Jeanne d’Arc interdite, le piètre montage d’un pouvoir aux abois

Point de vue

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Signe que le règne despotique de la macronie achève


En vènerie, on appelle ça donner le change : le vieux cerf traqué par la meute tente de la lancer sur la voie d’un animal plus faible que lui. De même, Macron, aux abois, essaie de pousser la presse et l’opinion publique aux trousses d’une « ultra-droite » fantasmée.


Le gouvernement a saisi le prétexte des polémiques qui ont suivi la manifestation – autorisée par le ministère de l’Intérieur – organisée, le 6 mai dernier, par le Comité du 9 mai, commémorant la mort en mai 1994 d’un militant nationaliste. Bien qu’elle n’ait donné lieu à aucun débordement, le look « mytho » des manifestants de noir vêtus et cagoulés, d’autant plus mal venu qu’il rappelle celui des Black Blocs, semble avoir effrayé Élisabeth Borne et Gérald Darmanin plus que les récentes violences des casseurs d’extrême gauche.


Dans cette ambiance, la décision du ministre de l’Intérieur d’interdire les manifestations prétendument d’« ultra-droite » souligne surtout, a contrario, l’échec du pouvoir, qui n’est pas parvenu, au cours du récent conflit social noué autour de la réforme des retraites, à apparaître comme le champion de l’ordre contre la chienlit – une stratégie déjà utilisée par Emmanuel Macron lors de la crise des gjaunes, avec le concours des Black Bloks, idiots utiles de la Macronie.


La répression exercée contre « l’ultra-droite » devrait fournir au gouvernement l’occasion de montrer ses petits muscles. Le premier mouvement concerné est l’Action française, à laquelle la préfecture de police de Paris a voulu interdire d’organiser un colloque et le cortège traditionnel d’hommage à Jeanne d’Arc, les 13 et 14 mai. Nous voilà loin de l’époque où Emmanuel Macron se rendait à Orléans pour assister aux fêtes johanniques. C’était en 2016, quand il draguait encore l’électorat catho de droite…


Historiquement, le cortège traditionnel existe depuis le 16 mai 1909, jour où l’Action française l’organisa pour la première fois, pour fleurir, place des Pyramides, la statue de la Pucelle d’Orléans béatifiée le mois précédent par le pape Pie X. Cette manifestation s’inscrivait dans le contexte de « l’affaire Thalamas », du nom d’un professeur connu pour avoir insulté Jeanne d’Arc pendant ses cours au lycée Charlemagne, et que les étudiants d’Action française et Camelots du roi empêchèrent d’enseigner à la Sorbonne. Sous le gouvernement de l’anticlérical Georges Clemenceau, de violentes bagarres éclatèrent avec la police, mais le cortège fut maintenu les années suivantes, au prix de nombreuses condamnations à la prison, jusqu’à son autorisation par le président du Conseil Raymond Poincaré en 1912. Après la Grande Guerre, la Chambre des députés dominée par le Bloc national (dite Chambre bleu horizon) institua la fête officielle de Jeanne d’Arc en 1920, année de sa canonisation par le pape Benoît XV. Deux ans plus tard, son successeur Pie XI devait l’ériger en patronne secondaire de la France par la lettre apostolique Galliam, Ecclesiæ filiam primogenitam – qui proclamait par ailleurs Notre-Dame de l’Assomption patronne principale de notre pays.



Par la suite, le cortège traditionnel organisé par l’Action française se déroula dans l’ordre, sauf lorsque des gouvernements de gauche voulurent l’interdire, sous le Cartel des gauches en 1925 et 1926, puis sous la présidence de François Mitterrand, en 1990 et 1991. Ces interdictions se soldèrent à nouveau par des affrontements avec la police – en 1991, les étudiants d’Action française occupèrent en outre le Panthéon en signe de protestation.


En prétendant empêcher une nouvelle fois cette manifestation sous prétexte de troubles à l’ordre public, Gérald Darmanin ne peut donc ignorer qu’il prend le risque de créer lui-même ces troubles. L’hommage à Jeanne d’Arc, s’il est autorisé, ne représente en effet aucune menace pour l’ordre public, que le ministre se montre par ailleurs incapable d’assurer contre les groupuscules d’extrême gauche. L’Action française a déposé deux référés-liberté contre ces interdictions liberticides qui contreviennent aux libertés fondamentales de réunion et de manifestation. Et le 13 mai, le tribunal administratif de Paris a finalement suspendu les arrêtés préfectoraux, infligeant ainsi un camouflet au gouvernement.


Néanmoins, la tentative du tartuffe de la Place Beauvau, qui a également interdit plusieurs autres manifestations, dont celle de l'association Place d'armes et d'un collectif de gilets jaunes, indique une manœuvre inquiétante du gouvernement. L'heure est au retour à « l'ordre » officiel et artificiel, mais ces réactions autoritaires sont surtout révélatrices de la faiblesse d’un pouvoir macroniste qui ne sait manifestement plus à quelle sainte ne pas se vouer.