Peter Avis - Outrés par les coupes dans les salaires et les prestations sociales, prévues par le plan du FMI et de l’UE, les citoyens s’apprêtent à déferler dans les rues de Dublin demain, à l’appel des syndicats et des forces progressistes.
Des dizaines de milliers de manifestants sont attendus aujourd'hui dans les rues de Dublin. Les Irlandais se rassemblent à l’appel de leurs organisations syndicales pour clamer leur opposition au plan de rigueur draconien présenté par le gouvernement pour éponger les déboires spéculatifs des banques.
Le plan, imposé conjointement par les émissaires du Fonds monétaire international (FMI) et ceux de l’Union européenne, est devenu si impopulaire qu’il a poussé aussitôt vers la sortie le gouvernement de Brian Cowan, accusé d’avoir entraîné le pays au bord du gouffre. La confédération syndicale (Ictu) décrit les mesures annoncées mercredi par le pouvoir comme « régressives » et soumises aux exigences des marchés financiers. Ce plan comporte en effet des attaques plus dures encore que les précédents contre les acquis sociaux, il ampute la rémunération des fonctionnaires, dont le nombre doit être très fortement diminué, et programme une diminution du salaire minimum. Tout cela fait exploser la colère de toute une nation.
Ce plan va déboucher « sur le contraire de ce qu’il promet », a déclaré David Begg, secrétaire général de l’Ictu.
« Il ne conduira pas à un redressement économique, mais il va ouvrir la voie d’une récession profonde. » Et de préciser pour l’humanité : « Les mesures proposées vont étouffer la demande. Elles vont pénaliser ceux qui ont des petits revenus. L’économie est déjà très fragile et la réduction d’encore 15 milliards d’euros de dépenses publiques va nous conduire au désastre. Rien n’est proposé pour créer des emplois et pour les quelque 450 000 de nos citoyens qui sont réduits au chômage. »
Fintan O’Toole, chroniqueur de l’Irish Times, qui s’est solidarisé avec les participants à la manifestation de demain, écrit :
« Le but du paquet négocié avec le FMI et l’UE n’est pas d’éviter que l’Irlande tombe dans une dépression économique. C’est le moyen qui permet d’assurer que les citoyens irlandais verseront encore de l’argent aux banques. Le processus qui consiste à transformer la dette privée des banques en dette publique sera ainsi poussé à son terme. Au lieu d’emprunter de l’argent auprès de la Banque centrale européenne à un taux de 1 % pour se financer, l’État (vous et moi) va devoir emprunter la somme voulue avec un taux d’intérêt de peut-être 5 %. Et, pour payer cela, on va cogner sur les pauvres et les plus vulnérables. »
Les allocations sociales vont être diminuées, les services de santé soumis à un rationnement, les prestations pour les handicapés et les personnes âgées, déjà insuffisantes, vont être encore ponctionnées.
« Mais, ajoute le chroniqueur, 100 milliards d’euros que les Irlandais doivent aux banques allemandes et les 109 milliards dus aux banques britanniques seront garantis. Du coup un surcroît de chômage et un retour à l’émigration de masse sont programmés. La pauvreté et les inégalités vont s’accentuer encore, avec tout ce que cela comporte en coûts sociaux et financiers. »
Pour l’Irlandais moyen, la mesure la plus emblématique est la réduction du salaire minimum. « C’est une façon de punir ceux qui souffrent de la crise, souligne un syndicaliste, pendant que ceux qui l’ont créé poursuivent tranquillement leur chemin. »
Jim Mcloughlin, économiste irlandais, maître de conférences à l’université de Brighton, en Angleterre, voit dans la crise des caractéristiques particulières. Elle frapperait, dit-il, un « capitalisme de copinage », où les dirigeants politiques, les banquiers et ceux qui maîtrisent le marché de l’immobilier s’entendent pour diriger l’économie à leur propre avantage.
Rentrant d’une visite à Dublin où il a rencontré des membres de sa famille, il nous a confié : « Tout le monde souffre et tout le monde est en colère. » Sa tante Rita va voir sa retraite réduite de 10 %. Exaspérée, elle a lancé à Jim : « Je voudrais mettre tous les hommes politiques et tous les banquiers en prison. » Michael, fils de Rita, est enseignant. Il va perdre 20 % de son salaire.
Et retour d’un phénomène terrible, la crise pousse à nouveau de nombreux jeunes gens à quitter le pays. C’est une main-d’œuvre irlandaise qui avait été contrainte de s’expatrier pour construire, pour des salaires de misère, les chemins de fer de l’Angleterre au XIXe siècle et ses autoroutes au XXe. Aujourd’hui, les Irlandais sont saignés pour d’autres motifs : ils doivent payer la facture des banquiers britanniques. Et des banquiers du monde…
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