Affaire Duffy

Harper aurait été tenu dans le noir pendant 24 heures

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Le Watergate des Conservateurs

Ottawa — Le premier ministre Stephen Harper soutient que son entourage a attendu 24 heures avant de l’informer que son chef de cabinet, Nigel Wright, avait donné 90 000 $ au sénateur Mike Duffy pour rembourser ses allocations de dépenses illégitimes. Il n’aurait appris la chose que le 15 mai, un jour après que le journaliste de CTV eut contacté son bureau pour obtenir des explications en vue de diffuser son reportage fracassant.
La période de questions de mardi avait une atmosphère tout à fait différente alors que Stephen Harper y participait pour la première fois depuis que le réseau CTV a révélé l’existence du chèque de 90 000 $. Le chef de l’opposition officielle, Thomas Mulcair, a endossé l’habit du plaideur et multiplié les questions concises et chirurgicales afin d’obtenir du premier ministre le maximum de détails sur cette affaire.
« Quel jour et à quelle heure le premier ministre a-t-il été informé du paiement de Nigel Wright au sénateur conservateur Mike Duffy », a-t-il demandé en guise d’ouverture. « Cette question a été portée à mon attention il y a deux semaines, après que des spéculations aient été faites dans les médias. Le mercredi 15 mai, j’en ai été informé », a répondu M. Harper.
« Quand le premier ministre a-t-il parlé pour la première fois avec Nigel Wright des dépenses de Mike Duffy ? » Réponse : « J’ai été mis au courant pour la première fois à la date et l’heure indiquées », a répété M. Harper. M. Mulcair est alors revenu à la charge, estimant que le premier ministre avait éludé sa question. Irrité, M. Harper a lancé : « Si le chef du NPD suggère que j’ai eu de quelconques informations contraires de la part de M. Wright avant, c’est complètement faux. J’ai été mis au courant de ceci le 15 mai. »
Pour plus de précision, M. Mulcair a alors demandé : « Quelles directives le premier ministre a-t-il données à Nigel Wright ou à d’autres membres de son cabinet pour régler les problèmes de dépenses du sénateur ? » C’était sa façon de savoir si le premier ministre, sans vouloir connaître les détails, avait demandé à ce que la controverse entourant les dépenses de son sénateur cesse. Sans détour, M. Harper a répondu : « Je n’ai pas donné de telles directives. »
Le réseau CTV a diffusé le 14 mai en soirée le premier reportage faisant état du chèque de 90 000 $ et d’une « entente » par laquelle, en échange de ce remboursement, le Sénat rédigerait un rapport moins sévère envers M. Duffy. Dans le courant de la journée du 14 mai, le journaliste de CTV a contacté le porte-parole de M. Harper pour obtenir des commentaires. Celui-ci a répondu que l’argent des contribuables n’avait pas été impliqué.
Le chef libéral, Justin Trudeau, a quant à lui demandé au premier ministre s’il s’engageait à rendre publics tous les documents relatifs à cette transaction, incluant une copie du chèque. M. Harper a répondu que puisqu’il s’agissait d’une transaction entre deux individus, il revenait aux commissaires à l’éthique des deux Chambres d’élucider cette question. « Si nous étions invités à fournir quelque information que ce soit, nous le ferions volontiers », s’est quand même engagé le premier ministre.

Duffy se fait attendre
Quant au sénateur Mike Duffy, il a posé un lapin à ses collègues. Lui qui avait demandé que le Sénat tienne des audiences publiques pour qu’il puisse livrer sa version des faits a finalement boudé la tribune qui lui a été offerte. En effet, le comité du Bureau de régie interne du Sénat mandaté de revoir le rapport sur les dépenses de M. Duffy a accepté de tenir sa séance de mardi soir en public. Le sénateur y a été invité, mais ne s’est pas présenté.
« C’est le sénateur Duffy qui a demandé un forum public et nous le lui offrons aujourd’hui s’il le veut », a lancé le sénateur conservateur et président du comité, David Tkachuk, en début de rencontre. Il a été convenu qu’il ne serait pas invité de nouveau. « Il a eu l’occasion d’être ici. S’il n’y est pas, c’est qu’il ne le voulait pas. Il aura donc l’occasion de répondre en Chambre », a tranché le libéral George Furey.
Le comité a rapidement convenu de transmettre le dossier à la Gendarmerie royale canadienne, qui a déjà contacté le Sénat sur cette affaire sans confirmer pour autant qu’une enquête était ouverte. La majorité conservatrice a aussi accepté à la demande des libéraux de préciser que cette enquête inclura le remboursement du sénateur Duffy d’une somme de 90 000 $, et donc son entente avec Nigel Wright. Il est allégué que le rapport initial du Bureau de régie interne visant M. Duffy était moins sévère que ceux dont faisaient l’objet les sénateurs Patrick Brazeau (indépendant) et Mac Harb (libéral). Le président David Tkachuk a reconnu qu’il avait parlé de ce dossier avec M. Wright bien qu’il rejette les accusations de « camouflage ». Le comité a accepté mardi en soirée de remettre dans le rapport sur M. Duffy les deux phrases cinglantes qui en avaient été retranchées.
Notons par ailleurs que les sénateurs se sont fait expliquer par les gestionnaires du Sénat que M. Duffy avait l’habitude de réclamer des indemnités qui lui étaient par la suite refusées. Le cas où il a réclamé des per diem alors qu’il se trouvait en Floride « n’est pas un incident isolé, mais représente un schéma qui soulève des questions ».


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