Ca y est ! Un autre interdit. Et pas un petit : plus de fêtes de Noël ! Trop traditionnelles. Trop chrétiennes. Surtout trop occidentales, et pas assez inclusives. C’est désormais la directive à Patrimoine Canada, multiculturalisme oblige. Ce ministère bien mal nommé se fait désormais zélote pour la catéchèse pluraliste : pour n’offusquer personne, javellisons vite deux millénaires d’histoire occidentale et au passage, quelques siècles d’histoires canadienne et québécoise. Mais pour néanmoins donner à tous l’occasion d’une célébration commune aux premiers jours de la saison froide, restaurons le solstice d’hiver, à la païenne. Alors musulmans et catholiques, protestants et bouddhistes, et pourquoi pas, raéliens et scientologues, tous se rencontreront dans une fête qui n’est celle de personne, ce qui aura au moins la vertu de répartir également l’aliénation des uns et des autres par rapport à leurs propres traditions culturelles.
La rengaine, on commence à la connaître : pour s’ouvrir à « l’altérité », les sociétés occidentales sont appelées à se décentrer de leurs appartenances fondatrices, de leurs valeurs et symboles. Pour le dire simplement : de leur identité. Car entre les groupes humains, désormais, une seule loi : l’harmonie décrétée et plurielle. Majoritaire et minoritaires sont désormais placés sur le même pied dans la mise en scène de la société chartiste, qui confond la nécessaire égalité de tous avec un égalitarisme niveleur et appauvrissant : il n’y a plus de culture fondatrice. Et en cas de conflit, la règle est donnée : au majoritaire de s’incliner, de désinvestir le domaine public de ses marques distinctives, pour l’aménager désormais dans la reconnaissance des différences. Il n’y aurait plus de majorité d’accueil, seulement une société tissée de droits sans devoirs, fière de renier son histoire. En fait, la société vivra désormais sous un régime multiculturel où l’accommodement raisonnable, par-delà la définition strictement juridique que lui réservent ses défenseurs, sera désormais le symbole d’une déconstruction à grande échelle des valeurs communes et des symboles qui les incarnent.
C’est contre cette doctrine avariée que s’est levée il y a moins d’un mois Mario Dumont dans une belle défense de l’identité québécoise. Que disait Dumont ? Qu’une société d’accueil est plus qu’une somme de droits mal agencés les uns les autres. Qu’une nation ne se préserve qu’en se reconnaissant dans une certaine durée historique et culturelle où la mémoire et les symboles incarnent un ensemble indispensable de raisons communes. Et que cette mémoire, quoi qu’en pensent les pluralistes, s’articule à partir de la conscience nationale d’une majorité historique certainement ouverte à l’autre mais refusant de confondre cette ouverture avec le triste reniement de soi.
Ce qui nous ramène à la désolante anecdote du jour : interdit désormais de souhaiter joyeux Noël. Mais n’est-ce pas simplement la suite logique d’une plus profonde abdication de nos élites dans la défense de notre identité collective, bien plus grave finalement que les demandes excessives de certaines minorités ? Car cette proscription s’additionne aux autres : après le sacrifice du sapin de Noël à l’hôtel de ville et des chants de Noël à l’école, c’est au langage de passer à la censure. Vive le masochisme occidental ! Pour aller jusqu’au bout de notre vice, nous flagellerons désormais les dernières surfaces intactes de la tradition. Mais gloire à la religion multiculturelle, il y a de nouveaux rites en Occident : celui de la repentance collective, mais aussi, bien plus athlétique, celui de la traque à l’homme du sens commun, nécessairement raciste et xénophobe, et tout ce qu’on voudra, parce que refusant simplement de s’agenouiller devant le totem du pluralisme identitaire. Inversion détestable : c’est au nom de l’inclusion qu’on exclura, de l’ouverture qu’on se fermera à nos traditions, de la liberté d’expression qu’on fera taire. On le sent bien, la religion multiculturelle est désormais la chambre d’incubation d’un autoritarisme liberticide dont sont paradoxalement porteurs ceux qui se présentent pourtant comme les défenseurs indépassables de la tolérance.
Oh courage, député dans son comté ! Courage, la caissière du supermarché ! Courage le policier en service ! Courage même vous, premier ministre ! Au soir du 24 décembre, transgressez les interdits ! Sacrifiez les boniments politiquement corrects. Militez à peu de frais contre le désastreux multiculturalisme. Et cruellement, trouvez votre curé pluraliste qui goupillonne partout les sueurs certainement pas bénites de sa mauvaise conscience et chuchotez-lui à l’oreille, plein d’un bonheur narquois, ces deux mots en un souhait qu’on fera même au dernier des mécréants : Joyeux Noël !
Mathieu Bock-Côté, candidat au doctorat en sociologie, UQAM
Joyeux Noël !
Noël et Jour de l'An - 2010- 2011
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
2 décembre 2011Ce n'est rien de religieux, depuis le temps qu'on crie que Noël c'est COMMERCIAL... Les commerçants n'ont juste pas de bons lobbyistes pour défendre leur point de vue : affaires en or, à Noël. Mettre de la gaîté dans l'hiver que plusieurs trouvent très long. J'en désespère.
Archives de Vigile Répondre
19 décembre 2006François Deschamps. Texte bien écrit, ironique, inspiré, mais qui, montant en épingle quelques cas symptomatiques, joue un peu trop à mon avis sur des antithèses tranchées, scolaires. Attention, lyrisme et démagogie font bon ménage. Une réflexion sérieuse doit être entreprise autour du paradigme de la Loi 101 établi dans la controverse par le PQ en 1977. La surenchère dans l'outrage vertueux et la radicalisation des tensions auraient pour effet de compromettre l'ouverture nécessaire du PQ aux communautés culturelles et aux anglophones. Je suggère à B.-C. d'insister davantage sur les cas de réussite d'intégration à la société québécoise, cibler des problématiques et proposer des solutions saines, enracinées dans le meilleur de nos instititions.