Humilier le Québec

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L'erreur qu'il ne fallait pas commettre

Quand mon ancienne patronne s’était rendue en Écosse – après être passée par Davos et Londres où elle avait procédé à plusieurs annonces à caractère économique – il s’en était trouvé plusieurs pour se gausser de l’accueil discret que lui avait réservé le first minister Alex Salmond. Encore qu’un journal écossais soulignera plus tard que c’est elle qui reçut le cadeau le plus dispendieux remis par Salmond à des visiteurs étrangers.


À ce moment, il n’y avait pas de mots assez forts pour dénoncer l’ampleur du discrédit que Mme Marois avait jeté sur le Québec. Halala, c’était bien terrible! Les chroniqueurs, les éditorialistes et les radios publiques unissaient leur voix en un chœur de pleureuses pour chanter le drame de ce Québec humilié à la face du monde, pointé du doigt de tous. On se serait cru dans une tragédie grecque. « Et le tout dans un si mauvais anglais en plus! »


C’était le délire le plus complet. Dans le contexte du récent référendum écossais, j’ai même lu quelque part que Salmond s’était montré froid à l’égard de Madame parce qu’il voulait garder ses distances avec notre projet de charte des valeurs. Celle-ci ne fut pourtant annoncée par le gouvernement que sept mois plus tard. Certains semblent croire que cette politique publique était tellement néfaste que son pouvoir maléfique agissait déjà avant même qu’elle ne soit présentée. Enfin…


Deux poids, deux mesures


Philippe Couillard n’a pourtant pas eu droit au même traitement lorsqu’il a commis un impair d’importance en s’adressant publiquement au gouverneur de la province du Shandong (97 millions d’habitants). En insistant devant l’aspirant à la vice-présidence chinoise sur la volonté du Québec d’exporter plus de porc en Chine, il l’a non seulement embarrassé, mais il s’est montré impoli, laissant entrer en scène son agaçant personnage du bon docteur : Moi, je sais, pas vous.


Notre commentariat local s’est entendu pour parler de cette erreur majeure de la manière suivante : « Bruits de criquet. » À l’exception notable de mon collègue Loïc Tassé, peu de chroniqueurs ont jugé pertinent de relever ce faux pas, pourtant susceptible d’avoir des conséquences réelles sur notre économie, en plus de faire mal paraître nos producteurs de porc.


On en comprendra donc qu’aux yeux des André Pratte de ce monde, humilier le Québec à la face du monde est le privilège exclusif du Parti libéral, puisqu’il sait, lui, le faire dans un anglais irréprochable.


Un sursaut de dignité


À ce dernier sujet, toutefois, il semble qu’il en sera autrement. À l’encontre de mes attentes les plus folles, le choix du premier ministre de ne pas utiliser l’unique langue officielle du Québec en Islande fait réagir. Antoine Robitaille y va d’un de ces éditoriaux chirurgicaux comme on les aime et ma collègue Lise Ravary, que personne ne peut accuser d’excès de zèle nationaliste, s’insurge.


Encore une fois, le personnage du bon docteur, que les Américains pourraient surnommer « Couillard knows best », tient à nous rappeler qu’il est plus intelligent que nous. « Tout le monde sait que le Québec est francophone. Si on est rendu au point où il faut dire aux gens que le Québec est francophone, on a un problème. »


Effectivement, on a un problème. Philippe Couillard a beau faire montre d’une grande culture, il aurait dû voyager ailleurs qu’en Arabie Saoudite ou à l’île Jersey. Pas besoin de conduire très loin vers le sud pour rencontrer des Américains qui ignorent qu’on parle français au Québec. Si la plupart d’entre eux sont au courant qu’il y a des francophones au Canada, beaucoup ne savent pas que nous sommes majoritaires dans un « état », pensant plutôt que notre minorité est disséminée d’un océan à l’autre.


Mal préparé


On savait déjà que notre premier ministre ne manque jamais une occasion de faire passer le français en second, mais cette première mission d’envergure montre qu’il échoue là où son prédécesseur Jean Charest excellait. Peut-être faudrait-il rappeler quelques vétérans.


Au terme de ce déplacement de 8 jours au cours duquel la création d’aucun emploi ne fut annoncée (sauf erreur de ma part ou omission du site du premier ministre) et dans un contexte d’austérité, on souhaite donc que l’équipe de l’exécutif améliore sa préparation à ce genre d’exercice. Ça pourrait commencer par une formation sur l’étiquette des relations internationales. Philippe Couillard peut bien penser tout savoir, il serait agréable que nos fonds publics ne soient plus utilisés pour nous embarrasser ou fouler notre langue au pied.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.





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