À son arrivée comme chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime avait promis aux Québécois un grand virage « nationaliste et patriotique »1. Il faut dire qu’il y avait du travail à faire : son prédécesseur à la tête du PCQ, Adrien Pouliot, faisait bon nombre de ses communications « en bilingue », s’opposait aux clauses scolaires de la loi 101 et à l’interdiction du port de signes religieux, et souhaitait confier les seuils d’immigration au milieu des affaires (qui recommande actuellement de les doubler)2.
Ainsi, Duhaime a remplacé l’ancien logo de son parti par une fleur de lys et a appuyé la loi 21, dans l’espoir de rejoindre l’électorat « bleu » plus conservateur, potentiellement sensible à ses positions économiques de droite. Mais comme le dit l’expression : chassez le naturel, il revient au galop !
Le fait est que les libertariens québécois ont traditionnellement été hostiles au nationalisme tel qu’il se définit depuis la Révolution tranquille et même depuis Lionel Groulx, soit l’engagement de l’État pour défendre l’identité québécoise et le fait français, minoritaire au Canada et sur le continent.
Cette doctrine ne fait pas bon ménage avec un libertarianisme intransigeant, pour qui toute contrainte étatique apparaît comme un affront aux libertés individuelles, définies de manière maximaliste.
La perte d’importance de la question de la pandémie et des mesures sanitaires dans le débat public et le retour en force de l’enjeu linguistique ont forcé Éric Duhaime à faire un choix. Il aurait pu incarner la solution de rechange à la CAQ chez les électeurs nationalistes, mais il a préféré maintenir sa ligne libertaire, dans l’espoir de séduire les anglophones qui voudraient se détourner du Parti libéral3.
Nouveau cheval de bataille
Ainsi, le chef du PCQ a fait de l’opposition au projet de loi 96 un nouveau cheval de bataille, jugeant que les mesures somme toute modérées qu’il comporte sont un trop grand affront aux libertés individuelles. Il vante du même souffle le statut de Montréal comme « métropole bilingue », tout en se disant personnellement enclin à hausser les seuils d’immigration, contre l’avis de ses membres. Plus encore, il propose d’abolir les quotas de musique francophone à la radio, se montrant du même coup plus radical que le Parti libéral du Québec et laissant deviner que la « liberté de s’angliciser » prime sur la défense du fait français à ses yeux.
Au bout du compte, on se demande bien ce que le Parti « conservateur » du Québec entend conserver de l’identité québécoise. Dans l’état actuel des choses, il se place en concurrence avec le Parti libéral et Québec solidaire pour incarner l’opposition la plus radicale au nationalisme caquiste. Les élections du 3 octobre révéleront si l’alternative « rouge » au présent gouvernement « bleu » se situe davantage au centre (gauche ?) libéral, à la gauche solidaire ou à la droite libertarienne. Une chose est sûre, alors que le débat identitaire continue de diviser le Québec, la Coalition avenir Québec apparaît bien seule pour parler à la majorité de Québécois qui semble adhérer à sa vision du nationalisme.
1. Lisez L’animateur Éric Duhaime élu chef du Parti conservateur du Québec
2. Des idées pour débloquer le Québec – Comment briser le triangle de l’immobilisme, Adrien Pouliot, Accent Grave, 2014
3. Lisez « Identité, langue, immigration : Éric Duhaime veut inverser le débat »