ROYAUME-UNI

Il y a vingt-cinq ans, le décès de Lady Di arrangea bien du monde

Accident ou attentat ?

36043092a0cf16281bc3cc24113b1633

Chronique de Rémi Hugues

     Le film Falstaff d’Orson Welles (1964) montre à quel point les relations peuvent être violentes à l’intérieur de l’élite dirigeante de la Grande-Bretagne. Le Prince Hal, futur Henri V, alors qu’il mène une vie de patachon à s’alcooliser dans les bordels accompagné du bibendum Falstaff, doit venir secourir son père le roi Henri IV face à la conjuration de Henry Percy, surnommé Harry Hotspur, fils du comte de Northumberland et de Thomas Percy comte de Worcester, son oncle, avides du pouvoir suprême.


Mais ses mœurs dissolues ne l’empêchent pas de triompher de ses rivaux lors de la bataille de Shrewsbury. Avant de mourir, son père Henri V, lui conseille, pour éviter les troubles internes, de lancer la guerre à l’extérieur. Une fois installé sur le trône, il déclenche l’offensive contre la France, car – exhorte-t-il à ses sujets – Pas de roi d’Angleterre, s’il n’est pas aussi roi de France !


Ce qui n’est pas sans rappeler le conflit des îles Malouines savamment orchestré par une Margaret Thatcher éprouvée par une grève très dure et très longue des ouvriers des mines de charbon.


 


     Quinze ans après cette guerre-éclair entre l’Argentine et le Royaume-Uni le monde fut spectateur d’une grave brouille opposant les membres de l’élite britannique. La famille royale britannique avait son mouton noir. Mariée au prince héritier, lequel entretenait une relation adultérine avec son amoureuse de toujours Camilla Parker Bowles, elle était martyrisée par son beau-frère Philipp et sa compère la maléfique Ghislaine Maxwell : « Maria Farmer, qui a accusé Maxwell et Epstein d'avoir abusé d’elle, avait confié au Sun la haine que portait Ghislaine Maxwell à Diana. Ghislaine était là : Là on avait fait pleurer (Diana), c’est drôle non ? On détestait Diana. C’est ce qu’elle disait [...] Ils étaient très méchants avec elle [...] mais ils trouvaient cela très drôle.” »1


C’est sous le pont de l’Alma, dans la nuit du 31 août 1997, à l’intérieur d’une Mercedes noire conduite par Henri Paul, salarié du Ritz, en compagnie de son amant Dodi al-Fayed, plus un garde du corps, Rees-Jones – qui contrairement aux trois autres survécut – que la vie de Lady Diana se termina. Emmenée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière elle succomba à ses très lourdes blessures.


 


     Un tel drame eut un retentissement immense. La famille Saxe-Cobourg-Gotha devenue Windsor était frappée par la mort de son ex-« pièce rapportée ». Mise au ban par la famille royale, elle bénéficiait d’une popularité considérable partout dans le monde, suite à sa décision de mettre son immense notoriété au service des plus faibles. En attestent ses rencontres avec Mère Teresa, ainsi que beaucoup d’autres déplacements de charité bénéficiant d’une couverture médiatique extraordinaire, ce qui lui valut d’être surnommée la sainte cathodique.


 


     Un quart de siècle plus tard les sondages indiquent qu’une portion non négligeable des Britanniques pensent que ce fait tragique est un assassinat maquillé en accident. Élisabeth II elle-même avait évoqué cette piste en apprenant la nouvelle : « Quelqu’un a dû graisser ses freins »2, dit-elle. Lady Diana aurait anticipé un attentat contre sa personne. En octobre 1996 elle écrivit ceci : « Cette période précise de ma vie est la plus dangereuse […]. Mon mari est en train de planifier un “accident” avec ma voiture. »3


Le Parisien, dans un article du 28 novembre 2002 consacré à un certain James Adanson, cite une note des Renseignements généraux qui évoque son « rôle probable dans l’attentat du 30 août 1997 ». De quoi s’agit-il ? s’interroge l’auteur du papier : « Sous la plume des renseignements généraux, de l’accident qui a coûté la vie à la princesse Diana. [...] Les auteurs de la note blanche affirment ainsi que le photographe James Andanson était dans le tunnel de l’Alma le soir du drame... »4


 


     Alors que ce qui est officiellement retenu (cf. le rapport Paget) c’est la thèse d’un accident causé par l’ivresse du chauffeur Henri Paul et – secondairement – par le harcèlement des paparazzi en moto desquels ce dernier essayait de s’échapper. Une thèse mise à mal par le père de Dodi al-Fayed, pour qui c’est la couronne d’Angleterre qui a perpétré ce crime afin d’éviter une alliance entre cette famille royale de confession protestante qui prétend descendre du roi David – d’où sa pratique de la circoncision – et une famille d’origine arabe (égyptienne) et de religion musulmane. Et le père al-Fayed, propriétaire du très chic magasin londonien Harrod’s d’énumérer les points noirs de la gestion de l’affaire, ce qui revient à accuser les autorités françaises d’avoir couvert ce forfait :


« Pourquoi a-t-il fallu une heure quarante pour conduire la princesse à l’hôpital ? Pourquoi certains photographes n’ont-ils restitué les photos prises sur place ? Pourquoi y a-t-il eu un cambriolage cette nuit-là au domicile londonien d’un des paparazzi ? Pourquoi les caméras de télévision en circuit fermé de ce quartier de Paris n’ont-elles pas produit une seule image ? Pourquoi les caméras de contrôle de la circulation n’étaient-elles pas branchées ? Pourquoi le théâtre de l’accident, au lieu d’être isolé, a-t-il été rouvert à la circulation au bout de quelques heures ? Pourquoi, parmi les paparazzi massés à l’extérieur du Ritz, y en avait-il un dont l’équipement était celui d’un photographe d’actualité ? Et qui sont les deux hommes non identifiés qui, après s’être mêlés à la foule des badauds, se sont retrouvés plus tard au bar du Ritz ? Ils ont passé commande, en anglais, sans cesser d’observer et d’écouter ce qui se passait, avec une intention soutenue. »5


 


     Le riche homme d’affaires a aussi pointé du doigt qu’il n’y avait pas que les paparazzi qui traquaient le couple Dodi-Diana : les services secrets aussi. Deux chefs du MI6, Richard Spearman et Nicolas Langham, étaient présents à Paris au moment du drame. Le couple était aussi sous l’étroite surveillance de l’Oncle Sam, qui surveillait Lady Di de près, en raison de son combat contre les mines anti-personnel, lequel ne pouvait que nuire aux intérêts du complexe industrialo-militaire américain6.


 


     Les États-Unis, via la National Security Agency, transmettaient à leur allié britannique les conversations privées des deux amants. Gordon Thomas indique : « À son entrée dans la vie de Diana, Dodi était tombé automatiquement dans le collimateur d’ECHELON7. Sans que l’un ou l’autre des amants en eût conscience, chacune de leurs conversations, aussi intime fût-elle, était discrètement enregistrée par les satellites d’ECHELON. »8


Cette relation conjugale revêtait une dimension géostratégique – il fallait savoir s’ils allaient se marier, si Diana Spencer était enceinte –, d’autant plus que la famille al-Fayed était liée au monde des marchands d’armes.


 


     La présence d’une Fiat Uno blanche sur le lieu du drame fit couler beaucoup d’encre9 : à son bord un agent du MI6 couvert par la police française et le « grand-frère » américain parvint-il à faire en sorte que la Mercedes du couple se tamponne contre l’un des poteaux du pont de l’Alma ?


Un ancien cadre de Scotland Yard, John MacNamara, fut chargé par al-Fayed père de mener une enquête parallèle. À Genève il rendit visite à un ex-officier du MI6, Richard Tomlinson qui lui déclara avoir lu dans le quartier général de l’espionnage britannique un texte consistant à planifier l’« assassinat du président serbe Milosevic – plan qui comportait de troublantes similitudes avec la façon dont Lady Di et Dodi avaient trouvé la mort. Le document précisait que ‟l’accident” devait avoir lieu dans un tunnel, où les chances de blessure mortelle sont plus élevées. Il recommandait l’utilisation d’un rayon laser de forte puissance, susceptible d’aveugler temporairement le chauffeur du véhicule cible. »10


C’est en 2013 que cette piste a été relancée, lors du procès d’un certain Danny Nightingale, un militaire. Ses beaux-parents ont indiqué que ce dernier aurait confié à son ex-femme que son unité aurait organisé un faux accident. Scotland Yard ne considéra pas que cet élément nouveau devait amener à une réouverture de l’enquête.


Puis en 2017 un octogénaire se disant ancien agent du MI5 – le renseignement intérieur britannique – a avoué avoir assassiné la princesse Diana. Au seuil de sa vie, John Hopkins aurait ainsi voulu soulager sa conscience11.


 


     En 2019 a été indiquée publiquement l’identité du chauffeur de cette fameuse Fiat blanche : ce serait un maître chien qui rentrait de son travail. Après le crash, il se serait enfui et aurait très vite repeint grossièrement en rouge la carrosserie de sa voiture, afin d’échapper aux radars de la police. Son nom est Le Van Thanh. Il est d’origine vietnamienne, comme son nom l’indique, alors que les témoins dirent y avoir aperçu – avec un gros chien – un « homme européen »12. Bizarrement, Le Van Tanh « a révélé que les autorités françaises lui avaient ordonné de ne pas témoigner auprès de la police britannique »13.


 


Or un rapport du Mossad ne corrobore pas une telle version. Le voici, traduit en français par nos soins, qui relate en détail les dernières heures de Lady Di :


« Paul était très confiant. Il dit que l’hôtel fournirait deux Range Rovers utilisées comme leurres pour les paparazzi qui étaient posté à l’entrée. Cela lui laisserait suffisamment de temps pour filer. Rees-Jones, a-t-il été rapporté, dit : « le plan me paraît bon ».


Minuit 15 (dimanche 30 août). Dans le vestibule de l’hôtel Henri Paul, par un coup de téléphone, fit partir les deux voitures-leurre.


Minuit 19. Les deux voitures-leurre vrombissaient place Vendôme, face au Ritz. Les paparazzi partirent à leur poursuite.


Minuit 20. À l’entrée arrière de l’hôtel Paul arriva avec la Mercedes. Il avait été vu par l’un des témoins oculaires que le Mossad interrogea ultérieurement en train de ‟taper nerveusement ses doigts sur le volant.


Minuit 21. En haut de la rue Cambon, un agent du Mossad surveillait. Il indiquera plus tard qu’une Fiat Uno blanche passa en haut de la rue.” Le rapport du Mossad affirme que dans cette voiture il y avait deux officiers de la DST (Direction de surveillance du territoire). […]


Minuit 22. La Fiat Uno blanche passe au feu vert place de la Concorde. La Mercedes d’Henri Paul est contrainte de s’arrêter temporairement au feu rouge.


Minuit 23. La Mercedes approche du pont de l’Alma. Henri Paul voit certainement l’Uno blanche devant lui.


Minuit 24. La Mercedes, roulant à très vive allure, atteint le creux de l’entrée du tunnel. […] Un peu après, selon le rapport du Mossad, l’Uno blanche a été conduite du côté de l’avenue Montaigne. Un camion l’attendait, il abaissa sa rampe. L’Uno fut amenée sur la rampe. Les portes du camion furent fermées. Quelques heures plus tard l’Uno fut agrippée par les pinces d’un broyeur. En un tournemain elle devint un amas de métal broyé, impossible à identifier. »14


 


Cette version, dont la rédaction a été chapeautée par l’ancien directeur du Mossad Danny Yatom, pointe du doigt la police de la République française, et – si on la tient pour vraie – peut être interprétée de deux manières : soit le tamponnage entre les deux voitures dans le tunnel est volontaire (assassinat), soit il est involontaire (accident).


 


     Mais surtout, au sujet du Mossad, ce que personne ne semble savoir c’est qu’Henri Paul subissait depuis des semaines une sévère pression psychologique de la part des services secrets israéliens. Il en était devenu fragile, et se réfugiait dans les paradis artificiels pour y faire face. Ses facultés physiques et mentales étaient sérieusement endommagées : en plus du mélange calamiteux de médicaments et d’alcool, altérant sa capacité à conduire en toute sûreté, le chauffeur du couple manqua clairement de discernement sur un autre point. En effet, la Mercedes noire était une épave, un véritable danger roulant.


Officiellement Israël s’intéressait à Henri Paul pour tout connaître des négociations de ventes d’armes qui avaient régulièrement lieu au Ritz, car elles pouvaient concerner ses voisins, et donc sa propre sécurité. Rappelons qu’al-Fayed est d’origine égyptienne.


 


     De même que la Couronne britannique, en outre, l’État sioniste ne s’enthousiasmait certainement pas de l’union entre le fils de ce dernier et Lady Diana. Elle signifiait l’amitié et le rapprochement entre l’Ouest et le monde arabo-musulman ; cela ne pouvait que nuire à ses intérêts vitaux.


Un agent du Mossad (et de la CIA), Jeffrey Epstein, avait d’ailleurs tenté de conquérir la princesse. Sans doute était-ce sur ordre, car selon ses goûts elle était trop âgée. Lui aimait les mineures.


« Une idylle qui aurait vu le jour grâce à l’ancien homme d’affaires accusé de trafic sexuel et retrouvé mort dans sa cellule le 10 août dernier. Plus étonnant encore, le milliardaire et la princesse de Galles auraient eu une aventure, comme le confirme le journaliste canadien Ian Halperin auprès de France Dimanche. C’est en enquêtant sur Jeffrey Epstein que le reporter aurait découvert qu’il avait entretenu une relation avec Lady Diana. Le riche financier américain aurait ‟littéralement harcelé” l’ex-épouse du prince Charles, ‟lui envoyant des fleurs, un livre d’art et un bijou d’une très grande valeur”, raconte Ian Halperin. Et sa technique de drague aurait fini par payer. Séduite, la mère des princes William et Harry n’aurait pas hésité à retrouver son prétendant à New York, où elle aurait passé ‟l’un des week-ends les plus amusants de sa vie”. Mais leur histoire n’aurait finalement pas duré plus de deux jours. Peu après, Lady Diana est tombée sous le charme de Dodi Al-Fayed », a écrit Rime El Himani15.


Une idylle entre l’ex-épouse du prince Charles et le financier new yorkais Epstein aurait effectivement favorisé Israël, qui aurait eu un pion au sein même d’une famille qui peut légitimement revendiquer – au même niveau que les Rothschild – le titre de famille la plus puissante du monde.


Entre les paparazzi qui traquaient le couple, les divers services secrets rodant aux alentours à pied ou en voiture, et un chauffeur totalement harassé, le risque de crash était élevé. Et il advint.


 


     Si – et seulement si – des forces ayant eu des intentions clairement homicides furent à l’œuvre, on ne peut que constater la supériorité de telles manœuvres par rapport à cet effroyable attentat récemment commis contre la fille de l’intellectuel russe Alexandre Douguine, dont il ne fait aucun doute que c’est un attentat perpétré par les services secrets ukrainiens, avec peut-être l’aide de la CIA, du MI6 ou de la DGSE.


 


     Suivant les préceptes de Leo Strauss dans La persécution et l’art d’écrire, c’est de cette manière qu’on peut comprendre le choix de Gordon Thomas de mettre en exergue de son livre sur le Mossad le décès de la princesse Diana. Alors qu’on s’attendrait plus à un événement proche-oriental. Comme s’il voulait adresser un message implicite à son lecteur.


« La littérature exotérique présuppose qu’il existe des vérités fondamentales qu’aucun homme honnête ne saurait exprimer en public parce qu’elles feraient du mal à beaucoup, lesquels, parce qu’ils ont été blessés, auront naturellement tendance à faire du mal en retour à celui qui exprime ces vérités désagréables »16, écrit Leo Strauss.


     Tâche ardue s’il en est – c’est évident – que celle de différencier l’exotérique et l’ésotérique d’un texte.


 


 







5Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad, Paris, Nouveau Monde, 2006, p. 19.




6Gordon Thomas, Gideon’s Spies, New York : Saint Martin’s press, 2015, p. 23.




7C’est « un des systèmes d’interception les plus sensibles et les plus confidentiels de la NSA. Ce réseau électronique global affiche des capacités proprement stupéfiantes. Il permet de coupler des satellites à une batterie d’ordinateurs à haute vitesse. Le système permet à la NSA et à ceux avec qui elle veut bien partager ses informations – les services secrets britanniques, par exemple – et ce en temps réel En traquant les mots-clés dont on l’a nourri, ECHELON est capable d’identifier et d’isoler tous les messages susceptibles d’intéresser ses utilisateurs. », Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad, op. cit., p. 21.




8Gordon Thomas, ibid., p. 22.




9Cf. notamment cet article de Marc Roche, Le Monde, 27 août 2007.




10Cité par Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad, op. cit., p. 20-21.







14Gordon Thomas, Gideon’s Spies, op. cit., p. 23.





16Leo Strauss, La persécution et l’art d’écrire, Paris/Tel Aviv, Éditions de l’éclat, 2003, p. 41.




Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé