Lettre à Nicole Hébert

Il n'en tient qu'au PQ de s'adapter pour survivre

Les partis doivent se taire et écouter les citoyens

Tribune libre

Bonjour Madame Hébert,
Je ne suis pas Caroline Moreno à qui vous l'adressez, mais je voudrais répondre aux questions que vous posez dans votre article intitulé Les autres "pleureuses" concernant l'avenir du parti Québécois et du projet de l'indépendance du Québec.
Votre article est lucide (nous devons libérer ce mot usurpé et ne plus jamais l'opposer au mot solidaire lui aussi approprié) et fait preuve à la fois d'une grande sensibilité. La sincérité ouvre la porte au dialogue. Vous avez raison de mentionner les liens qui rattachent tous ceux qui ont oeuvré et continuent d'oeuvrer malgré la tourmente au PQ. Ils s'inquiètent non sans raison du destin de cette formation qui fait partie de la vie politique du Québec et de leur vie personnelle depuis 40 ans.
Le devoir d'inventaire à l'égard des résultats obtenus par l'action du PQ n'a pas pour but de mettre en doute la sincérité ni la valeur de ces efforts qui ont apporté beaucoup de chose à notre société et donné au Québec des hommes et femmes remarquables.
Il faut pourtant constater que le but premier de libérer le Québec qui était le rêve de tous les péquistes, n'a pas été atteint et que le projet de gouvernance souverainiste dans sa forme la plus récente a enlevé à plusieurs l'espoir que le PQ ne parvienne jamais à réaliser l'indépendance du Québec.
Deux périls nous menacent. D'abord le temps qui passe et qui fait que disparaissent un à un les indépendantistes qui auraient voulu voir et participer de leur vivant à la construction du pays, ils sont tristes; d'autre part, notre déclin démographique et les politiques d'immigration et l'absence de volonté de permettre l'intégration des néo-québécois à "notre" culture française et québécoise. Enfin il me semble que deux-cent quarante ans de domination de notre nation par l'Empire britannique et ses ayants droits, cela suffit.
Alors, ce qu'il faut maintenant faire, pour répondre à votre interrogation n'exige pas la disparition du PQ à la condition bien entendu que le PQ abandonne la prétention d'être le seul ayant droit sur le projet indépendantiste et qu'il cesse de s'approprier, de contrôler et de museler la parole indépendantiste.
Je vous en donne un exemple que j'ai commenté ailleurs. Récemment, un groupe de citoyens n'ayant aucune ambition carriériste ni aucune envie du pouvoir, se réunit sans autre moyen que leur volonté pour organiser une assemblée où elle entend libérer l'espace d'un matin la parole engluée dans la langue de bois des partis politiques.
Elle lance un manifeste critique et provocateur - c'est la seule façon d'ouvrir un débat - , un pamphlet qui ouvre une brèche dans l'interdiction de la liberté de parole qui consiste à refouler en public ce qu'on pense en secret. Ce groupe, c'est le NMQ : Nouveau Mouvement pour le Québec. Il convoque alors tous les citoyens qui le désirent à venir s'exprimer sur l'avenir du Québec. En toute liberté. L'Événement est une réussite et démontre le besoin de s'exprimer publiquement des Québécois en dehors des instances "organisées" ou "politisées" ou "instrumentalisées".
De l'évènement citoyen du 21 août qui s'autofinance par le bénévolat et la contribution volontaire des participants, il ressort quelques idées :
1. cette pratique libératrice doit continuer
_ 2. des états généraux structurées devraient être tenus
_ 3. la gouvernance souverainiste est une mauvaise idée
Dès le lendemain, un député du PQ donc un élu du peuple, se lance dans une attaque infamante contre cette assemblée alors que dans les jours suivants, la chef du PQ récupère le projet d'états généraux énoncé par un participant lors de cette assemblée, pour les confier au Conseil de la souveraineté, un organisme vassal des partis politiques.
Toujours cette volonté d'endiguer la parole citoyenne tellement redoutée et cette volonté de reprendre le contrôle sur toute manifestation politique. Ce genre de réaction montre que la gouvernance du PQ adopte les mêmes réflexes que les Frères Musulmans qui se voyaient déjà au pouvoir en Égypte lorsque les jeunes manifestants réussirent à faire tomber le régime Moubarak.
Les partis politiques qui constituaient l'avant-garde il y a encore un quart de siècle, démontrent une incapacité à saisir que le monde a changé et qu'il n'appartient plus aux élus de conduire le peuple mais au peuple de conduire les élus.
Cela s'appelle l'émancipation. À ce sujet le désir mainte fois exprimée à titre personnel par la chef du PQ de vouloir "le pouvoir" , aspiration qu'elle qualifie de normale, est en complète contradiction avec le mouvement démocratique qui se met en place dans le monde et renverse les détenteurs du pouvoir. Ce nouveau mouvement démocratique qui frappe déjà aux portes de l'Europe et sera bientôt chez nous, est celui qui nous conduira à la libération de notre pays de la domination canadienne. Nous devons retrouver notre liberté.
Les politiciens à la mode se targuent de vouloir faire de la politique "autrement" mais quand cet "autrement" se manifeste les vieux réflexes reprennent le dessus. Québec Solidaire a réagi de façon analogue au PQ en voulant lui aussi récupérer et même imposer entre autres conditions une co-présidence homme-femme typique de la culture de QS au mouvement citoyen en train de naître. Ils cherchent donc à reproduire leur culture au lieu de laisser les citoyens inventer leur propre mode de fonctionnement.
Ces partis sont incapables de concevoir que la politique peut exister en dehors des hiérarchies et des pratiques qui en découlent qui expliquent la langue de bois au PQ et l'endoctrinement de la lutte des classes MLF et les prédications moralisatrices et populistes chez QS. De tout cela et de l'obsession du pouvoir, les citoyens ne veulent plus. La crise de confiance à l'encontre des partis qui n'épargne pas le PQ doit être comprise ainsi.
Le vote du 2 mai n'est rien d'autre qu'un pied de nez à la démocratie dans sa forme actuelle, un coup de pied dans la termitière qui nous a amené à la situation ubuesque que nous connaissons.
Il faut veiller à ce que les états généraux du Québec demeurent libres de l'emprise des partis politiques et les ouvrir largement à l'ensemble de tous les citoyens Québécois qui voudront y participer ce qui n'exclue pas les membres et leaders des partis politiques à la condition qu'il y viennent à titre de citoyen égaux aux autres.
Cela vaut aussi pour tous les autres mouvements, associations, syndicats et corporations qui ne doivent pas venir noyauter les échanges qui doivent ultimement permettre de remettre à jour la notion de "bien public".
Le "bien public" a été trop souvent mis de côté en fonction de l'intérêt des partis politiques, des corporations, oligarchies, mouvements syndicaux, groupes religieux, groupes communautaires qui ont fini par faire en sorte que l'état s'est dilué sous la forme de ce que Marie-France Bazzo appelle "le beau gros compromis mou" qui ne satisfait plus personne alors que tout le monde affirme faire de son mieux.
D'autre part, ces états généraux, qui doivent être le lieux de la parole des citoyens ne peuvent pas être limités à la question de la souveraineté. On ne peut pas faire des états généraux qui limitent l'expression parce qu'il s'agit de l'avenir de notre société.
1. INDÉPENDANCE DU QUÉBEC
Ils doivent donc obligatoirement toucher à la question de la récupération de l'ensemble des pouvoirs souverains de l'état Québécois qui sont présentement retenus entre les mains de l'état fédéral sur lequel nous n'avons plus aucun contrôle politique et dont le chef d'état est le souverain d'un pays étranger.


2. RÉFORME DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES ET RÉÉQUILIBRAGE DU POUVOIR

Il y a unanimité sur la nécessité de revoir de font en comble le mode de représentation démocratique et le fonctionnement de l'Assemblée Nationale qui ont démontré leur obsolescence. Les mécanismes et la répartition des pouvoirs doit aussi être rééquilibré par un projet de constitution qui fixera des limites au pouvoir des gouvernements dans tous les domaines qui préoccupent les citoyens en fonction du bien public et aussi de fa¸on à permettre une meilleure participation des citoyens aux décisions gouvernementales.
3. EXPRESSION DES PRÉOCCUPATIONS DES CITOYENS
Les états généraux doivent aussi permettre la libre expression des préoccupations des citoyens par rapport non seulement au projet de pays mais aussi leur permettre d'exprimer comment ils veulent vivre dans ce pays. Cela inclus les préoccupation à propos de la conservation de la nature, les attentes des nations autochtones, la protection de l'environnement, l'exploitation des richesses naturelles, l'énergie, le soutien aux groupes les plus vulnérables de la société, le travail, le soutien et la diffusion de la culture, la promotion de la langue française et de l'histoire, l'aménagement, le patrimoine et le tourisme, l'éducation, l'éducation etc.
Ces états généraux auxquels tous les Québécois auront pu participer, déboucheront naturellement sur un projet de constitution qui sera, une fois adopté démocratiquement, l'acte de naissance de l'état-nation du Québec.
Les actions à mettre en oeuvre n'exigent pas que le PQ disparaisse. Ce qu'il faut faire maintenant en parallèle avec l'action du PQ, il aurait fallu le faire dès la naissance du PQ. On serait alors dans notre pays depuis longtemps. Mais il faut comprendre que c'est seulement possible maintenant parce que le monde a changé. Plus rien ne sera jamais plus comme avant. Seul les partis qui accepteront et s'adapteront au changement survivront.


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1 commentaire

  • Nicole Hébert Répondre

    11 septembre 2011

    M. Tétreault,
    J'apprécie votre capacité à faire des nuances.
    Je suis en accord avec plusieurs de vos énoncés, en désaccord avec d'autres. Je trouve que le mot "Démocratie" peut facilement être galvaudé par les temps qui courent et que la circonspection est nécessaire. Il y a autour de lui - le MOT, car la réalité n'est pas si simple - un emballement et une possibilité d'utopie assez grande. Quant aux évènement récents, à l'image du MNQ et de son manifeste, toutes sortes de lectures sont possibles. Nous n'avons pas nécessairement la même mais je suis attentivement ce qui s'y passe et je regarde aller. C'est encore tôt pour s'en faire une idée juste. Mais je ne suis jamais portée à ranger la pureté d'un seul bord. Des personnes qui disent des sottises ou qui réagissent mal à l'occasion, nous en sommes tous(tes). Quant au pouvoir... il y aurait long à discuter là-dessus car il est partout, même chez ceux qui le dénoncent souvent!
    Mais je garde avec moi votre dernier paragraphe...
    Merci pour votre texte,
    Nicole Hébert