeau!
Pour replonger dans notre mémoire plus à court terme, rappelons-nous de tout le débat qu’a suscité la charte des valeurs québécoises à l’hiver 2013-2014. On peut être pour ou contre, mais si l’Assemblée nationale du Québec l’avait finalement adoptée, quelle que soit sa forme, le chef libéral était clair : il était prêt à la contester devant les tribunaux, donc il était prêt à faire renverser une loi adoptée par les élus du Québec en s’appuyant sur des arguments tirés d’une constitution imposée au Québec par son père, un « grand » chef libéral. (http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2013/09/20130917-164205.html) Je suis pour la protection des droits et libertés, mais vous conviendrez certainement de l’absurdité et de toute l’injustice de cette situation, créée, rappelons-le, par le PLC.
Parti conservateur du Canada
De ce côté, ça se résume assez bien : les intérêts économiques du Rest of Canada contre les intérêts économiques du Québec.
Suite à la récession de 2008, qui est le gagnant? L’industrie automobile ontarienne, pour un total de 10 milliards de dollars. Qui est le perdant? Le Québec et son industrie forestière, avec un faible 300 millions d’aide du fédéral. Il en a découlé de nombreuses pertes d’emplois au Québec en lien avec cette industrie. (http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201301/04/01-4608402-ottawa-renouvelle-une-aide-de-250-millions-a-lindustrie-automobile.php)
En 2011, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a annoncé une aide pour le financement de la centrale hydroélectrique du Bas-Churchill dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador (qui concurrencera Hydro-Québec pour l’exportation d’hydroélectricité soit dit en passant), un total d’environ 6 milliards de dollars. (http://elections.radio-canada.ca/elections/federales2011/2011/03/31/004-bas-churchill-harper.shtml) Ce projet a été adopté par à la Chambre des Communes en 2013. À combien avait eu droit le Québec de la part du fédéral pour la création d’Hydro-Québec? Un grand total de zéro dollar.
Alors que parmi les bénéficiaires du régime fédéral d’assurance-emploi sont des Québécois à la hauteur de 40%, le gouvernement conservateur a adopté une réforme qui heurte de plein fouet les économies régionales qui comptent une grande quantité d’emplois saisonniers. Il y a une forte opposition à ce changement au Québec, notamment dans les régions de l’est, mais pas grave! Les conservateurs vont de l’avant quand même. 40% de Québécois qui bénéficient ce régime, ce n’est pas suffisant pour avoir du poids sur la décision… (http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/02/15/002-assurance-emploi-reforme.shtml)
Alors que le NPD rouvre le débat sur la Loi sur la clarté qui pose des balises contraignantes advenant une question référendaire et décidées unilatéralement par le Parlement fédéral, les conservateurs, par la bouche du ministre Christian Paradis, répondent : «On veut rien savoir de ça!» L’autodétermination du Québec pour les conservateurs, c’est secondaire, ce n’est clairement pas important pour eux. (http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2013/01/20130129-200804.html)
Nouveau Parti Démocratique
Puisque le NPD n’a pas encore eu la chance de gouverner le Canada, il n’a pas encore pu prendre des décisions qui ont vraiment eu un impact négatif sur le Québec, mais si on se fie à certaines positions qu’il a déjà prises, ce n’est pas exagéré de croire qu’il ne serait pas mieux que les libéraux ou que les conservateurs. Mentionnons que le NPD est pour une loi sur la clarté référendaire imposée par le fédéral, il ne n’est pas opposé à l’aide fédérale pour le projet hydroélectrique du Bas-Churchill alors qu’il comptait pourtant 57 députés québécois dans son caucus et le chef néodémocrate, Thomas Mulcair, était également en faveur d’une contestation judiciaire d’une éventuelle charte des valeurs québécoises. En effet, c’est lui qui en a parlé en premier. On constate donc tout son respect pour les institutions démocratiques québécoises…
Ce serait trop facile de tout mettre sur le dos des partis fédéralistes, car en fait, ils sont là pour une raison légitime : gouverner le Canada. Pour cela, ils doivent prendre des décisions et des positions qui sont dans l’intérêt de l’ensemble des Canadiens et après tout, ce n’est pas de leur faute si les Québécois ne forment qu’une minorité dans le Canada. Le système est ainsi fait. Cependant, il y a une raison pour laquelle nous pouvons en vouloir aux partis fédéralistes : ils veulent conserver ce système défavorable au Québec.
Ainsi, il est hors de question que je les encourage en leur donnant mon vote. C’est au-dessus de mes forces. Je dirais même plus : il est hors de question que je ne fasse même pas un petit geste pour leur barrer le chemin. Ce geste, ce sera de donner mon vote à des représentants du Québec qui sont là pour changer le système en faisant du Québec un pays. Ces représentants, on ne les retrouve pas ailleurs qu’au Bloc. Les évènements décrits précédemment montrent bien que les élus québécois des partis fédéralistes jouent le jeu des partis fédéralistes. Ils sont là pour ça. On les élit pour ça.
Alors moi, je ne veux pas élire des députés québécois pour jouer à ce jeu. Je veux de vrais députés qui sont, comme moi, québécois avant tout et qui travailleront pour les Québécois avant tout. Quoi que nous pensions du chemin sur lequel il s’engage, il n’en demeure pas moins qu’il est le seul parti capable d’envoyer des députés qui ont le cœur à se battre entièrement et seulement pour le Québec à la Chambre des Communes. Ça, le Bloc ne l’a pas perdu et ne semble pas près de le perdre : le sens du Québec d’abord et la conviction que le Québec ne sera jamais mieux servi que par lui-même, chez luis, dans son pays.
Ne nous leurrons pas : le jeu du fédéralisme n’a pas fini de faire des siennes. Qui sera là pour dénoncer, pour promouvoir une alternative, soit l’indépendance? Si ce ne sont pas des députés bloquistes, ce ne sera personne. Je préfère donc voter pour un Bloc qui prend un chemin incertain que de voter pour des fédéralistes, car c’est déjà une voie bien plus certaine pour que la voix du Québec soit portée et surtout, c’est la seule alternative au vote fédéraliste, la seule façon de ne pas donner plus de légitimité aux partis fédéralistes au Québec.
Bien sûr, j’ai hâte au jour où je n’aurai plus besoin de voter aux élections fédérales. Ce sera une libération. En tant qu’indépendantiste et nationaliste québécois, je suis un orphelin de la politique fédérale. Ça va de soi. C’est aussi ça le Bloc, un regroupement d’orphelins politiques québécois sur la scène fédérale dont ils voudraient bien se débarrasser. Je crois qu'il n'en faut pas plus pour pouvoir se joindre au Bloc le jour du scrutin.
Plus le Bloc est fort à Ottawa, moins notre orphelinat politique ne passe inaperçu et moins les fédéralistes ne peuvent nier cette situation. Mon vote ira au Bloc québécois et j’invite tous les indépendantistes québécois, et même plus, tous les Québécois qui sont, eux aussi, des orphelins politiques au fédéral et qui voudraient voir les intérêts du Québec mis soient mis de l’avant à accorder leur vote au Bloc québécois.
Après tout, il y a toute une marge entre cesser de militer pour un parti parce qu’on n’y croit plus suffisamment et voter pour ce même parti qui est l’unique véhicule politique entièrement dévoué à la cause souverainiste, mais aussi à la cause d’un Québec politiquement orphelin dans la fédération canadienne.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 août 2014

    « Depuis l’élection de Mario Beaulieu comme chef du Bloc québécois, le parti a goûté aux déchirures et aux controverses. Dès le lendemain de son élection, nous avons assisté à des démissions en bloc dans des associations bloquistes, au départ de présidents d’instances, des jeunes tout comme des moins jeunes.
    Hier encore, ce sont trois ex-députés du Bloc québécois, Yvon Lévesque, Nicole Demers et Marc Lemay, qui ont quitté le navire en renonçant à se porter candidat à l’élection fédérale de 2015. »
    AGL
    Depuis la défaite de Gilles Duceppe et 45 députés du Bloc, est-ce dire que les associations bloquistes, les présidents d'instance, des jeunes comme moins jeunes, n'ont jamais compris pourquoi ils ont perdu 488,566 votes et l'élection ?...
    N'est-ce pas de leur faute, si les électeurs ont abandonné le Bloc et ses candidats ?...
    Gilles Duceppe et son équipe ont proposés pendant vingt ans l'indépendance du Québec, au sein de l'unité anglo canadienne.
    Ils ont admirablement contribués à la prospérité et aux succès de l'union canadienne, par la soumission aux lois et règlements du parlement d'Ottawa et sa Cour suprême anglaise. Soit disant pour défendre les intérêts des Québécois et du Québec.
    Mario Beaulieu propose l'indépendance du Québec, en fondant un pays souverain. Une indépendance qui ne sera pas soumise aux lois et règlements du parlement d'Ottawa et sa Cour suprême anglaise.
    N'est-ce pas cette vision de l'indépendance, de servir les intérêts du Québec hors de l'union canadienne, son parlement et sa cour suprême, qui fait peur et qui incite les bloquistes de l'équipe Gilles Duceppe, comme JF Fortin, à quitter le parti, le Bloc Québécois.
    Gilles Duceppe a présidé l'effondrement du Bloc, à l'élection de 2011. Avec un parti en lambeau et moribond, Mario Beaulieu peut il faire pire ?...
    SP

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juillet 2014

    L'article dit: "j’ai de sérieux doutes sur le fait que la "recette Mario Beaulieu" puisse réussir là où le Parti Québécois a échoué le 7 avril dernier : élargir le bassin d’indépendantistes et reconnecter notre grand projet sur les préoccupations quotidiennes de la population." Le PQ a échoué parce qu'il a glissé l'indépendance sous le tapis, il a refusé d'en parler, de la promouvoir. La "recette de Mario Beaulieu" est justement à l'opposé de la recette perdante qu'a adoptée le PQ depuis 1995.

  • François A. Lachapelle Répondre

    23 juillet 2014

    Je partage fortement vos arguments à savoir que les Québécois sont des orphelins politiques à la Chambre des communes alors qu'ils continuent de payer taxes et impôts encaissés par le pouvoir central d'Ottawa. Cette soumission civique envers des lois qui nous briment fait appel à notre loyauté envers l'autorité civile du pays.
    Cette loyauté s'inscrit aussi dans un registre de souffrances politiques qui résultent par exemple de l'imposition par Trudeau en 1982 d'une loi constitutionnelle rapatriée sans la signature du Québec. Vous décrivez très bien ce coup de force politique.
    Je partage votre analyse des partis fédéralistes actifs au Québec comme le PLC, le PC et le NPD qui ne peuvent compter sur mon vote en 2015. Ma liberté politique est celle de l'indépendance du Québec qui est incompatible avec les lois du Canada.
    J'aimerais apporter un bémol à votre analyse de la garantie de financement que le Canada offre à la province de Terre-Neuve pour la réalisation du projet de construction de 2 centrales hydroélectriques composant le projet du Bas-Churchill: celle de Muskrat Falls construite en premier, suivi on ne sait en quelle année par la construction de la centrale de Gull Islands.
    La probabilité que l'électricité du Bas-Churchill entre en concurrence avec les exportations d'électricité d'Hydro-Québec vers les États-Unis est très, très faible.
    Il y a 3 raisons pour appuyer cette affirmation.
    1. À une date future inconnue, à l'ultime de la production des 2 centrales mentionnées ci-haut, 17 TWh (térawattheures) seront produites. Actuellement, les 4 provinces maritimes consomment environ 34 TWh par année et plus de 50% de cette électricité est d'origine fossile. À cause de contraintes environnementales (SO2, CO2 et NO2), les compagnies d'électricité des Provinces maritimes devront fermer leurs centrales polluantes et remplaceront cette électricité par l'hydroélectricité du Bas-Churchill. Ils auront besoin de 100% de l'hydroélectricité du Bas-Churchill pour eux seuls.
    2. Pour concurrencer un autre producteur, il faut que le prix du kWh soit aussi concurrentiel. Cela n'est pas évident avec les 2 traversées sous-marines dans le cas de l'hydroélectricité du Bas-Churchill avant d'amener un kWh à la frontière du Maine.
    3. Actuellement, le prix de l'électricité aux États-Unis est à un niveau très bas à cause du faible prix du gaz de schiste. Dans 20 ans, quel sera ou quelles seront les découvertes en énergie qui feront que les prix de l'énergie seront à des prix raisonnables ?
    Mon commentaire final: les Québécois doivent être fiers d'avoir construit Hydro-Québec par leurs propres moyens financiers sans l'aide du reste du Canada. Le déséquilibre de financement que vous soulevez avec l'aide d'Ottawa pour le Bas-Churchill existe dans plusieurs dossiers litigieux entre Québec et Ottawa. Il s'agit de faire un petit calcul pour réclamer notre part dans les budgets du fédéral, soit 20-22% de toutes les subventions que verse Ottawa chaque année.