Don Quichotte de la Caisse Dégarnie

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau


Henri-Paul Rousseau est un cas de figure remarquable du légendaire Don Quichotte de la Manche. La fiction rejoint la réalité. La comparution de l’ex-président directeur général de la Caisse de dépôt et de placement devant la Commission parlementaire en a donné une preuve irréfutable. Les suites perdurent, il ne faut pas l’oublier, car des centaines sinon des milliers d’investisseurs honnêtes en subissent encore les conséquences.
On connaîtrait davantage les dessous de cette catastrophe de 40 milliards, aux frais des déposants, en particulier les caisses de retraite, si le livre de Mario Pelletier La Caisse dans tous ses états n’avait pas été victime d’un bâillon, d’une SLAPP, d’une censure ou d’une mise en demeure, au choix. Par qui ? Par la caisse elle-même. On est alors réduit à faire nos propres recherches et à tenter de débusquer quelques lièvres bien cachés. Mais, on n’a pas la compétence de Mario Pelletier.
Henri-Paul Rousseau professait sous serment qu’il ne cachait rien, sauf qu’il occultait sciemment son incompétence. Mario Dumont savait, depuis le mois de novembre 1977, près d’un an avant la tempête parfaite, que la Caisse perdait près de 4 milliards dans “les papiers commerciaux” (La presse canadienne, 21 novembre 2007). Le premier ministre s’est contenté de le ridiculiser. M. Rousseau savait lui-même, au demeurant, que la fiducie Coventree inc, vendait des PCAA synthétiques à la Caisse, (c’est-à-dire des PCAA dérivés de crédit non garanti), puisque la Caisse dont il était le président, y était actionnaire. “La CDPQ (Caisse de dépôt et de placement du Québec) a joué des 2 côtés de la clôture dans ce dossier, écrit Pierre Cloutier : en participant au financement d’un des prometteurs du PCAA (Coventree Capital inc de Toronto) et de sa partenaire au Québec (Alter Moneta), donc en étant "vendeur" du produit toxique, tout en étant "acheteur" pour 13.2 milliards$, soit 86% du PCAA au Québec et 60% au Canada” (Vigile, 21 février 2009). Henri-Paul Rousseau peut-il dire sous serment qu’il n’en savait rien ? Ou il ment ou il se désintéresse totalement des investissements de la Caisse. Dans ce cas, il est vraiment incompétent. Ce grossier conflit d’intérêt ne fut jamais évoqué devant la Commission. Comme Mulroney, sans doute, il ne répondait qu’aux seules questions posées.
Dans cette étrange société québécoise, dont nous ne sommes, dirait Pierre Vallière, que des “nègres blancs”, nous sommes réduits à payer des impôts comme de vulgaires colonisés pour que monsieur Rousseau touche un salaire de deux millions, obtienne des primes de rendement de sept millions et une gratification de séparation, pour son départ volontaire.
Les interventions remarquables de François Legault, nombreuses, étayées, soutenues, à titre de représentant de l’opposition officielle, a déstabilisé M, Rousseau, sans lui enlever sa superbe et sa morgue. Une petite place a été laissée à Amir Kadir, par bonheur, pour qu’il situe le problème dans une contexte économique et politique plus large. Il a ainsi apporté un éclairage pertinent sur l’environnement idéologique de la Caisse de dépôt et de placement. Malheureusement, son parti d’opposition ne comptait pas suffisamment de députés pour disposer du temps nécessaire pour exposer toute sa pensée. Il n’eut droit qu’à quelques maigres minutes, interrompues, de surcroît, par le président qui le réprimandait de traiter l’ex-président de la Caisse de “lâche”, ayant quitté le bateau en pleine tourmente. Il n’eut pas le temps de dire que la Caisse est alors demeurée sans président désigné et sans certains membres de son conseil d’administration. Pourtant, c’était une tempête que M. Rousseau a qualifié de “parfaite”. Le gouvernement Charest n’a pas consenti à le remplacer, laissant honteusement couler la Caisse avec la débâcle.
Pour le député Khadir, “l'ex-président de la Caisse incarne cette «culture de la cupidité» des grands patrons qui empochent «des primes et des bonus”, qu'ils soient compétents ou incompétents, qu'ils fassent fortune ou qu'ils ruinent les cotisants». On aurait donc souhaité qu’il puisse aller au bout de sa pensée. La réponse de l’ineffable Rousseau fut qu’il avait fait de “lourds sacrifices” pour venir travailler à la Caisse. Il faut le citer en entier, tellement c’est attendrissant : “J’ai laissé des millions de dollars pour venir servir les Québécois”. Quand on entend cela, on se demande quelle est cette “culture du service” qui coûte aussi cher et qui vide les coffres que nous ne cessons de remplir avec nos impôts ? C’est proprement ahurissant ! Plusieurs fables de Lafontaine acquièrent, ici, une portée très contemporaine, en particulier “Les vautours et les pigeons” (VII,9) ; “Le Savetier et le financier” (VIII, 2).
Selon Pierre Coyette, ex-président de la Banque Laurentienne et ex-membre de la Caisse de dépôt et de placement, “ce fut une erreur d’analyse déficiente, une erreur de jugement, une erreur de concentration de risque exagéré et même une faute de dissimulation au Conseil d’administration”(Vigile, 30 mars 2009). Si ce n’est pas décrire correctement un manque flagrant de compétence, on ne sait pas ce que c’est.
M. Rousseau s’est toujours contenté de confesser, non pas d’en avoir acheté, mais d’en avoir trop acheté. Dès 2002, pourtant, Moody’ et Standard & Poor’s refusaient d’annoter les PCAA. “L'investissement dans le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) est un "acte de foi” pour les investisseurs canadiens”(note de Standard &Poor’s, 2 août 2002). M. Goyette soutient que “le moindre pépin empêche les émetteurs d'avoir accès aux liquidités dont ils auraient besoin pour traverser les turbulences”. “On pourrait dire, ajoute-t-il, que c’est plus facile à dire en rétrospective. NON”, répond-il péremptoirement(Ibidem). On ne peut être plus clair, par quelqu’un d’aussi qualifié.
D’ailleurs, l'Association des comptables agréés du Canada (ICCA), en octobre 2007, mettait en garde tous les conseils d’administration contre les PCAA. “Les conseils d’administration et la direction de toutes les sociétés, pas seulement de celles qui interviennent directement sur le marché du papier commercial, doivent songer aux conséquences de la crise de liquidité du PCAA et y être préparés”(James L, Goodfellow, FCA). Si Henri-Paul Rousseau, encore président de la Caisse, avait su s’informer ou en aurait pris le temps, il aurait dû savoir cela. Le député Kadir avait raison de répéter : “Si moi je le sais, vous devez le savoir”.
L’incompétence semble bien s’être associée à la négligence, pour ne pas dire plus, puisque le PDG ne semblait pas savoir ce que faisaient les petits promoteurs, laissés à leur appétit de rendement. Il y a eu erreur grave d’administration et M. Rousseau devrait en a assumer la responsabilité. Il le fit, mais de façon purement rhétorique. En aucun moment, il n’a songé à en payer le prix, serait-ce symboliquement, en remettant sa gratification de départ. Il a juré qu’il ne le ferait pas.
Qui de nous serait assez immoral pour se comporter ainsi ? Dans la culture de monsieur tout le monde, on est tenu de réparer une erreur quand elle est reconnue. Tout se passe comme s’il existait une culture de l’irresponsabilité chez les grands patrons. Il suffit de penser à notre caisse populaire nationale. On y a également acheté des PCAA et les petits épargnants sont maintenant privés de leurs ristournes. La présidente, par contre, gardera sa rémunération de trois-quarts de million de dollars. Monique F. Leroux ne semble guère se soucier de ses commettants. Nous ne sommes donc que des porteurs d’épargnes dont les patrons profitent largement.
“Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ?” Vieille question posée par Cicéron, en l’an 63 avant notre ère. La question est d’actualité.
Joseph Melançon, Université Laval


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 août 2009

    M Rousseau a reçu un " Standing ovation" à la Chambre de commerce de Montréal, après avoir expliqué les raisons des pertes historiques de 40 milliards. Au sujet du PCAA non bancaire, il dira que " C'est un mystère de la vie que la Caisse en ait eu autant"
    M Lucien Bouchard a conclu à la fin que "M Rousseau a été transparent". On a donc un mystère transparent pour expliquer les pertes accrues de 10 milliards de la Caisse.
    Comment une petite compagnie de Toronto ( Coventree) a déverser des milliards de ces produits toxiques sur le Québec avec la complicité de la Caisse:
    http://www.vigile.net/Quebec-sink
    Et comment l'incompétence d'Ottawa à surveiller l'agence de notation DBRS (sous sa juridiction) a permis que ce désastre se produise (pertes de 10 milliards pour le Québec):
    Ma réponse au texte d'opinion d'Éric Duhaime:
    http://www.vigile.net/Le-federal-protecteur-des-petits
    Voir commentaire en bas de page; Éric Duhaime me réponds et ma réplique.
    JCPomerleau

  • Michel Guay Répondre

    4 août 2009

    Vous avez oublié d'indiquer qui à permis ce vol légalisé avec sa loi anti Québec INC aussitôt élu .
    C'est Jean Charest donc les libéraux donc les fédéralistes au service de Gesca et d'Ottawa
    Aussi les pertes de nos fonds publics et pensions envolés sont de beaucoup plus que 40 milliards
    40 milliards c'est seulement en 2008