Henri-Paul Rousseau sur la sellette

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau

Au cours de son témoignage en commission parlementaire, Henri-Paul Rousseau a longuement défendu sa gestion à la tête du «bas de laine» des Québécois de 2002 à 2008. Photo: Reuters

Denis Lessard - (Québec) Patron de la Caisse de dépôt lors de la catastrophe des papiers commerciaux, Henri Paul Rousseau s'est retrouvé sur la sellette mardi en commission parlementaire et a dû se défendre d'avoir quitté le navire, en mai 2008, à quelques mois de la «tempête parfaite» qui allait frapper les marchés boursiers à l'automne.
«Les papiers commerciaux c'est une erreur. Comme si vous allez à bicyclette, ne regardez pas en avant et rentrez dans le mur... c'est une erreur», a soutenu M. Rousseau, un peu excédé devant les journalistes après trois heures de témoignage devant les députés.
En fin de séance, le ton avait monté quand le seul député de Québec Solidaire, Amir Khadir l'avait accusé de «lâcheté» pour avoir opté pour le secteur privé, à quelques semaines de la crise boursière. Pour M. Khadir seule la «cupidité» peux (sic) expliquer les salaires énormes qui se sont versés dans les milieux financiers en dépit des contre-performances réalisées. «Vous êtes de ces nouveaux monarques qui se croient tout permis» a lancé le député de Mercier. Même le député libéral de Montmorency, Raymond Bernier avait lancé le débat en demandant d'entrée de jeu à M. Rousseau, «pourquoi avoir ainsi quitté le navire».
Piqué, M. Rousseau a répliqué qu'il ne pouvait accepter qu'on dénigre ainsi son travail et la contribution des employés de la caisse, qui acceptent des sacrifices monétaires pour le bien de l'ensemble des déposants québécois.
Pour le député péquiste de Rousseau, François Legault, l'ancien président de la Caisse n'a pas pu expliquer pourquoi, dans la plupart des portefeuilles, sur les cinq dernières années, la Caisse a fait moins bien que les indices. Même pour l'année 2008, pendant laquelle M. Rousseau a quitté, les orientations de placement n'ont pas varié après le départ du président. Aussi, le portefeuille des placement privés, où la Caisse a réalisé 10%, tandis que l'indice reculait de 3 %, a été dopé par une sous évaluation du placement dans Quebecor Media, ramené à 436 millions de dollars en 2002 -une radiation de 1,5 milliards (sic). L'évaluation du placement l'a ramené à 2 milliards cinq ans plus tard, ce qui a gonflé artificiellement le rendement de ce portefeuille, estime M. Legault.
Pour M. Rousseau, la caisse aurait fait davantage de profits si elle avait placé plutôt dans le marché boursier, avec l'indice comme cible.
Sur le niveau de risque encouru M. Rousseau a expliqué que le niveau d'emprunt -l'effet de levier- était remonté rapidement à 58 % en 2008, simplement parce que la valeur des actifs avait diminué. Il y a deux semaines Michael Sabia avait soutenu que le risque de l'effet de levier était trop élevé -que la Caisse empruntait trop pour investir plus qu'elle n'avait d'actifs- or pour 2006 et 2007, la Caisse avait réduit considérablement le poids relatif de ces emprunts.
Tout au long de son témoignage l'ancien président de la Caisse s'est voulu rassurant. D'abord sur les 40 milliards $ de pertes de 2008, 22 milliards sont plus précisément des «provisions» pour pertes -il a fallu évaluer bien des actifs dans un marché dévalué, au 31 décembre 2008. Surtout insiste-t-il les rentrées, les revenus courants de la caisse sont restés élevés, à 5.8 milliards en 2008, contre 6,2 % l'année précédente. «Ce qui est important pour payer les chèques de pension, c'est l'argent qui rentre dans le cochon», les recettes restent au rendez-vous en dépit d'un recul sur la valeur des actifs, relève-t-il.
Sans «l'erreur» des papiers commerciaux, le rendement sur cinq ans, de 2004 à 2008 aurait été près du premier quartile- le peloton de tête des fonds comparable au Canada, «même en pleine tempête la Caisse demeure solide» de soutenir l'ancien patron.
Il s'est défendu d'avoir quitté la barre au moment où la tempête financière se pointait. En mai 2008, tous les indicateurs économiques étaient favorables, a-t-il insisté. De plus dès sa nomination en 2002, il avait prévenu qu'il ne ferait qu'un mandat -dans des entrevues accordées à l'époque il avait promis qu'il serait ailleurs à la soixantaine, a-t-il rappelé.
Papiers toxiques
Sur les papiers commerciaux, assermenté, M. Rousseau a affirmé qu'il avait arrêté toute transactions dès qu'il avait été mis au courant des problèmes de liquidité, le 9 août 2007. La caisse s'est retrouvée avec 13 milliards $ de ces papiers toxiques alors (sic), la semaine dernière devant la commission parlementaire Richard Guay, ancien patron de la CDP avait reconnu qu'il s'en était acheté encore entre le 24 juillet et le 13 août avant que l'alarme ne soit sonnée.
Pour M. Rousseau, «il y avait beaucoup de confusion sur le marché» au sujet de ces produits, mais personne ne pouvait conclure que (sic) l'il y aurait une interruption des échanges. «Comme quand vous avez la grippe, vous avez d'abord mal à la tête, vous ne vous sentez pas bien, mais ce n'est que plus tard que vous pouvez conclure...» d'illustrer l'ancien patron de la CDP. Fin juillet, les signaux contradictoires étaient nombreux. Certaines banques avaient levé un drapeau rouge, mais la Banque du Canada avait émis un communiqué pour dire que toutes ces créances allaient être couvertes. Elles l'ont été dans les faits, mais uniquement pour les titres émis par les institutions bancaires. La caisse s'est retrouvée avec 13 milliards de papiers «émis par des tiers», sans couverture par les institutions internationales, et s'est entendue avec d'autres institutions pour étaler sur plusieurs années ces placements. Pour M. Rousseau, avant que la crise n'éclate, rien ne distinguait les papiers commerciaux «bancaires» des «non bancaires». Le texte de protection sur les liquidités est identique, a-t-il relevé.
Comme l'avaient fait les dirigeants de la Caisse sur la même tribune, la semaine dernière, M. Rousseau a expliqué que la faille dans la gestion de la Caisse avait été de ne pas tenir compte de l'ampleur de ces placements, qui servaient de liquidité. Chaque émission était évaluée en détail, mais on avait pas (sic) tenu compte de l'importance des sommes engagées dans cet unique produit.
Le député adéquiste François Bonnardel, a soulevé des questions éthiques ; pourquoi avec les plus mauvais résultats de la Caisse, le président sortant a-t-il pu bénéficier d'une prime de départ d'un an de salaire de base 400 000 $ par année (avec ses bonis M. Rousseau atteignait (sic) 2 millions $ par année). Pour M. Rousseau, cette prime même pour un départ volontaire avait été accordée par Québec en 2002, quand le gouvernement l'avait sollicité pour l'emploi. En outre, elle avait été rendue publique dès son départ en mai 2008 et personne n'avait jugé bon de soulever de la remettre en question alors.
Pour Henri-Paul Rousseau, son premier défi durant ses cinq ans à la barre de la Caisse a été de trouver et de conserver des spécialistes en placement, souvent attirés par de meilleurs salaires dans le privé. C'est particulièrement vrai pour les portefeuilles d'actions américaines, ce qui a poussé à (sic) caisse à laisser tomber ses placement (sic) «actifs» dans ce secteur, pour se contenter des indices. Pour sa (sic) à la barre de l'organisme, 2003 à 2007, la Caisse s'est hissée pour la première fois dans le premier quartile des déposants, elle avait toujours été, en bas de la moyenne, au troisième ou au quatrième quartile, depuis la fin des années 1980.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé