Israël plongé dans une autre crise diplomatique

Le raid meurtrier contre la «flottille de la liberté» suscite de nombreuses condamnations

"Libérez Gaza" - 1ère Flottille humanitaire - le "Mavi-Marmara" -

Claude Lévesque - L'assaut mené tôt hier matin par des commandos israéliens contre une flottille humanitaire faisant route vers Gaza et qui a fait au moins neuf morts a soulevé de nombreuses condamnations et demandes d'explications dans le monde.
Alors que les militants pro-palestiniens et les autorités israéliennes présentaient des versions diamétralement opposées de ce drame survenu dans les eaux internationales, le Conseil de sécurité de l'ONU a été saisi hier après-midi de cette affaire qui plonge Israël dans une nouvelle crise diplomatique. En particulier, celle-ci envenime sérieusement les relations entre l'État juif et la Turquie, un de ses meilleurs alliés dans la région, qui compterait plusieurs de ses ressortissants parmi les victimes du drame.
Les commanditaires de la «flottille de la liberté» affirment que les commandos ont ouvert le feu sans justification, tandis que l'État juif soutient que certains passagers de son «navire amiral» battant pavillon turc, le Mavi Marmara, ont attaqué les militaires dès que ces derniers s'y sont introduits à partir d'hélicoptères. Les deux parties ont diffusé des vidéos à l'appui de leurs prétentions.
Les ambassadeurs des 27 pays de l'Union européenne se sont entendus hier sur un texte «condamnant» l'usage de la violence lors de ce raid meurtrier et demandant une enquête «immédiate, complète et impartiale».
Cette déclaration, rédigée lors d'une réunion convoquée d'urgence à Bruxelles, paraît viser plus nettement l'attitude de l'armée israélienne lors de l'assaut, même si les propos retenus peuvent aussi englober d'éventuels actes de violence commis par des occupants du Mavi Marmara.
Le texte appelle toutes les parties à faire «baisser la tension» et «souligne la nécessité de poursuivre les négociations indirectes» engagées entre Israéliens et Palestiniens, selon une source diplomatique. Ces pourparlers de paix, qui avaient été suspendus à la suite de l'offensive militaire israélienne à Gaza en décembre 2008 et janvier 2009, ont repris le 9 mai.
«La situation humanitaire à Gaza reste une source de grande préoccupation», souligne encore la déclaration des 27, qui qualifie d'«inacceptable et de politiquement contre-productive» la fermeture des voies d'accès à la bande de Gaza.
Le président américain, Barack Obama, a de son côté demandé à connaître «le plus vite possible» les circonstances exactes du drame, lors d'une conversation téléphonique avec le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, qui a annulé le voyage à Washington normalement prévu au lendemain de sa visite officielle au Canada. Ce dernier a dit «regretter» les pertes en vies humaines, tout en affirmant que les soldats israéliens «étaient forcés de se défendre».
Son ministre de la Défense, Éhoud Barak, lors d'entretiens avec la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, et le conseiller américain à la sécurité nationale, James Jones, a déclaré que l'abordage était conforme au droit maritime, selon un communiqué. «Les passagers du Marmara ont frappé les soldats avec tous les objets à leur disposition et en ont blessé certains», aurait affirmé le ministre. Sur le site Internet de Tsahal, des militaires affirment avoir essuyé des tirs.
Le vice-ministre des Affaires étrangères, Danny Ayalon, a par ailleurs accusé les organisateurs de la mission à Gaza d'avoir «commis un acte conçu, prémédité et une provocation outrageante». Il a également mis en doute le caractère humanitaire de l'initiative, leur reprochant de n'avoir pas voulu procéder comme les autres organisations qui approvisionnent l'enclave palestinienne en biens de première nécessité.
Interviewée par CNN, la conseillère juridique du Free Gaza Movement, Audrey Bomse, a fait valoir que le but de l'opération était d'acheminer du ciment et d'autres matériaux servant à la reconstruction de Gaza, car ceux-ci sont presque toujours bloqués aux points de passage contrôlés par les autorités israéliennes.
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a qualifié de «massacre» le geste israélien. Son gouvernement a exigé par voie de communiqué que les responsables de ce «crime de piraterie» soient traduits devant la justice internationale.
Pour le Free Gaza Movement, il s'agit de la neuvième expédition maritime vers Gaza depuis août 2008. Seules les deux premières ont pu procéder jusqu'aux côtes palestiniennes. Parmi les participants à la dernière opération se trouvaient le romancier suédois Henning Mankell — qu'une rumeur vite démentie mettait au nombre des victimes — et plusieurs parlementaires européens.
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a écourté hier une tournée en Amérique latine pour regagner son pays et gérer cette crise avec Israël, qui survient dans un contexte déjà tendu entre les deux alliés.
«Cet acte, totalement contraire aux principes du droit international, est un acte inhumain de terrorisme d'État», a déclaré M. Erdogan avant de s'envoler vers la Turquie.
Ankara a annulé des manoeuvres militaires conjointes avec les forces israéliennes et réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. La Turquie a également rappelé son ambassadeur en Israël.
Des milliers de personnes se sont rassemblées hier sur la place Taksim, dans le centre d'Istanbul, pour manifester leur colère et prier pour les victimes, tandis que le ministère turc des Affaires étrangères déclarait que les relations bilatérales pourraient souffrir de «conséquences irréparables».
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Avec l'Agence France-Presse et Reuters


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