Harper mise sur un nouveau départ

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Du neuf avec du vieux ?

Mis sur la défensive depuis des mois par le scandale des dépenses au Sénat, Stephen Harper a annoncé hier qu’il mettait le cadenas sur les portes du Parlement… jusqu’au mois d’octobre. Le premier ministre a confirmé qu’il allait proroger la session parlementaire, pour revenir cet automne avec un discours du Trône visant à donner un second souffle à son gouvernement, qui en est à mi-mandat.
Et le sort des sénateurs a beau continuer de le hanter, M. Harper compte par ailleurs rester en selle à la tête du Parti conservateur et mener ses troupes lors des prochaines élections en 2015.

La rumeur circulait depuis quelques semaines, à Ottawa, mais voilà que M. Harper l’a corroborée lundi, de passage à Whitehorse au Yukon. « Il y aura un discours du Trône cet automne. Évidemment, la Chambre sera prorogée en prévision de cela », a-t-il fait savoir.

Le Parlement devait reprendre ses travaux à la mi-septembre. Or, députés et sénateurs seront en vacances un mois de plus que prévu, alors que le premier ministre s’adressera d’ici un mois au gouverneur général, David Johnston, pour lui demander de suspendre la session jusqu’à son allocution au Parlement.

Invité à préciser hier quelles seraient ses priorités politiques pour les deux prochaines années, M. Harper s’est contenté de répondre que le discours du Trône ferait état de « certains engagements qui n’ont pas encore été concrétisés ». « La priorité de ce gouvernement, je n’ai pas besoin de vous le dire, continuera d’être les emplois et l’économie. Quoique nous soyons dans l’ensemble satisfaits des progrès de l’économie canadienne depuis la récession, nous demeurons dans un marché mondial difficile, fragile et compétitif », a martelé le premier ministre, en reprenant son discours des dernières années. Pour le reste, il faudra attendre octobre.

C’est la quatrième fois que Stephen Harper suspendra les travaux parlementaires. Il avait notamment prorogé la session parlementaire à l’hiver 2008 craignant d’être renversé par une coalition des partis de l’opposition.

Cette fois-ci, la pause imposée par M. Harper survient après qu’il eut été sommé sans relâche, au printemps dernier en Chambre, de répondre au scandale des dépenses injustifiées de sénateurs. Et c’est ce scandale qui explique sa décision, selon l’opposition.

«Les gens ne sont pas dupes. Ils savent très bien ce qui se cache derrière cette manoeuvre :une décision désespérée d’un gouvernement usé à la corde et pris dans les scandales. Stephen Harper refuse de répondre aux questions légitimes de la population», a accusé le chef néodémocrate, Thomas Mulcair, par voie de communiqué.

Le recours à une prorogation n’est pas inusité pour un gouvernement à mi-mandat - Jean Chrétien et Brian Mulroney ont aussi fait table rase pendant leurs règnes. Mais M. Harper aurait pu ne fermer le Parlement que le temps d’une journée, ou d’une semaine, or il a plutôt choisi de proroger la session d’un mois, a souligné le libéral Ralph Goodale. « C’était attendu [cette prorogation]. Mais ce qu’ils proposent finalement, c’est d’éviter un mois, un mois et demi, de reddition de comptes. »

Encore des questions sur le Sénat

Les dépenses de quatre sénateurs font les manchettes depuis l’hiver, les vérifications comptables de Deloitte et Touche sur leurs dossiers étant rendues publiques tour à tour. La semaine dernière, c’était les conclusions sur les remboursements réclamés par Pamela Wallin.

Lorsque le scandale a éclaté, M. Harper avait défendu Mike Duffy et Mme Wallin. Ce qu’ont rappelé hier au premier ministre les journalistes qui voyagent avec lui cette semaine dans le Grand Nord canadien. « J’ai indiqué à l’époque que toutes les dépenses individuelles des sénateurs feraient l’objet d’un examen minutieux avec une vérification comptable, s’est-il défendu. Ce qui a été fait, évidemment, et qui a mis au jour des problèmes importants […] Je m’attends à ce que des sanctions soient prises [contre les personnes] ayant enfreint les règles. »

En plus des déboires des quatre sénateurs - Mme Wallin, M. Duffy, Mac Harb et Patrick Brazeau -, M. Harper voyait sa popularité baisser dans les sondages depuis quelques mois. Notamment au profit du nouveau chef libéral, Justin Trudeau. Certains observateurs suggéraient ainsi qu’il pourrait se retirer en vue des prochaines élections, s’il sentait qu’il ne parviendrait pas à battre le jeune Trudeau, ou à conserver sa majorité face à la fatigue de son électorat après près d’une décennie à la tête du pays lorsque les élections seront déclenchées.

Une hypothèse qu’a catégoriquement rejetée Stephen Harper, lorsqu’on lui a demandé s’il serait toujours chef en 2015. « La réponse est bien sûr « oui ». Je suis en fait déçu que vous sentiez le besoin de poser la question », a-t-il répondu, tout sourire.

Des projets de loi en suspens

Une quinzaine de projets de loi, qui sont toujours à l’étude au Parlement, pourraient mourir au feuilleton en raison de la prorogation. Pour les ramener à l’étape de l’étude à laquelle ils se trouvaient avant la prorogation, il faudra un consentement unanime aux Communes. Dans le lot des propositions législatives au sort incertain, celle visant à serrer la vis aux délinquants déclarés non criminellement responsables, ou celles sur la réforme du Sénat, les prêts politiques, le nouveau nom du Musée canadien des civilisations (qui deviendrait le Musée canadien de l’histoire) ou encore le C-30 permettant aux policiers d’obtenir certaines informations sur les internautes sans mandat judiciaire. Du côté des projets de loi du Sénat, il n’y a pas de procédure officielle.

Les projets de loi d’initiative parlementaire sont quant à eux tous rétablis au dernier stade de l’étude aux Communes, ce qui veut dire que le C-377, qui obligerait les syndicats à dévoiler leurs données financières, aura perdu tous les amendements adoptés au Sénat au printemps, lorsque l’étude des projets de loi reprendra.

Les comités parlementaires ne siégeront plus non plus. Celui des Transports ne se penchera donc pas sur les conclusions du Bureau de la sécurité des transports sur la tragédie de Lac-Mégantic si celles-ci sont déposées avant octobre, comme le réclamait le NPD.


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