Isabelle Charest n’est pas « islamophobe »

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« Un voile n'est pas une paire de jeans. »

Mardi dernier, après son assermentation comme nouvelle ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest s’est fait remarquer en qualifiant le hijab, voile islamique couvrant la tête de la femme, de symbole d’oppression des femmes. Affirmant que ce n’est « pas dans ses valeurs », la ministre a publiquement affirmé son opposition à ce signe religieux, au grand dam des partis multiculturalistes. Pourtant, les prises de position de la ministre n’ont rien de scandaleux.


Bien plus qu’une question de liberté


Le Parti Libéral et Québec Solidaire se sont relayés au bâton pour taper sur la ministre, l’accusant de manquer de « tolérance » et de ne pas respecter la liberté de choix de celles qui portent le hijab. Avec leurs lunettes de libertés individuelles, personne ne s’est surpris de leur réaction, même s’il y a manifestement un volet du propos de la ministre qui est passé dix pieds au-dessus de leur tête.



Un voile n’est pas une paire de jeans, il a une signification religieuse forte.



En effet, en considérant le port de signes religieux, et spécifiquement le port du voile islamique, comme une simple question de liberté de choix, le PLQ et QS traitent ces symboles comme s’ils n’avaient aucune signification alors qu’il en est autrement. Si le voile n’était « qu’un simple bout de tissu » comme aiment le dire ceux qui en évacuent toute la symbolique, alors personne ne se battrait pour l’enlever ou pour le porter. Un voile n’est pas une paire de jeans, il a une signification religieuse forte.


Le voile est un symbole qui véhicule un message


Que les apôtres du multiculturalisme veuillent l’avouer ou non, les signes religieux portent un message. Personne n’oserait prétendre qu’un individu portant une croix au cou n’a « qu’un simple bout de métal » au bout de son pendantif : tous savent très bien que ce symbole témoigne d’une croyance en Jésus, qui serait mort sur la croix pour racheter les péchés de l’humanité selon les chrétiens. Il en va de même avec le voile, c’est ce qu’a souligné Isabelle Charest.


En fait, si le voile est contesté jusque chez les musulmans, c’est justement parce que son fondement leur paraît régressif à l’égard des femmes et qu’il est un produit de l’Islam politique qui fait rage depuis la fin du XXe siècle. Dans les années 1950 et 1960, personne ne portait le voile dans les pays du Moyen-Orient, jusqu’à ce qu’un nouveau courant intégriste et politique de l’Islam ne le prescrive aux femmes, supposément au nom de la pudeur extrême encouragée par le Coran.




Critiquer le voile pour ses fondements ne relève ni de la haine, ni de « l’islamophobie », autrement « l’islamophobie » serait très répandue…parmi les musulmans.




Même parmi les musulmans, cette interprétation ne fait pas consensus. Plusieurs Québécoises musulmanes comme Fatima Houda-Pépin et Nadia El-Mabrouk y voient un signe politique d’oppression de la femme. On les imagine rarement lorsqu’on pense à l’Islam, leur préférant l’image-choc de la femme voilée, mais il existe beaucoup de femmes musulmanes qui rejettent ce symbole justement parce que sa signification les rebute. Il ne s’agit donc pas « d’un vulgaire bout de tissu », autrement il n’y aurait pas de débat entre différents courants de l’Islam sur sa signification et sur son port. De même, critiquer le voile pour ses fondements ne relève ni de la haine, ni de « l’islamophobie », autrement « l’islamophobie » serait très répandue…parmi les musulmans.


Isabelle Charest ne mérite pas de sermon


Ainsi, avant de monter sur leurs grands chevaux pour accuser Isabelle Charest « d’islamophobie », les papes de l’inclusion devraient au moins prendre le temps de réfléchir pour vrai à la question. Avec leur analyse simpliste se limitant aux libertés individuelles, le PLQ et QS évacuent complètement la signification forte d’un signe religieux controversé même dans l’Islam.



Avec leur analyse simpliste se limitant aux libertés individuelles, le PLQ et QS évacuent complètement la signification forte d’un signe religieux controversé même dans l’Islam.



En affirmant que le hijab relève de l’oppression de la femme, la ministre de la Condition féminine a pris part à un débat politique qui a lieu partout dans le monde, où cette pratique est vivement contestée à cause du message qu’elle porte et de la représentation de la femme qu’elle véhicule, celle d’une tentatrice qui doit être cachée de la vue des hommes. En tant que ministre de la Condition féminine, il est du devoir d’Isabelle Charest de s’impliquer dans des débats comme celui-ci, qui touche directement les droits des femmes et la perception que l’on a d’elles en société.


Comme dans le débat sur la laïcité, tout ramener à une question de code vestimentaire et de liberté individuelle relève d’un manque criant de compréhension des enjeux. Plutôt que de moraliser inutilement la question, les multiculturalistes doivent comprendre que les symboles religieux représentent des valeurs et ont une signification propre, et que leur place dans l’espace public est matière à débat. Tout n’est pas noir ou blanc, ouvert ou fermé, tolérant ou intolérant.